Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : réduction de la sensibilité à la douleur sous DMARD

Chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde active mis sous nouveau DMARD, les seuils de douleur à la pression s’élèvent significativement après 12 semaines et leur progression s’accompagne d’une baisse parallèle du DAS28-CRP. Les phénomènes de sommation temporelle et de modulation conditionnée ne varient pas, suggérant que l’inflammation périphérique se répercute surtout sur la sensibilité locale, tandis que la sensibilisation douloureuse centrale persiste.

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  • 03 Jun 2025
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    La perception douloureuse au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ne se résume pas à la phase d’activité inflammatoire : jusqu’à 40 % des malades conservent un seuil de douleur anormal malgré une synovite minimale, laissant supposer des mécanismes de sensibilisation centrale.

    Cette cohorte prospective inclut des sujets amorçant ou switchant leur traitement de fond (DMARD), évalués par évaluation sensitive quantitative (QST) dont le pressure pain thresholds (PPT) multisites, le temporal summation (TS) mécanique poignet-avant-bras, le conditioned pain modulation (CPM) et par le DAS28-CRP.  

    Selon les résultats publiés dans Arthritis and Rheumatology, après trois mois de traitement, les PPT augmentent en moyenne de 0,6 à 0,9 kg/cm² selon le site (p < 0,01), reflétant une diminution de l’hyperalgésie mécanique. La variation du DAS28-CRP (–1,4 ± 1,2) corrèle faiblement mais de façon robuste avec l’amélioration des PPT au genou (r = 0,28) et au poignet (r = 0,24).

    Lien causal entre nociception inflammatoire périphérique et hypersensibilité mécanique

    En analyse multivariée, chaque point de DAS28-CRP perdu s’accompagne d’un gain de 0,47 kg/cm² au genou, indépendamment de l’âge, du sexe, de la durée de maladie et de l’utilisation d’opioïdes. En revanche, ni la TS ni le CPM ne se modifient, signe que les circuits centraux de facilitation ou d’inhibition descendante demeurent stables sur ce laps de temps. Parmi les composantes du score, la diminution du nombre d’articulations sensibles est la mieux liée à la montée des PPT, alors que la CRP sérique n’intervient pas.

    Les analyses secondaires ne détectent aucune variation cliniquement pertinente des mécanismes dynamiques de la douleur : TS et CPM restent inchangés (ΔTS = +0,2 ± 1,1 N, p = 0,45 ; ΔCPM = –0,1 ± 0,8 N, p = 0,62). L’absence d’effet sur ces marqueurs centraux suggère que douze semaines de contrôle inflammatoire ne suffisent pas à modifier des voies neuroplastiques établies.

    Les DMARD, toutes classes confondues, se révèlent globalement bien tolérés ; aucun signal spécifique d’aggravation douloureuse n’est observé. Les limitations résident dans l’hétérogénéité thérapeutique, l’absence de contrôle strict des co-analgésiques et la brièveté du suivi. Toutefois, la cohérence des corrélations entre baisse de l’activité clinique et hausse des PPT conforte l’hypothèse d’un lien causal entre nociception inflammatoire périphérique et hypersensibilité mécanique.

    Un suivi longitudinal de cohorte

    Ces données proviennent d’un suivi longitudinal de la cohorte CPIRA ; les mesures QST standardisées ont été effectuées par techniciens formés, et les évaluateurs du DAS28 étaient masqués au résultat des tests sensoriels, limitant les biais. L’effectif offre une puissance suffisante pour détecter des variations modestes de PPT mais pas pour explorer les sous-groupes selon la classe de DMARD. La représentativité est bonne pour une PR d’activité modérée à élevée (DAS28-CRP moyen = 5,1), mais les formes très précoces ou longuement établies restent sous-représentées.

    Selon les auteurs, ces conclusions justifient de coupler, chez les patients encore algiques malgré la rémission inflammatoire, une stratégie ciblant la sensibilisation centrale (exercice aérobie, thérapies cognitivo-comportementales, modulateurs neuromédiateurs). Des études prolongées devront préciser le délai requis pour influer sur TS et CPM et identifier les phénotypes susceptibles de répondre à une approche combinée inflammatoire-centrale. Il convient également de bien s’assurer de la précocité du traitement de la PR avant que les phénomènes de sensibilisation centraux ne s’installent.

     

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