Rhumatologie

Lombalgie et cervicalgie aiguë : pas de bénéfice des antalgiques opioïdes versus placebo

Les antalgiques opioïdes n’apportent pas de bénéfice évident sur la douleur lombaire ou cervicale aiguë ou subaiguë tout en faisant courir un risque de mésusage. Leur prescription devrait être discutée très soigneusement dans ces indications

  • Jelena Stanojkovic/istock
  • 30 Jun 2023
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    Malgré l'absence de preuves de leur efficacité, les antalgiques opioïdes sont encore largement prescrits dans les lombalgies et les cervicalgies aiguës. Un essai contrôlé versus placebo chez des personnes souffrant de douleurs lombaires ou cervicales aiguës montre que la prise d'antalgiques opioïdes n’a aucun bénéfice par rapport à un placebo sur un suivi d’un an. Il n'y a pas de différence significative dans les scores de douleur après six semaines, tandis que les patients ayant reçu le placebo ont même des scores de douleur légèrement inférieurs après un an.

    Cet essai OPAL, multicentrique et randomisé, incluant 347 patients en Australie, est publié dans The Lancet. Il s'agit du premier essai contrôlé randomisé à étudier la sécurité et l'efficacité des antalgiques opioïdes dans les douleurs lombaires et cervicales aiguës avec une période de suivi pouvant aller jusqu'à un an.

    Pas de bénéfice démontré sur la douleur

    Il n'y a pas de différence significative dans les scores de douleur à six semaines entre le groupe opioïde et le groupe placebo : les scores moyens de douleur sur une EVA de 0 à 10 sont de 2,8 dans le groupe opioïde contre 2,3 dans le groupe placebo. Après un an, les scores moyens de douleur dans le groupe placebo sont même légèrement inférieurs dans le groupe placebo : 2,4 dans le groupe opioïde contre 1,8 pour le placebo.

    Il n'y a pas de différence dans le nombre global de participants ayant signalé un événement indésirable grave entre les groupes de traitement, mais il y a eu plus de nausées, de constipation et de sensations vertigineuses dans le groupe opioïde.

    Risque avéré de mésusage

    Les participants du groupe opioïde ont un risque plus élevé de mésusage des opioïdes après un an. Le risque de mésusage n’est pas différent entre les groupes après 12 et 26 semaines, mais significativement plus élevé dans le groupe opioïde après un an avec 20% (24/123) contre 10% (13/128) des patients ayant obtenu un score de risque sur l'échelle de mesure du mésusage des opioïdes.

    Après six mois, 15 à 20% des 119 participants souffrant de douleurs persistantes ont déclaré avoir pris un opioïde, et 25% des 106 participants souffrant de douleurs persistantes ont déclaré avoir utilisé un opioïde à la semaine 52.

    Une large étude randomisée versus placebo

    Cette étude multicentrique et randomisée s'est déroulée en Australie et a inclus 347 participants qui avaient déjà ressenti des douleurs lombaires, des douleurs cervicales ou les deux, en rapport avec une atteinte vertébrale commune, pendant une période allant jusqu'à 12 semaines. Tous les patients ont reçu en aveugle des soins conformes aux recommandations (réassurance et conseils pour rester actif), tandis que 174 ont reçu des antalgiques opioïdes et les 173 autres un placebo, pendant une période allant jusqu'à six semaines.

    Après six semaines de traitement, les patients étaient libres de chercher d'autres traitements si nécessaire. L'intensité de la douleur des participants a été évaluée et les effets indésirables ont été enregistrés après les six semaines de traitement, puis un an plus tard. Le risque d'abus d'opioïdes a également été mesuré à l'aide du Current Opioid Misuse Measure, qui évalue les principaux facteurs de risque tels que les signes et les symptômes d'intoxication, la volatilité émotionnelle, la dépendance et les comportements problématiques liés à la prise de médicaments.

    Une fausse bonne réputation

    Les douleurs lombaires et cervicales sont très fréquentes et les recommandations de pratique clinique préconisent l'administration d'antalgiques opioïdes aux patients pour lesquels les autres traitements ont échoué ou sont contre-indiqués, mais la solidité des preuves à l'appui de ces recommandations est sujette à caution. D’après les auteurs, les données internationales suggèrent qu'environ 40% des personnes souffrant de douleurs lombaires se sont vu prescrire des antalgiques opioïdes. Par ailleurs, une étude australienne suggère que les deux tiers des personnes se présentant à l'hôpital avec une lombalgie ont reçu des antalgiques opioïdes.

    En ce qui concerne la lombalgie et la cervicalgie, les données existantes sur l'efficacité des antalgiques opioïdes ont jusqu'à présent révélé des effets modestes sur les niveaux de douleur et dans les douleurs chroniques uniquement. Surtout, elles se limitent à de petites études avec de courtes périodes de suivi. La prescription d'opioïdes dans les douleurs lombaires et cervicales est cependant préoccupante en raison des risques bien établis désormais de dépendance, d'abus et d'overdose qu'elle comporte.

    Certaines limites à l’étude

    Les auteurs notent certaines limites de leur étude. Environ 25% des données relatives aux scores de douleur étaient manquantes à la fin de l'essai en raison de l'abandon des participants ou du fait qu'ils n'étaient pas joignables. Les auteurs ont effectué des analyses supplémentaires qui ont démontré qu'il était peu probable que les principaux résultats soient affectés par les données manquantes.

    En outre, tous les participants n'ont pas pris le médicament tel qu'il leur avait été prescrit : 57% des participants ont fait état de leur observance, et parmi eux, un peu plus de la moitié étaient observants (prenant plus de 80 % des médicaments prescrits). Cependant, il est important de noter que l'observance ne diffère pas entre le groupe opioïde et le groupe placebo, ce qui est cohérent avec d'autres essais de médicaments pour les rachialgies et peut refléter la pratique dans le monde réel.

    Malgré l'absence de preuves de leur efficacité à réduire la douleur, les antalgiques opioïdes restent encore largement prescrits chez les personnes souffrant de lombalgies et de cervicalgies aiguës dans de nombreux pays. Cette étude suggère que ces antalgiques pourraient aggraver les niveaux de douleur des patients à moyen et à long terme et augmenter le risque de mésusage des opioïdes à long terme.

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    JDF