Infectiologie

Vaccination anti-Covid-19 : doit-elle être un bien de l’humanité ?

La vaccination doit-elle être un bien de l’humanité. En première analyse, bien évidemment… Les  laboratoires ne sont pas enthousiastes. Et l’opinion publique est sans doute très pressée… Et si on se rappelait l’histoire des médicaments contre le Sida…

  • Kunal Mahto/istock
Mots-clés :
  • 12 Février 2021
  • A A

    Le Podcast du Dr Jean-François Lemoine, vendredi 12 février 2021

    Histoire d’une chute de podium ! En 1995, 2 types de médicaments, que l’on appellera très vite les « antirétroviraux » donnent un espoir immense dans le traitement de la pandémie de SIDA qui affole le monde.

    Un médicament contre la maladie et des gestes barrière faciles avec les préservatifs apportent une solution… aux pays qui peuvent s’offrir ces nouveaux produits onéreux.

    Un des « inventeurs » s’appelle le laboratoire Merck Sharp and Dohme. MSD comme on l’appelle, est alors le numéro un de l’industrie pharmaceutique ; la société la plus populaire aux Etats-Unis ; celle que, lorsqu’on sort d’une école de commerce, on rêve d’intégrer. Une liste d’attente longue comme un jour sans pain.

    Quelques années plus tard la star dégringole de sa première place et se retrouve dans les profondeurs du classement. Il ne fait plus bon de rejoindre ses rangs. La raison : le refus de « donner » le médicament aux pays pauvres du monde, en particulier Africains, où l’épidémie fait des ravages.

    Et on commence à parler de « médicament bien de l’humanité »…

    On connaît la fin de l’histoire : face à la vague de protestation mondiale mais surtout aux Etats-Unis, tous les fabricants de trithérapie passeront un accord avec les différents pays incapables de s’offrir la potion magique.

    Alors au moment où la vaccination contre la Covid se propose de sauver la planète de la pandémie, la question est de nouveau à la une.

    Avec de grosses différences

    Le prix des vaccins d’abord. 1,78€ pour le vaccin du duo Oxford et AstraZeneca ,7,56€ pour celui que devraient sortir en 2021 chez Sanofi et GSK, 8,50€ pour Johnson & Johnson, 10€ pour le vaccin CureVac, 12€ pour Pfizer/BioNTech et enfin 18$ pour le produit des américains de Moderna. De grosses différences qui ne permettent pas comme dans le cas du Sida de parler de prix moyen.

    La tentation dans ce genre de problème et c’est ce que font de nombreux pays – est d’aligner le prix de tous les vaccins sur le plus bas du marché. En l’occurrence celui d’ASTRA

    Aux firmes d’accepter ou pas… à l’opinion publique de faire pression.

    Mais la différence avec le sida ne s’arrête pas là… le besoin avec le VIH concernait très peu les pays industrialisés où l’épidémie était jugulée. C’était l’éternel problème pays riche pays pauvre et charité…

    Avec la Covid il semble que charité ordonnée commence par soi-même et que même si l’objectif final est de proposer le vaccin à 7 milliards d’humains – une opération humanitaire sans équivalent – l’objectif réel de chaque pays est d’abord de bouter la maladie hors de ses frontières. Les autres, on verra après. Et les courses en solo de poids lourds comme les Etats-Unis et l’Angleterre illustre bien le propos.

    L’Europe adopte une attitude collective plus digne, mais ne parle pas encore des autres pays en manque…

    Bien évidemment tout cela n’est qu’une question de temps et la question de « vaccin bien de l’humanité », s’il est légitime de se la poser aujourd’hui, ne viendra dans les débats, en particulier grand public, que beaucoup plus tard… quand la question « où et quand je peux avoir ma dose »… ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

    Mais ne pas se la poser serait une erreur… Tant que des pays accessibles par un moyen de transport quelconque ne seront pas vaccinés, on devra vivre au rythme de mutants pas forcément sensibles aux vaccins existant.

    Le problème se complique d’ailleurs, si cette vaccination tend à devenir annuelle…

    On peut ajouter que les laboratoires qui ont gagné la course aux vaccins vont se partager la marge colossale des deux milliards de doses vendue très vite cette année aux pays industrialisé. Ce qui les rendra probablement plus généreux…

    On pourrait conclure que c’est l’éternel débat entre système capitaliste ou marxiste. Pour le moment on ne sait pas dans quels conditions le vaccin spoutnik ou chinois sont proposés aux pays pauvres ; voir même s’il est produit en quantité suffisante pour leur propre consommation, qui dépasse largement nos besoins.

    On terminera en méditant la célèbre phrase de Coluche toujours d’actualité : « le capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme… Le communisme, c’est le contraire ! »

    Pour pouvoir accéder à cette page, vous devez vous connecter.