Cardiologie
Maladie de Marfan : mieux prévenir les anévrismes et les morts subites
Dans la maladie de Marfan, la dilatation progressive de l’aorte ascendante est cause d’insuffisance valvulaire, d’anévrisme et de mort subite. Le mécanisme-clé pour prévenir cette dilatation serait lié à l'activation d’une enzyme de la paroi artérielle, et non au contrôle de la pression artérielle. Un changement de paradigme.
- yacobchuk1/epictura
La dilatation progressive de l’aorte ascendante (la racine aortique) est considérée comme l'une des manifestations les plus graves de la maladie de Marfan, car elle peut entraîner, à la fois une dilatation de la valve aortique, avec insuffisance de cette valve et insuffisance cardiaque, et surtout, une dissection aortique et une mort subite. Certains traitements médicamenteux antihypertenseurs semblent pouvoir atténuer la progression de cette dilatation aortique mais sans que l’on sache exactement comment cela marche car tous les antihypertenseurs ne préviennent pas la maladie.
Une nouvelle étude parue dans la revue The American Journal of Pathology confirme l'efficacité du losartan, l'un des deux médicaments recommandés, mais montre que le mécanisme qui explique l’efficacité est différent de ce que l'on pensait auparavant. Cette étude, publiée dans la revue The American Journal of Pathology, ouvre de nouvelles opportunités dans la prise en charge de la maladie de Marfan.
Une action directe sur la paroi artérielle
Le losartan, un antihypertenseur de type ARA2, est couramment utilisé dans la maladie de Marfan pour prévenir ou retarder la dilatation de l’aorte ascendante qui est la principale complication de cette maladie du tissu conjonctif.
Dans la maladie de Marfan, du fait de l’hyper-élasticité de tous les tissus, la dilatation de l’aorte ascendante trop élastique conduit à une insuffisance de la valve aortique, avec insuffisance cardiaque prématurée, et à un risque de dissection aortique brutale avec mort subite.
Le traitement actuel consiste à administrer certains anti-hypertenseurs pour réduire ou empêcher cette dilatation de l’aorte ascendante. Une nouvelle étude démontre que le bénéfice des traitements efficaces n’est pas seulement lié à l’effet hypertenseur, mais à un effet direct sur le tissu conjonctif via l'activation de la fonction endothéliale et la libération d'oxyde nitrique.
Un changement de paradigme
« Du point de vue des résultats, nos données appuient le concept selon lequel la réduction de la tension artérielle et l’amélioration de l'hémodynamique cardiaque pourraient avoir une faible valeur thérapeutique dans le syndrome de Marfan, alors que l'amélioration des fonctions endothéliales (de la paroi des vaisseaux) pourrait être préférable », selon le Dr Pascal-Nicolas Bernatchez, du Département d'anesthésiologie, pharmacologie et thérapeutique, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver.
Le losartan, un antihypertenseur de type ARA2 aujourd’hui génériqué, est recommandé dans la maladie de Marfan en raison de propriétés anti-remodelage vasculaire (augmentation de la lumière ou de l’épaisseur de la paroi artérielle), qui manquent à d'autres antihypertenseurs, tels que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ACEi), pourtant aussi efficaces sur la pression artérielle et proches au plan pharmacologique.
Un modèle de souris hypotendues
En collaboration avec des chercheurs de l'Institut de recherche de l'Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, l'équipe a utilisé des souris génétiquement modifiées pour avoir une maladie de Marfan et les a croisées avec des souris hypotendues et avec rythme cardiaque lent (les 2 principaux facteurs de risque de la dilatation aortique), mais exprimant une activité ATR1 faible.
À leur grande surprise, la progéniture a développé quand même une maladie de l’aorte ascendante agressive, en dépit d’une pression artérielle initialement basse et d’une bradycardie, maladie qui, par contre, est restée totalement sensible au losartan.
Ce modèle démontre un éventuel effet « hors cible pression artérielle » du losartan avec une amélioration de la cinétique de la paroi artérielle anti-remodelage via une augmentation de la libération d'oxyde nitrique.
Une hyperlaxité majeure
La maladie de Marfan est un trouble du tissu conjonctif héréditaire, de transmission autosomique dominant, et qui touche 1 personne sur 5000 à 10 000.
Les personnes affectées ont des mutations sur le gène de la fibrilline-1 ce qui perturbe la formation et la stabilisation des fibres élastiques dans les parois des vaisseaux sanguins et d'autres tissus. La manifestation la plus grave de la maladie de Marfan est la dilatation progressive de l’aorte ascendante avec un risque accru d’insuffisance valvulaire et une dilatation de l’aorte initiale (anévrisme aortique) qui est normalement directement soumise au jet d’éjection de sang qui sort du cœur.
D'autres problèmes peuvent survenir dans les poumons, les yeux, les os, les articulations et la moelle épinière. Les personnes souffrant d’une maladie de Marfan sont souvent grandes et minces, avec de longs membres et de longs doigts et orteils (aspect « arachnéen »).








