Onco-digestif
Cancers de l’œsophage : confirmation de l’efficacité de l’immunothérapie à l’ASCO 2021
Les cancers de l’oesophage bénéficient de l’essor de l’immunothérapie. Au récent congrès de l’ASCO pas moins de 4 équipes ont présenté des résultats de différentes combinaisons offrant de nouvelles opportunités pour les malades.
- Istock/Dr_Microbe
Plusieurs essais de phase III positifs évaluant l’immunothérapie seule ou en combinaison à la chimiothérapie dans les cancers oeso-gastriques ont déjà été rapportés. Néanmoins, il n’y a pour l’instant aucune autorisation de mise sur le marché (AMM) en France. En effet les résultats de la combinaison 5FU cisplatine plus pembrolizumab (anti-PD-1) dans l’étude KEYNOTE-062 en 1ère ligne de traitement des cancers oeso-gastriques non résécables sont assez décevants puisque n’améliorait pas la survie globale (SG) par rapport à la chimiothérapie seule ou au pembrolizumab seul.
En revanche, l’étude de phase III KEYNOTE-590 avait montré la supériorité en 1ère ligne de l’association pembrolizumab plus chimiothérapie versus chimiothérapie seule (5FU plus cisplatine) chez des patients atteints d’un carcinome épidermoïde (CE) ou d’un adénocarcinome (ADK) de l’oesophage avancé. L’amélioration de la SG avec l’immunothérapie était essentiellement observée dans les CE et en cas de PD-L1 combined positive score (CPS) ≥ 10%. Dans l’étude de phase III CheckMate 649 les patients recevaient soit du nivolumab (anti-PD-1) plus chimiothérapie (XELOX ou FOLFOX) ou de la chimiothérapie seule en 1ère ligne de traitement des ADK de l’œsophage ou gastrique non résécables. Il y avait un gain en SG et survie sans progression (SSP) avec la combinaison nivolumab plus chimiothérapie.
4 études confirment le boom de l’immunothérapie
A l’ASCO 2021 sont rapportés 4 essais d’immunothérapie de phase III dans les cancers oeso-gastriques non résécables dont 3 dans les CE (ESCORT-1st, CheckMate 648 et RATIONALE 302) et un dans les ADK (CheckMate 649) (Tableau 1). Dans toutes ces études le profil de tolérance de l’immunothérapie était celui attendu.
Tableau 1. Résultats des essais ESCORT-1st et CheckMate 648
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ESCORT-1st |
CheckMate 648 |
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Population |
CE avancés |
CE avancés (CPS≥1) |
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Traitement |
CP |
CP + Camrelizumab |
HR (IC 95%), p |
CP |
CP Nivo |
Nivo + Ipi |
HR (IC 95%), p |
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SSP |
5,6 mois |
6,9 mois |
HR=0,56 [0,46-0,68] p<0,0001 |
4,4 mois |
6,9 mois |
4,0 mois |
*HR=0,65 [0,46-0,92] p=0,0023 |
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SG |
12,0 mois |
15,3 mois |
HR=0,70 [0,56-0,88] p=0,001 |
9,1 mois |
15,4 mois |
13,7 mois |
*HR=0,54 [0,37-0,80] p<0,001 |
CE : carcinome épidermoïdes, CP : cisplatine plus paclitaxel, HR : hazard ratio, Nivo : Nivolumab, Ipi : Ipilimumab, * : CP Nivo versus CP
L’essai ESCORT-1st a comparé chimiothérapie (paclitaxel plus cisplatine) plus camrelizumab (anti-PD1) à la chimiothérapie seule dans les CE de l’œsophage métastatiques ou avancés en 1ère ligne dans une population exclusivement asiatique. L’ajout du camrelizumab permet d’améliorer significativement la SSP (6,9 mois versus 5,6 mois ; HR=0,56 [IC 95% : 0,46-0,68]; p<0,0001) et la SG (15,3 mois versus 12,0 mois; HR=0,70 [IC 95% : 0,56-0,88]; p=0,001). Le gain en survie était retrouvé dans tous les sous-groupes et indépendamment de l’expression tumorale de PDL1.
L’étude CheckMate 648 évaluait la combinaison nivolumab (Nivo) + ipilimumab (Ipi) ou Nivo + chimiothérapie (5FU plus cisplatine) versus chimiothérapie dans les CE de l’œsophage métastatiques ou avancés en 1ère ligne dans une population internationale (30% des patients non-asiatiques). Le co-critère principal de jugement était la SG et SSP dans la population avec un CPS≥1. Dans les deux cas la combinaison Nivo plus ipi ou nivo plus chimiothérapie permettait d’augmenter significativement la SG par rapport à la chimiothérapie seule (Figure 1). Il n’y avait pas de comparaison des groupes nivo plus ipi versus nivo plus chimiothérapie ; néanmoins l’association nivo + chimiothérapie a une médiane de SSP bien supérieure.
Figure 1. Survie globale dans l’essai CheckMate 648 (CPS≥1)
L’essai de phase III RATIONALE 302 a comparé la chimiothérapie (docétaxel ou paclitaxel ou irinotécan) versus le tislelizumab (anti-PD1) en 2ème ligne dans les CE de l’œsophage métastatiques ou avancés dans une population mondiale (21% hors Asie) (Tableau 2). Il existait un gain en SG avec le tislelizumab dans la population globale (8,6 mois versus 6,3 mois; HR=0,70 [IC 95% : 0,57-0,85]; p=0,0001) mais plus important dans la population avec un CPS≥10 (10,3 mois versus 6,8 mois; HR=0,54 [IC 95% : 0,36-0,79]; p=0,0006).
Tableau 2. Résultats des essais RATIONALE 302 et CheckMate 649
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RATIONALE 302 |
CheckMate 649 |
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Population |
CE avancés (2ème ligne) |
ADK oeso-gastrique (1ère ligne) |
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Traitement |
CT |
Tislelizumab |
HR (IC 95%), p |
CT |
CT + Nivo |
HR (IC 95%), p |
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SSP |
- |
- |
- |
6,9 mois |
7,7 mois |
HR=0,77 [0,68-0,87]
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SG |
6,3 mois |
8,6 mois |
HR=0,70 [0,57-0,85] p=0,0001 |
11,6 mois |
13,8 mois |
HR=0,80 [0,68-0,94] p=0,0002 |
CE : carcinome épidermoïdes, ADK : adénocarcinome, CT : chimiothérapie, HR : hazard ratio, Nivo : Nivolumab
Figure 2. Survie globale dans l’essai RATIONALE 302 (population globale et avec un CPS≥10)

L’étude de phase III CheckMate 649 a déjà été rapportée précédemment et sont présentés ici des résultats actualisés. Le co-critère principal était la SSP et la SG dans la population avec un CPS ≥5. La combinaison nivo plus chimiothérapie (XELOX ou FOLFOX) montre un gain en SSP et SG par rapport à la chimiothérapie seule en 1ère ligne de traitement des ADK de l’œsophage ou gastrique non résécables, quelle que soit l’expression de PD-L1 (13,8 mois versus 11,6 mois pour la SG; HR=0,80; p=0,0002) (Figure 3). Néanmoins celui-ci était plus important en cas de CPS ≥ 5 (14,4 mois versus 11,1 mois pour la SG; HR=0,71; p<0,0001).
Figure 3. Survie sans progression et survie globale dans l’essai CheckMate 649 (population globale)

Conclusion
Ces études montrent des résultats prometteurs de la combinaison chimiothérapie plus immunothérapie en traitement de 1ère ligne des cancers oeso-gastriques avancés avec néanmoins de nombreuses interrogations. Pourquoi la combinaison chimiothérapie à base d’oxaliplatine plus Nivo est plus efficace que la chimiothérapie seule dans l’étude CheckMate 649 alors que la combinaison chimiothérapie à base de cisplatine plus pembrolizumab versus chimiothérapie ne l’est pas dans l’étude KEYNOTE-062 ? De plus le seuil optimal d’expression de PD-L1 reste difficile à établir compte-tenu de l’hétérogénéité des différentes études.
Dans les ADK le seuil de CPS≥5 semble prédictif d’efficacité de l’immunothérapie et on peut espérer une AMM prochaine de la combinaison FOLFOX/XELOX nivolumab. Nous regrettons l’absence d’analyse des autres biomarqueurs, au-delà de l’expression de PD-L1, qui permettrait de déterminer les patients les plus à même d'avoir un gain de survie avec ces traitements (MSI, EBV, classification moléculaire, score immunitaire…).
Dans les CE de l’œsophage la combinaison chimiothérapie plus immunothérapie montre également sa supériorité à la chimiothérapie seule avec un impact moindre de l’expression tumorale de PD-L1. On peut espérer une AMM de la combinaison 5FU cisplatine plus pembrolizumab ou nivolumab.
En attendant les éventuelles AMM il faut autant que possible inclure les patients dans les essais d’immunothérapie en cours. Au cas par cas il peut se discuter de l’immunothérapie hors AMM en cas de chimiorésistance notamment en cas de CE et/ou CPS≥10.








