Onco-Digestif
Cancer du côlon MSI de stade III : Chimiothérapie Vs chimiothérapie + immunothérapie, effet d’une bombe ?
Les tumeurs déficientes pour le système de réparation des mésappariements de l’ADN avec instabilité des microsatellites (dMMR/MSI) sont particulièrement sensibles à l’immunothérapie. Cela a notamment été démontré pour les cancers du côlon (CC) en situation néoadjuvante (essais « NICHE ») et métastatique. Pour la première fois, l’immunothérapie en association à la chimiothérapie a été évaluée en situation adjuvante dans un essai randomisé de phase III, dont les résultats ont été rapportés au congrès de l’ASCO 2025.
- Panuwat Dangsungnoen/iStock
Les cancers du côlon (CC) de stade III (N+), représentent environ 35 % des cas lors de leur diagnostic. L’atteinte ganglionnaire est un facteur pronostique majeur, raison pour laquelle une chimiothérapie adjuvante combinant une fluoropyrimidine et un sel de platine est le standard thérapeutique dans cette situation, indépendamment du profil de biologie moléculaire tumoral. Toutefois, malgré une prise en charge thérapeutique optimale (chirurgie R0 et chimiothérapie adjuvante), une récidive tumorale est observée dans environ 30 % des cas.
Parmi les CC de stade III, environ 15 % sont dMMR/MSI. Il s’agit d’un biomarqueur prédictif de bonne réponse à l’immunothérapie, comme cela a déjà été démontré en situation néoadjuvante du CC dans le cadre des essais « NICHE » ou encore en situation métastatique (essais Keynote 177 et plus récemment CheckMate 8HW).
Dans ce contexte, évaluer l’impact d’une immunothérapie adjuvante, en association à la chimiothérapie, pour les CC de stade III dMMR/MSI est une question d’intérêt. Elle a été étudiée dans l’essai randomisé de phase III ATOMIC, dont les résultats ont été rapportés en séance plénière au congrès de l’ASCO 2025.
L'essai ATOMIC
ATOMIC était un essai de phase III multicentrique randomisé (1:1) en ouvert qui a comparé les données de survie sans maladie (SSM) et de survie globale (SG) entre un traitement adjuvant par mFOLFOX (6 mois) plus atezolizumab (anti-PD-L1 ; 12 mois) vs. mFOLFOX (6 mois, bras contrôle).
Les patients inclus devaient être âgés de ≥ 12 ans, ECOG PS ≤ 2, avoir été opérés d’un CC de stade III, avec résection R0 et de statut dMMR (relecture centralisée). L’objectif principal était l’évaluation de la SSM. Les objectifs secondaires principaux étaient la SG et l’évaluation de la tolérance des traitements.
Entre octobre 2017 et janvier 2023, 712 patients ont été randomisés : 355 dans le bras mFOLFOX plus atezolizumab, 357 dans le bras mFOLFOX. Les deux groupes étaient comparables entre eux. L’âge médian à l’inclusion était de 65 ans, 55% des patients étaient des hommes. Les tumeurs étaient latéralisées à droite dans près de 85% des cas, cT4 dans 30% des cas et cN2 chez 35% des patients.
Après un suivi médian de 37,2 mois, la SSM à 36 mois était de 86,6% dans le bras expérimental vs. 77,1% dans le bras contrôle (HR=0,53 ; p<0,0007). Ce bénéfice a été observé dans tous les sous-groupes de patients (âge, sexe, latéralité du CC, cT, cN). Les données de SG n’ont pas été présentées car non matures. La tolérance des traitements a été correcte, notamment dans le bras expérimental. On notait 72,3% d’événements indésirables de grade 3-4 liés au traitement dans le bras mFOLFOX plus atezolizumab vs. 59,2% dans le bras contrôle (fatigue 10% vs. 4% ; neutropénie 19% vs 15% ; diarrhée 12% vs 8% ; 2 décès toxiques vs. 0). Peu d’effets secondaires immunomédiés sont survenus (pas de différence significative en comparaison au bras mFOLFOX).
Discussion et conclusion
ATOMIC est la première étude de phase III randomisée (et la seule disponible !) réalisée chez des patients avec un CC localisé, de stade III, dMMR, en situation adjuvante.
Les résultats présentés sont sans appel et cette étude est largement positive, en faveur du traitement adjuvant par mFOLFOX (6 mois) plus atezolizumab (12 mois) avec une diminution du taux de récidive de 10% à 3 ans. Ce traitement devrait donc devenir un standard prochain.
Toutefois, plusieurs points sont à souligner. En effet, la période d’inclusion était longue et a débuté en octobre 2017. A cet instant, les résultats de l’analyse poolée internationale IDEA n’avaient pas encore été publiés, de même que les essais NICHE (notamment NICHE-2), qui bien que non randomisés, positionnent de manière nette l’immunothérapie néoadjuvante comme traitement de choix pour les « volumineux » CC localisés dMMR/MSI. Cette stratégie de courte immunothérapie néoadjuvante selon le protocole NICHE-2 (nivolumab plus ipilimumab au J1 puis nivolumab seul au J15), en plus d’être très bien tolérée, avait permis d’obtenir un taux de réponse pathologique complète dans 68% des cas et surtout une survie sans récidive à 3 ans de 100%.
Il est donc important que de telles situations soient discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire avant toute prise en charge thérapeutique afin de décider de la meilleure stratégie thérapeutique à proposer au patient (stratégie néoadjuvante pour les tumeurs cT4 et/ou cN+, avec la réserve d’une mauvaise évaluation radiologique du statut cN ? ; stratégie adjuvante dans les autres cas ?).








