Pharmacologie clinique

Cannabis thérapeutique : une clarification pour les médecins

En Grande-Bretagne, où certains médecins sont autorisés depuis l'automne 2018 à prescrire des médicaments à base de cannabis à leurs patients, une revue scientifique du BMJ fait le point sur les vérités et les inconnues de ces produits très hétérogènes et encore mal connus. 

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  • 07 Avril 2019
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    Alors qu’en France, le comité scientifique de l'ANSM est favorable à sa légalisation et que le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé vendredi 5 avril qu’il envisageait la légalisation du cannabis thérapeutique, la Grande Bretagne a une longueur d’avance sur le sujet.

    Depuis novembre 2018, l’ordre des médecins britanniques autorise ses médecins à prescrire des médicaments à base de cannabis à leurs patients. Toutefois, professionnels de santé et malades disposent aujourd’hui encore de très peu d’informations à ce sujet. Aux Etats-Unis, 80% des oncologues déclarent avoir déjà abordé la question du cannabis thérapeutique avec leurs patients, mais moins de 30% d’entre eux estiment être suffisamment informés pour faire de telles recommandations.

    Afin de remédier à ce manque d'information, des scientifiques de l’Université de Bath et de l’University Collège de Londres ont publié samedi 6 avril une étude mettant en lumière différents produits à base de cannabis dans le British Medical Journal. 

    Un domaine qui évolue rapidement

    "Dans ce domaine complexe qui évolue rapidement, il y a différents produits médicinaux à base de cannabis. Ils diffèrent dans leur contenu en THC et en CBD, tout le monde ne peut pas les prescrire et ils ne peuvent pas tous traiter les mêmes symptômes. Ici nous informons en avance les professionnels des recommandations du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) à venir", amorce Tom Freeman, de l’Université de Bath et auteur principal de l’étude.

    Cette dernière insiste donc sur les différences importantes existant entre les produits contenant du THC (Tetrahydrocannabinol, la constituante psychotique et intoxicante principale du cannabis) et ceux contenant du CBD (cannabidiol, l’élément non-intoxiquant du cannabis). Bien que dans certains médicaments, le CBD et le THC soient associés dans un but thérapeutique, dans d’autres ces composés peuvent fonctionner indépendamment et avoir des effets très différents sur les symptômes à traiter. De plus certains produits sont constitués à base d'extraits de plates et d'autres à base de produits de synthèse.

    Les études qui ont jusqu'ici été mises en place sont de petite taille et de qualité médiocre. Diffficile d'en tirer des conclusions très fiables. D'autant que certaines études on montré que le cannabis ne réduit pas la consommation d'opioïdes dans la douleur chronique et d'autres ont montré la possibilité d'une forme d'accoutumance qui limiterait l'efficacité sur le long terme. Mais la légalisation devrait permettre de mener enfin les études sérieuses dont ces produits ont besoin avant toute prescription à large échelle.

    Plus de 144 cannabinoïdes différents

    Ainsi, plusieurs études ont déjà montré qu’une combinaison de THC et de CBD pouvaient alléger les symptômes de douleurs chroniques tandis que le CBD seul pouvait être efficace chez les personnes résistantes au traitement contre l’épilepsie. Le THC seul pourrait quant à lui être utilisé pour traiter la nausée et les vomissements causés par la chimiothérapie.

    Les plants de cannabis produisent plus de 144 différents cannabinoïdes tels que le THC ou le CBD, explique l’étude. Par ailleurs, certains produits médicinaux contiennent du THC et ou du CBD dérivés du cannabis tandis que d’autres contiennent des cannabinoïdes synthétiquement créés, est-il précisé. Le CBD est d’ailleurs également disponible dans des produits non-médicinaux tels que les huiles et les teintures.

    "Il y a eu de grosses lacunes scientifiques sur ce sujet ces dernières années, ce qui, combiné avec des déclarations confuses sur les usages médicinaux de ces drogues pourraient laisser les médecins et leurs patients perplexes. Nous espérons que notre nouveau guide aidera les médecins et malades à travers le monde. Plus de recherches doivent avoir lieu sur ce sujet", précise le Dr Michel Bloomfield de l’University College de Londres, co-auteur de l’étude.

    "Des ressources doivent être disponibles pour tenir les praticiens informés sur les traitements à base de cannabis et de cannabinoïdes. Nous voudrions encourager les médecins à maintenir une approche emphatique et sérieuse quand ils orientent leur patient vers ce secteur, afin de délivrer les soins les plus qualitatifs possibles", conclut sa collègue, le Docteur Chandni Hindocha.

    Une "filière chanvre thérapeutique" dans la Creuse ?

    Si la France a du retard par rapport à l’Angleterre sur ce sujet, Edouard Philippe l’a récemment remis sur le devant de la scène. En déplacement le 5 avril dans la Creuse, il a jugé "absurde" de s’interdire de réfléchir la légalisation du cannabis à usage thérapeutique. "Il y a beaucoup de pays qui travaillent là-dessus, beaucoup de pays qui le permettent. Il serait absurde de ne pas se poser la question et c’est dans cet esprit que nous voulons travailler avec les porteurs du projet", a-t-il déclaré devant les élus locaux.

    Projet qui pourrait avoir la Creuse comme acteur principal : le plan de revitalisation de ce département prévoit éventuellement de créer une "filière chanvre thérapeutique", portée par le président du Grand Guéret Éric Corréia, également infirmier anesthésiste formé à la prise en charge des douleurs.

    Au final, il faut retenir une mise en garde essentielle deTom Freeman : "les produits à base de CBD principalement vendus sur le net et dans les boutiques bio sont de piètre qualité et ne devraient pas être considérés comme des produits médicaux".

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