Pédiatrie

Leucémies de l'enfant : des risques associés à la vie près des vignes

Le risque de leucémies aiguës pourrait être augmenté chez les enfants vivant à proximité de vignes. Mais ce ne sont pas ceux qui habitent le plus près de ces cultures qui seraient les plus à risque. Un autre paramètre d'exposition questionne.

  • francescomoufotografo/istock
  • 24 Nov 2023
  • A A

    Les risques liés à l'exposition aux pesticides est une vaste interrogation actuelle en santé publique. Ils sont notamment suspectés d'être un facteur de risque de cancers pédiatriques. Une nouvelle étude de l'INSERM, publiée dans la revue Environnemental Health Perspectives, apporte de nouveaux éléments en faveur de cette hypothèse.

    Les chercheurs ont évalué le risque de leucémie aiguë chez les enfants français vivant à proximité des vignes, cultures particulièrement soumises à une utilisation intensive de pesticides. Et un résultat est alertant.   

    Une vaste étude incluant près de 47 000 enfants

    L'étude fait partie du programme GEOCAP, porté par l'INSERM et ayant pour objectif d'étudier l'influence de plusieurs expositions environnementales sur le risque de cancer de l'enfant. Les chercheurs ont ainsi inclus de manière exhaustive tous les cas de leucémie aiguë chez les moins de 15 ans entre 2006 et 2013 d'après le registre national des cancers des enfants (RNCE), soit 3711 enfants. Ils ont ensuite apparié plus de 40 000 témoins représentatifs de la population infantile en France.

    Pour chaque enfant, la proximité des vignes (probabilité de présence à 200, 500 et 1000 mètres autour du lieu de résidence) et la densité de viticulture (surface consacrée à la vigne dans un rayon de 1000 mètres autour du lieu de résidence) ont été estimées à l'aide d'un complexe et fin système d'information géographique. Il combinait plusieurs cartes nationales d'occupation des sols et allait parfois jusqu'à l'analyse de photos aériennes pour repérer la présence ou non de vignes autour du lieu de résidence.

    Augmentation du risque de leucémie dans les zones à forte densité de viticulture 

    Première conclusion plutôt rassurante : les résultats ne montrent pas d'association entre la proximité des vignes et le risque de survenue d'une leucémie aiguë chez l'enfant. Mais l'analyse ne s'est pas arrêtée à ce constat et une seconde conclusion, plus alarmante, existe : l'étude met en évidence une légère augmentation du risque de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) infantile dans les zones à forte densité de viticulture.

    En moyenne, une augmentation de 5% du risque de LAL pour une augmentation de 10% de la densité viticole aux alentours de la résidence des enfants. Les auteurs notent une certaine hétérogénéité de l'association selon les régions, avec une association plus marquée dans 5 régions : Centre Val de Loire, Pays de la Loire, Grand-Est, Occitanie et Provence Alpes-Côte d'Azur-Corse. Par ailleurs, aucune association n'a été trouvée entre la proximité ou la densité de vignes aux alentours de l'habitation et le risque de leucémie myéloïde aiguë (LAM).

    Une densité viticole toutefois difficile à évaluer précisément

    Comme toute étude, celle-ci comporte des limites, empêchant de conclure formellement à l'association mise en évidence. L'une d'entre elle, a été l'impossibilité d'évaluer précisément la densité viticole autour des habitations.

    L'étude a aussi évalué la proximité des vignes par rapport à la résidence au moment du diagnostic pour les cas ou au moment de l'inclusion pour les témoins, sans accès aux résidences précédentes en particulier pendant la période prénatale ou à la naissance, ce qui aurait été pertinent pour l'évaluation d'un risque de cancer chez l'enfant.

    Par contre d'autres biais ont pu être limités -renforçant le niveau de preuve de l'étude- comme la prise en compte de facteurs de confusion démographiques et environnementaux potentiellement à risque de LA (pollution de l'air liée au trafic, urbanisation et rayonnement UV par exemple), écartés grâce à des analyses de sensibilité.

    Une hypothèse qui reste encore à valider

    Les auteurs concluent que « ce résultat renforce l'hypothèse selon laquelle les pesticides utilisés dans la viticulture pourraient être associés à la LAL infantile ». Celle-ci doit maintenant être étudiée plus en détail en utilisant les bases de données disponibles sur les utilisations agricoles des pesticides.                           

     

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF