Témoignage patient

Cancer : “Je dis tout le temps : on a besoin de rire, encore plus quand c'est grave”

Travail, projets, désir d’enfant… Caroline Le Flour a vu sa vie prend un coup d'arrêt quand on lui a diagnostiqué un lymphome à 32 ans. L’humour et l’écriture l’ont alors aidé à surmonter les traitements éprouvants, l’angoisse, les difficultés de l’après-cancer… puis l’ont conduit sur les planches des théâtres. L’ancienne patiente, aujourd’hui humoriste, se confie sur son parcours semé, certes d’épreuves, mais surtout de rire et de résilience.

  • Crédit : Rebecca Rouslard
  • 05 Décembre 2025
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    Un lymphome est un cancer qui affecte le système lymphatique, élément essentiel de notre système immunitaire. Avec une incidence de 13 cas pour 100.000 habitants, il s’agit du 7e cancer le plus fréquent en France. Et bien que la maladie soit bien connue du monde médical, Caroline Le Flour a fréquenté de nombreux cabinets avant qu’on ne pose un nom sur sa maladie.

    "Quand j’ai mis - après coup - mes symptômes dans Google : le lymphome était une évidence"

    "Je ne comprenais plus mon corps. J’avais perdu 10 kilos en un mois. J'avais des palpitations. Les médecins ne comprenaient pas non plus", se souvient Caroline qui avait alors tout juste 32 ans. C’est finalement un psychiatre qui l’a mise sur la bonne piste en lui conseillant de faire un bilan sanguin. Les résultats étaient si inquiétants qu’elle a été envoyée immédiatement à l'hôpital. Le scanner a montré la présence d'une importante masse tumorale dans sa poitrine.

    Si, dans un premier temps, le cancer du poumon a été évoqué, des examens complémentaires ont finalement révélé qu’il s’agissait d’un lymphome. "Ce qui est incroyable, c'est que quand j’ai mis – après coup – mes symptômes dans Google : amaigrissement anormal, palpitations cardiaques, essoufflement, sueur nocturne… le lymphome était une évidence. J'avais vraiment tous les symptômes de ce cancer."

    Cancer : "Le rire est devenu une véritable arme de résilience"

    Le lymphome de Caroline se soigne "plutôt bien". Mais l’organisme de la trentenaire – qui s’était fortement affaiblie pendant l’errance médicale – inquiétait les docteurs. "Il fallait que je prenne un maximum de force avant le début de la chimio pour pouvoir être soignée en temps voulu. J'avais une masse de 17 cm entre cœur et poumon. J’ai commencé par des doses importantes de cortisone pour freiner son évolution. Ensuite, j'ai eu des grosses séances de chimiothérapie. J'ai été prise vraiment de justesse."

    Les traitements étaient éprouvants physiquement. "C’était un peu un Koh-Lanta", reconnaît Caroline. Elle devait aussi faire face à une autre difficulté : voir sa vie "s’arrêter d’un coup". "J’ai dû arrêter le travail, mes habitudes, mon projet de devenir maman. J’avais l'impression de me retrouver finalement un peu à côté de la vie, de devoir attendre pour la continuer. On est bloqué dans un hôpital pendant que les autres continuent d’avancer. C’est compliqué à vivre".

    Ce qui a donné la force de tenir à Caroline ? Ses proches, le rire et l’écriture. Durant ses séances de chimiothérapie, elle couchait sur le papier les situations et les échanges dont elle était témoin et qu’elle trouvait drôle. "Le rire a toujours fait partie de mon quotidien. Mais quand je suis tombée malade, il est devenu une véritable arme de résilience. Je dis tout le temps : on a besoin de rire, encore plus quand c'est grave."

    Infertilité : "le cancer ne s'est pas conjugué qu'au présent"

    Une fois les traitements finis et la rémission annoncée, Caroline a rangé ses carnets et ses crayons et tenté de reprendre le cours de sa vie : le travail, le quotidien…. "Cela a été très compliqué parce que la vie des gens avait continué. Et moi, je me retrouvais là, en bord de route à devoir faire l'état des avaries. C'était une vraie descente aux enfers psychologique." D’autant plus qu’après la maladie et les difficultés de l’après-cancer, a suivi l’épreuve de l’infertilité déclarée à 36 ans. "Elle s'est rajoutée après, et je ne m'y attendais pas. Cela a été très compliqué, effroyablement compliqué puisque, aujourd'hui, je n'ai pas d'enfants. Comme je le dis : le cancer ne s'est pas conjugué qu'au présent, malheureusement."

    Pour faire face à ses difficultés, la trentenaire s’est fait aider par l’hypnothérapeute Valérie Roumanoff. "Après deux ou trois séances, l'écriture est revenue en force comme un besoin de me faire du bien et de remettre du plaisir dans ma vie. J’ai repris l'écriture des textes que j’avais commencés pendant mes traitements". Sa thérapeute, curieuse, a demandé à les voir. "Elle m’a dit que j’avais écrit un spectacle et que je devais en faire quelque chose. Je ne l’avais jamais envisagé, car j’écrivais pour moi.""Synchronicité de la vie : mes écrits se sont aussi retrouvés entre les mains d'un organisateur de congrès sur le cancer. Il m’a invité à venir témoigner. Et c'est comme ça que j'ai joué mon spectacle. Je n'ai pas vraiment choisi de faire un spectacle. Ce sont mes écrits qui m’ont conduit - trois ans et demi après la fin des traitements - sur les planches", explique l’humoriste.

    Résilience : "On ne choisit pas les épreuves que l'on traverse, mais on choisit la manière de le faire"

    De théâtre en festival… Son spectacle “La chauve sourit” se joue de bouche à oreille depuis sept ans. "Quand j'ai entendu les rires pour la première fois. J'ai compris que ça allait au-delà de mon histoire. Ça allait aussi pouvoir être utile à d'autres.""Le rire est un puissant vecteur de sensibilisation et de communication. L'air de rien pendant une heure, on parle cancer. On parle de quelque chose de grave, mais avec légèreté. C'est une manière de passer des messages de fond avec une forme très ludique. Cela aide à briser les tabous et à ouvrir la parole", souligne Caroline.

    La force motrice qui anime l’humoriste la mène désormais bien au-delà des salles de spectacle. Tout d’abord, dans les librairies avec une version BD de son show puis ses ouvrages “Le complexe du trampoline” et “Résilienciez-vous”. L’autrice y partage son expérience ainsi que les outils qui lui ont permis de rebondir face aux difficultés.

    Inspirée par son vécu ainsi que les retours des lecteurs et des spectateurs, l’ancienne patiente, également thérapeute, a lancé le mouvement “Résilienciez-vous !” en 2022. Son objectif est de sensibiliser à la résilience et de briser les tabous entourant la maladie, le cancer ou encore le handicap. "Je me suis toujours dit : on ne choisit pas les épreuves que l'on traverse, mais on choisit la manière de les traverser. On a vraiment le pouvoir sur la manière d'appréhender les épreuves."

    Elle a d’ailleurs plusieurs conseils à partager avec les personnes qui affrontent la maladie ou d'importantes difficultés personnelles : "Entourez-vous de gens bienveillants qui vous font du bien. Écoutez vos émotions : autorisez-vous à être triste ou en colère, si vous l'êtes. N’hésitez pas à vous faire accompagner et… Continuez de rire !"

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