Rhumatologie

Coxarthrose : la vitesse de marche avant prothèse totale de hanche prédictive du résultat fonctionnel

Chez les patients souffrant d’une coxarthrose, une vitesse de marche d'au moins 1 mètre par seconde avant une arthroplastie de hanche est un prédicteur majeur des résultats postopératoires à moyen terme. Un argument en faveur d’un délai d’opérations pas trop tardif ou de la préhabilitation.

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  • 02 Décembre 2025
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    La prothèse totale de hanche (PTH) pour coxarthrose offre d’excellents résultats à long terme, mais avec des trajectoires de récupération très hétérogènes et sans recommandations claires sur le moment idéal de l’intervention. Dans une cohorte rétrospective de 274 patients asiatiques opérés pour la première fois d’une PTH pour arthrose entre 2012 et 2018, les auteurs ont étudié le lien entre plusieurs paramètres préopératoires et les résultats à moyen terme, évalués 5 à 10 ans après la chirurgie. Les critères principaux étaient deux PROMs : l’Oxford Hip Score (OHS) et le Forgotten Joint Score-12 (FJS-12), analysés à la fois en valeur continue et via l’atteinte d’un Patient Acceptable Symptom State (PASS).

    Selon les résultats publiés dans le Journal of Bone & Joint Surgery, la vitesse de marche spontanée sur 10 mètres s’impose comme le facteur prédictif majeur du résultat fonctionnel. En analyse multivariée, elle est significativement associée aux scores OHS et FJS-12 à moyen terme (p < 0,01), alors que la durée des symptômes et l’intensité douloureuse préopératoires ne prédisent pas les PROMs. La vitesse de marche, reflet intégré de la fonction locomotrice et de la dysfonction articulaire, émerge ainsi comme le meilleur candidat pour guider le timing de la PTH.

    Vitesse de marche : un prédicteur central des résultats à moyen terme

    Les auteurs affinent l’interprétation clinique en recherchant des seuils de vitesse de marche associés à un état acceptable selon le Patient Acceptable Symptom State. Pour l’Oxford Hip Score, le seuil de 0,7 m/s est identifié (AUC 0,69, p < 0,01), tandis que pour le Forgotten Joint Score-12, un seuil plus exigeant de 1,0 m/s est retrouvé (AUC 0,60, p = 0,01). Au-delà de ces valeurs, la probabilité d’atteindre des scores jugés cliniquement satisfaisants par les patients augmente nettement.

    Une seconde approche, fondée sur un algorithme de K-means clustering appliqué aux PROMs, permet de classer automatiquement les patients en groupe « excellent » versus groupe contrôle. Là encore, la vitesse de marche préopératoire ressort comme le seul prédicteur indépendant d’appartenance au groupe excellent, avec un odds ratio de 5,85 (p < 0,01) et un seuil d’environ 1,0 m/s pour être classé dans ce groupe (AUC 0,64, p < 0,01). Ce seuil de 1,0 m/s rejoint à la fois le PASS basé sur le FJS-12 et les critères proposés pour la sarcopénie, tout en restant nettement inférieur à la vitesse de marche habituelle des adultes de 60–69 ans (environ 1,2–1,4 m/s), ce qui renforce sa plausibilité clinique.

    Les analyses complémentaires montrent que la vitesse de marche est influencée par l’âge, l’amplitude de flexion de hanche, la force de flexion et l’intensité douloureuse, suggérant des cibles de rééducation préopératoire. Les données de tolérance restent rassurantes : aucune alerte spécifique de sécurité liée à un sous-groupe particulier n’est signalée, et l’étude s’inscrit dans un contexte de pratique clinique courante, sans protocole expérimental invasif.

    Une étude rétrospective robuste mais avec des limites 

    Cette étude repose sur une cohorte rétrospective de 274 patients opérés dans un seul centre universitaire, avec des évaluations physiques standardisées la veille de l’intervention (douleur, amplitude articulaire, force musculaire, vitesse de marche sur 10 m), puis un recueil postal des PROMs (OHS et FJS-12) plusieurs années après la PTH. L’utilisation conjointe du PASS et d’une approche par K-means clustering apporte une double lecture des résultats : d’une part l’atteinte d’un état jugé acceptable par les patients, d’autre part l’identification d’un sous-groupe « excellent » de manière data-driven, renforçant la robustesse des conclusions.

    Plusieurs limites doivent cependant être gardées en tête : nature rétrospective, détermination approximative de la durée des symptômes à partir des dossiers, autorisation des cannes habituelles lors de la mesure de la vitesse de marche, forte proportion de femmes (89 %) reflétant l’épidémiologie asiatique de la coxarthrose, et possible influence d’autres arthropathies des membres inférieurs. Ces éléments restreignent légèrement la généralisabilité, en particulier hors populations asiatiques, mais l’évaluation dans des conditions de « vraie vie » renforce la pertinence clinique des résultats.

    Des implications immédiates pour les délais opératoires et la préhabilitation

    Selon les auteurs, les messages sont clairs. Premièrement, la vitesse de marche doit être intégrée systématiquement à l’évaluation préopératoire de la coxarthrose, au même titre que la douleur et les scores radiographiques, et considérée comme un « signe vital » fonctionnel. Ce critère est parallèlement utilisé en gériatrie avec une bonne valeur pronostique sur le « Frailty ».

    Deuxièmement, un ralentissement de la marche vers ou en dessous de 1,0 m/s doit alerter sur le risque de dégradation fonctionnelle et peut justifier de ne pas retarder indéfiniment la PTH, voire de mettre en place une préhabilitation.

    Troisièmement, la préhabilitation ciblant l’amplitude de flexion de hanche, la force du membre inférieur (en particulier fléchisseurs de hanche) et l’activité physique globale, avec un objectif de vitesse de marche supérieure à 1,0 m/s, apparaît comme une stratégie réaliste pour optimiser les résultats à moyen terme. La préhabilitation avant la mise en place d’une prothèse totale de hanche (PTH) est une approche de plus en plus intégrée dans les parcours de soins orthopédiques. Cette stratégie préopératoire consiste à préparer activement les patients sur les plans physique, nutritionnel, psychologique et éducatif. L’objectif principal est de réduire les complications post-opératoires, accélérer la récupération fonctionnelle et diminuer les durées d’hospitalisation.

    Enfin, ces données ouvrent des perspectives de recherche sur des programmes structurés de préhabilitation et sur la validation de ces seuils dans d’autres populations et contextes de chirurgie orthopédique.

     

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