Rhumatologie

Spondylarthrite : une prise en charge qui doit être adaptée sur les phénotypes

La spondylarthrite est une pathologie complexe. Une compréhension approfondie des différents phénotypes de la maladie peut guider vers des stratégies de prise en charge précoces plus personnalisées pour améliorer le pronostic à long terme.

  • Leonid Eremeychuk/istock
  • 14 Mar 2024
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    La spondylarthrite est une pathologie caractérisée par une grande hétérogénéité clinique. La spondylarthrite axiale (axSpA) se manifeste principalement par une douleur chronique du rachis avant la quatrième décennie de vie. Elle peut également avoir une atteinte du squelette périphérique, un syndrome inflammatoire, un HLAB27 et des anomalies à l'imagerie axiale (rachis et sacro-iliaques).

    Son diagnostic repose sur la reconnaissance d’une association évocatrice de signes cliniques, biologiques et radiologiques, défi complexe en raison de la diversité des manifestations dès le début de la maladie. Les patients souffrant de lésions sans équivoques sur les radiographies du bassin, selon les critères de New York modifiés (mNY), sont appelés spondylarthrite axiale radiographique (r-axSpA) et ceux qui n'en souffrent pas, spondylarthrite axiale non radiographique (nr-axSpA). Il existe un groupe de patients avec une symptomatologie plus confuse qui peut être facilement confondue avec la fibromyalgie.

    Les critères de classification de l'ASAS visent à capturer cette hétérogénéité, notamment dans les phases précoces, mais ils ne sont pas destinés au diagnostic clinique direct.

    3 phénotypes distincts et des évolutions différenciées

    En utilisant les données de deux cohortes de la spondylarthrite axiale débutante, SPACE (SPondyloArthritis Caught Early) et DESIR (DEvenir des Spondylarthopathies Indifférenciées Récentes), des chercheurs français avaient identifié trois phénotypes distincts de la SpA, offrant des perspectives différentes sur le pronostic et la gestion de la maladie.

    Le premier phénotype, appelé « Axial », est caractérisé par une positivité HLA-B27 et des anomalies typiques sur l'imagerie axiale. Le deuxième phénotype inclut des patients souffrant de douleurs rachidiennes inflammatoires et d’atteintes inflammatoires périphériques (appelés « IBP+Périphérique ») et le troisième comprend des patients avec des facteurs de risque de spondylarthrite axiale (HLA-B27 et antécédents familiaux) mais avec une faible probabilité d'autres signes de spondylarthrite (appelés « À risque »).

    Dans cette étude, les patients qui souffraient d'un phénotype « axial » et « IBP+périphérique » au départ n'ont pas évolué vers un autre phénotype au fil du temps, tandis que ceux appartenant à la classe « à risque » au départ ont eu une probabilité de 11% de passer au phénotype « IBP+Périphérique » sur une période de 5 ans.

    Des différences socio-économiques

    La plupart des patients souffrant d'un phénotype « Axial » sont des hommes, HLA-B27 positifs et avaient des marqueurs objectifs d'inflammation à l’inclusion, c'est-à-dire une CRP élevée et des scores SPARCC élevés à l'IRM, en particulier au niveau des articulations sacro-iliaques. Ce phénotype sera généralement reconnu par les rhumatologues comme le tableau clinique typique de la spondylarthrite axiale.

    Le fait que les patients « Axial » sont plus souvent fumeurs, ont un niveau d'éducation plus faible et occupaient plus souvent des emplois manuels est cohérent avec des études précédentes, montrant qu'en plus des marqueurs inflammatoires systémiques (par ex. ASDAS), les facteurs socio-économiques sont également associés à plus d'inflammation IRM et à plus de lésions structurelles dans la spondylarthrite axiale.

    Phénotypes distincts et implications pronostiques

    Les patients souffrant de phénotypes dont le pronostic est plus défavorable au départ pourraient bénéficier de stratégies précoces de traitement différentes de celles des patients dont le pronostic est meilleur.

    Dans cette étude de suivi sur plus de 5 ans, les patients atteints de spondylarthrite axiale avec des lésions typiques sur l'imagerie axiale (r-axSpA) et ceux qui souffraient de douleurs axiales (sans imagerie positive) et d'articulations périphériques gonflées (« IBP+périphérique ») ont un meilleur score fonctionnel et une meilleure qualité de vie à cinq ans par rapport aux patients « À risque » alors que ceux-ci ont peu de signes cliniques objectifs et n’ont que des facteurs de risque de la maladie. Même sous biothérapie (bDMARDs), les résultats cliniques s'améliorent le moins dans ce dernier groupe. Cependant, les marqueurs de substitution précédemment proposés pour cette pathologie, tels que les PRO’s, aident dans une certaine mesure à interpréter certaines des différences de pronostic constatées entre les phénotypes et à isoler ceux qui souffrent en réalité de fibromyalgie dans le groupe « À risque ».

    Ces résultats soulignent l'importance d'une approche thérapeutique ciblée, adaptée à chaque phénotype spécifique de la SpA, avec une vigilance accrue dans l'indication des bDMARDs chez les patients sans signes objectifs d'inflammation ou d’atteinte radiologique, car ceux-ci marchent vraiment moins bien sur ce phénotype (« À risque »).

    Ajuster le traitement en fonction du phénotype et du pronostic

    Intuitivement, on pourrait penser que les patients « Axiaux », avec une charge inflammatoire élevée au début de l'étude, auraient de moins bons résultats au fil du temps que les patients ayant d'autres phénotypes avec des signes minimes ou pas d'inflammation objective. Or, ce n'est pas ce qui a été observé dans cette étude sur 5 ans malgré des facteurs de risque plus défavorables (par exemple, sexe masculin et CRP élevée) et une progression structurelle plus importante. Ce groupe est caractérisé dans l’étude par une forte proportion de patients traités par une biothérapie.

    Bien que les patients « IBP+périphérique » n’aient pratiquement aucune anomalie à l'imagerie axiale, ils ont les valeurs les plus élevées de l'ASDAS et du BASFI de tous les phénotypes au début de l'étude. Ils sont également moins souvent HLA-B27 positifs que les patients du phénotype « Axial » (52% contre 93%). Ces résultats concordent avec les données précédentes montrant que les maladies périphériques sont plus fréquentes chez les patients atteints de spondylarthrite axiale HLA-B27 négative et que la présence d'arthrite contribue de manière significative à une charge de morbidité élevée dans la spondylarthrite.

    Étant donné la forte prévalence des arthrites périphériques, il n'est pas surprenant que près de la moitié des patients « IBP+Périphérique » aient reçu des csDMARDs, car ces médicaments, en particulier la sulfasalazine, se sont révélés efficaces chez ces patients. Comme les patients « Axial », de nombreux patients « IBP+Périphérique » ont également été traités avec des bDMARDs et des niveaux similaires d'amélioration du handicap et de la qualité de vie au fil du temps ont été constatés pour ces deux phénotypes.

    Ceci n’a pas été le cas des patients « À risque » ce qui souligne l'importance d'approches de gestion alternatives pour les patients sans marqueurs inflammatoires objectifs.

     

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    JDF