Médecine interne

Vascularites à ANCA : intérêt restreint des échanges plasmatiques et des fortes doses de corticoïdes

Dans les vascularites à ANCA, les indications des échanges plasmatiques se réduisent aux formes inflammatoires rénales avérées et à certaines hémorragies alvéolaires. Les doses de corticoïdes pourraient être réduites encore plus vite, en fonction du protocole d'induction.

  • DouglasOlivares/istock
  • 18 Fév 2020
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    Dans les vascularites associées aux anticorps anti-cytoplasmes des neutrophiles (ANCA) avec atteinte rénale sévère ou hémorragie alvéolaire, les échanges plasmatiques n'ont pas permis de réduire l'incidence d’un critère composite primaire "maladie rénale terminale ou décès, quelle qu'en soit la cause".

    Une réduction rapide de la dose de corticoïdes ne serait pas inférieure à la dose standard au regard du critère primaire et entraîne nettement moins de complications liées aux infections induites : en réduisant les doses de 45%, le risque d’infections est réduit de 30%, alors qu’il s’agit de la première cause de décès dans cette maladie.

    L'essai PEXIVAS fournit des informations utiles sur le traitement d'induction des vascularites à ANCA, en particulier concernant les sous-populations pouvant bénéficier des échanges plasmatiques. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.

    Des résultats qui interpellent

    Chez la moitié des malades qui ont reçu 7 échanges plasmatiques sur 14 jours pour tenter d'éliminer rapidement les ANCA, le taux combiné de néphropathie terminale ou de décès, toutes causes confondues, est de 28,4% dans le groupe avec échanges plasmatiques et de 31% dans le groupe sans échanges (P=0,27).

    Dans le même temps, la moitié du groupe a été tiré au sort pour recevoir une dose réduite de corticoïdes oraux, représentant environ la moitié de la dose standard, la réduction intervenant au début de la deuxième semaine de traitement. Les autres ont reçu une dose standard qui a été réduite plus progressivement.

    Le critère primaire d'évaluation composite a été atteint chez 27,9% des malades du groupe à dose de corticoïdes réduite contre 25,5% dans le groupe à dose standard (non infériorité démontrée). Par contre, les infections graves sont 31% moins fréquentes dans le groupe faible dose, avec 142 cas dans le groupe dose réduite contre 180 chez les patients à dose standard.

    Pourtant, si l'incidence globale de l'insuffisance rénale terminale ne diffère pas de manière significative entre les groupes en fonction de la dose de stéroïdes, les effets indésirables rénaux sont 84% plus graves dans le groupe avec dose réduite.

    Le plus large essai clinique randomisé

    L’étude PEXIVAS est le plus large essai clinique randomisé avec 704 malades souffrant de vascularite à ANCA (avec un suivi médian de 2,9 ans).

    Cet essai, réalisé en ouvert, visait à évaluer l'efficacité des échanges plasmatiques lorsqu'ils sont ajoutés au traitement d'induction standard actuel chez des malades avec, soit une hémorragie alvéolaire diffuse, soit une atteinte rénale (définies par un taux de filtration glomérulaire estimé inférieur à 50 ml par minute pour 1,73 m2 de surface corporelle).

    Un objectif secondaire était d'évaluer la non-infériorité d'un régime à dose rapidement réduite de corticoïdes oraux par rapport à un régime à dose standard.

    Pathogénicité des ANCA

    Dans les vascularites à ANCA, l’ensemble des données cliniques et in vitro démontre que les ANCA sont directement pathogènes. Les échanges plasmatiques qui épurent rapidement le sang de ces ANCA pathogènes, devrait logiquement diminuer les lésions vasculaires et d’organes et accélérer la rémission de la maladie.

    Les échanges plasmatiques ont été un pilier du traitement d'induction chez les patients atteints de vascularite à ANCA avec une glomérulonéphrite rapidement progressive ou une hémorragie alvéolaire diffuse. Des études antérieures ont suggéré que les échanges plasmatiques réduisaient le risque de maladie rénale en phase terminale, mais ne réduiraient pas nécessairement le risque de décès, un problème qui a présidé à l’organisation de ce type d’études.

    Des malades moins bien caractérisés

    L'essai PEXIVAS a inclus des malades avec un éventail probablement plus large de gravité de lésions rénales que ceux des études précédentes sur les échanges plasmatiques et ceci a pu avoir un effet sur les comparaison du critère composite primaire enytre les groupes qui ne sont pas significatives ici. Le principal problème de cet essai est qu’une biopsie rénale n'était pas nécessaire pour être inclus, il suffisait d’une altération de la fonction rénale.

    Les patients atteints de vascularite associée aux ANCA ont souvent une évolution fluctuante, voire rémittente et il est possible d’observer des cicatrices tubulo-interstitielles et glomérulaires diffuses qui peuvent se produire avant le diagnostic initial. Lors de l’inclusion dans l'étude, en l'absence de biopsie rénale de référence, un taux de filtration glomérulaire estimé à moins de 50 ml par minute par 1,73 m2 peut correspondre, soit à une lésion inflammatoire active, soit à une lésion scléreuse chronique, soit au deux.

    On ignore donc dans cette étude la proportion de malades dont l’insuffisance rénale est causée effectivement par une inflammation active, accessible à un traitement immunomodulateur et aux échanges plasmatiques, par rapport à ceux qui ont déjà des lésions cicatricielles et qui ne vont pas répondre à ces traitements. Cette étude n’exclut donc pas qu’un sous-groupe de malades, souffrant d'une maladie rénale agressive et inflammatoire avérée avec un minimum de cicatrices, puissent bénéficier des échanges plasmatiques.

    Intérêt persistant dans les hémorragies alvéolaires

    Une autre indication majeure actuelle des échanges plasmatiques est pour les pour les malades souffrant de vascularite à ANCA avec hémorragie alvéolaire. Dans l'essai actuel, 191 patients ont eu une hémorragie alvéolaire et, parmi eux, 61 ont eu une hémorragie grave (définie par une saturation en oxygène inférieure à 85% sous air ambiant). Chez ces patients, aucun effet du traitement n'a été observé sur le critère composite primaire.

    Les analyses de sous-groupes montrent cependant un bénéfice possible des échanges plasmatiques chez les patients souffrant d'une hémorragie alvéolaire non grave (RR, 0,64 ; intervalle de confiance [IC] de 95%, 0,33 à 1,24) et chez les patients souffrant d'une hémorragie grave (RR, 0,67 ; IC de 95%, 0,28 à 1,64).

    Réduction en vue des corticoïdes

    Les résultats similaires obtenus dans les deux groupes de dosages de corticoïdes sont particulièrement intéressants car de nombreux effets indésirables liés au traitement dépendent de la dose et de la durée des traitements corticoïdes.

    Dans le groupe à dose réduite, la dose a été réduite plus rapidement, bien que les patients des deux groupes aient reçu des corticoïdes pendant au moins 52 semaines et aient reçu la même dose pendant les 29 dernières semaines de cette période de traitement.

    Les résultats de l'essai PEXIVAS suggèrent qu'un schéma corticoïde à forte dose pourrait être utile chez les patients recevant du rituximab plutôt qu'un traitement d'induction par cyclophosphamide.

    Restriction des indications

    Hormis le fait que tous les malades n’ont pas eu de biopsie rénale à l’inclusion, l'essai PEXIVAS fournit des informations utiles sur le traitement d'induction pour les vascularites à ANCA.

    L’essai montre que les échanges plasmatiques ne doivent plus être systématiques lors du traitement d'induction des malades souffrant de vascularite à ANCA avec insuffisance rénale. Mais ils pourraient rester utiles dans des sous-groupes de patients soigneusement sélectionnés, en particulier si on a la preuve de l’existence de lésions inflammatoires glomérulaires auto-immunes. Ils restent également indiqués dans la plupart des cas d’hémorragies alvéolaires.

    La réduction de la dose de glucocorticoïdes est bénéfique. Des agents plus récents qui ciblent spécifiquement les mécanismes immunitaires innés pourraient éventuellement remplacer complètement les glucocorticoïdes.

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    JDF