Allergologie

Allergies alimentaires multiples : un anti-IgE réduit le risque lié aux expositions accidentelles

Chez les personnes souffrant d'allergies alimentaires multiples et craignant une exposition accidentelle occulte dans une cafétéria ou un restaurant, l'omalizumab réduit le risque de réactions dangereuses lié à l’exposition à des quantités même infimes d'allergènes. Mais les personnes qui prennent ce médicament doivent toujours éviter les aliments à risque.

  • nicoletaionescu/istock
  • 27 Fév 2024
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    Les allergies alimentaires sont fréquentes et sont responsables d'une morbidité importante. Les recommandations actuelles en matière de prise en charge reposent sur l'évitement des aliments et sur un traitement d'urgence en cas d'exposition accidentelle. Souffrir d'une allergie alimentaire multiple exige cependant une vigilance constante mais qui ne suffit pas toujours, car d’infimes traces d’allergènes peuvent être restées sur un couteau ou une cuillère lors de la préparation des aliments et ces quantités infimes peuvent déclencher les mêmes crises graves.

    L'omalizumab, un médicament utilisé depuis des décennies pour traiter l'asthme allergique et l'urticaire, réduit de manière importante et significative le risque de réactions potentiellement mortelles chez les enfants souffrant d'allergies alimentaires multiples graves et exposés à des traces d'arachides, de noix de cajou, de lait et d'œufs. Ce sont les résultats d’une étude présentée lors de la conférence annuelle de l'American Academy of Allergy, Asthma and Immunology et publiée dans The New England Journal of Medicine.

    Une très nette réduction des risques de crises graves

    Une fois la phase de traitement terminée, les participants ont été testés pour voir s'ils pouvaient tolérer des traces d'allergènes alimentaires. Sur les 118 participants ayant reçu l’omalizumab, 79, soit 67%, ont pu tolérer jusqu'à 600 milligrammes de protéines d'arachide en une seule dose (ce qui équivaut à un peu plus d'une demi-cuillère à café de beurre de cacahuète, soit environ deux cacahuètes et demie) sans symptômes graves. Seuls quatre des 59 participants ayant reçu des injections de placebo, soit 7%, ont été en mesure de le faire.

    Les niveaux de protection varient en fonction de l'aliment : 41% des personnes allergiques aux noix de cajou qui ont reçu le médicament n'ont pas eu de réaction lorsqu'elles ont mangé jusqu'à 1 000 milligrammes de noix de cajou, par exemple, contre 3% des personnes du groupe témoin ayant reçu le placebo.

    Deux tiers des personnes souffrant d'allergies au lait qui ont pris le médicament ont pu tolérer jusqu'à 1 000 milligrammes de protéines de lait, contre 10% dans le groupe placebo.

    Plus des deux tiers des personnes souffrant d'allergies aux œufs ont toléré jusqu'à 1 000 milligrammes de protéines d'œuf si elles avaient reçu le médicament, alors que personne dans le groupe placebo n'a pu le faire. Tous les résultats sont statistiquement significatifs.

    Un essai randomisé institutionnel

    L'essai OUtMATCH (Omalizumab as Monotherapy and as Adjunct Therapy to Multi-Allergen Oral Immunotherapy (OIT) in Food Allergic Children and Adults) a été conçu comme un essai de phase 3, financé en grande partie par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases, et il s'agissait d'un essai clinique en double aveugle, randomisé et contrôlé versus placebo. Il a été mené dans 10 centres médicaux des États-Unis et a inclus 177 enfants et adolescents âgés de 1 à 17 ans, tous allergiques à l'arachide et à au moins deux autres aliments, dont la noix de cajou, le lait, l'œuf, la noix, le blé et la noisette.

    Pour être inclus dans l'étude, les participants devaient présenter une réaction allergique à 100 milligrammes ou moins de protéines d'arachide (moins d'une demi-cacahuète) et à 300 milligrammes ou moins de deux autres aliments d'une liste comprenant notamment le lait et les œufs. Les participants ont été randomisés pour recevoir des injections d'omalizumab ou d'un placebo toutes les deux à quatre semaines pendant 16 à 20 semaines, en fonction de leurs caractéristiques personnelles, notamment leur poids.

    Une anticorps anti-IgE utilisé depuis de nombreuses années

    L'omalizumab, un anticorps monoclonal qui se lie aux IgE, s'est révélé prometteur pour le traitement des allergies alimentaires dans de nombreux petits essais. Il est actuellement approuvé pour le traitement de l'asthme allergique chez les enfants dès l'âge de 6 ans et pour l'urticaire chronique spontanée et la polypose naso-sinusienne chez les adolescents et les adultes.

    Des études ont montré que l'omalizumab et d'autres anti-IgE augmentent le seuil de réactivité aux aliments lorsqu'ils sont administrés seuls et que, lorsqu'ils sont administrés avec une immunothérapie orale, ils peuvent réduire l'incidence et la gravité des effets indésirables et diminuer le temps nécessaire à l'augmentation de la dose.

    Des résultats très intéressants

    Chez des personnes souffrant d'allergies alimentaires multiples et âgées d'un an à peine, le traitement par omalizumab pendant 16 semaines se révèle supérieur au placebo pour ce qui est de l'augmentation du seuil de réaction à l'arachide, à la noix de cajou, à l'œuf et au lait. Ainsi, 6% des participants du groupe omalizumab ont pu consommer avec succès au moins 600 mg de protéines d'arachide (dose cumulée de 1044 mg, équivalant à environ 4 arachides), et 44% ont pu consommer avec succès une dose cumulée de 6044 mg (équivalant à environ 25 arachides, la dose la plus élevée utilisée au cours de la première phase de l'essai).

    Ces niveaux de protection sont probablement supérieurs à ceux qui seraient nécessaires pour les quantités d'aliments généralement rencontrées lors d'une exposition accidentelle, ce qui souligne l'utilisation possible de l'omalizumab en monothérapie pour réduire le risque de réactions allergiques alimentaires au quotidien, tout en étant conscient que cette protection ne dispense pas les malades d'une éviction continue des aliments allergisants. Au prix d’une injection sous-cutanée régulière et en restant attentif à ce qu’ils mangent, les patients avec allergies alimentaires multiples vont pouvoir déjeuner ou dîner dans un restaurant ou une cantine sans crainte d’un accident majeur.

     

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    JDF