Cardiologie
KARDIA-3 : le baxdrostat, une nouvelle voie dans l’hypertension résistante
Présentée à Madrid lors de l’ESC 2025, l’étude KARDIA-3 confirme l’efficacité du baxdrostat, un nouvel inhibiteur sélectif de l’aldostérone synthase, dans l’hypertension artérielle résistante. Pour la première fois depuis PATHWAY-2, une option thérapeutique crédible émerge, après deux décennies d’échecs.
- Shidlovski/istock
L’hypertension artérielle résistante est définie par la persistance de chiffres au-delà des cibles malgré une trithérapie optimisée associant bloqueur du SRAA, antagoniste calcique et diurétique thiazidique. Elle concernerait 10 à 15 % des hypertendus. Dans la pratique, ce sont des patients lourds, polypathologiques, souvent obèses, diabétiques, ou insuffisants rénaux. Leur risque cardiovasculaire est très élevé et leur suivi représente un défi quotidien.
Depuis PATHWAY-2 en 2015, la spironolactone reste le traitement add-on de référence. Son efficacité est réelle, mais limitée par une tolérance problématique. L’hyperkaliémie est fréquente, surtout en cas d’insuffisance rénale, et ses effets hormonaux – gynécomastie, troubles menstruels, baisse de libido – entraînent de nombreux arrêts de traitement. L’industrie a tenté d’inhiber directement l’aldostérone synthase, mais les molécules candidates se sont heurtées à des toxicités hépatiques, à un manque de sélectivité vis-à-vis du cortisol ou à une efficacité insuffisante. La communauté s’était résignée à un statu quo.
L’étude KARDIA-3
C’est dans ce contexte qu’est né KARDIA-3. Essai international mené dans 61 centres et 11 pays, il a inclus environ 400 patients hypertendus résistants sous trithérapie optimisée. Le baxdrostat était testé en add-on versus placebo.
Les résultats, présentés à l’ESC 2025, sont clairs : une baisse moyenne supplémentaire de 9 à 10 mmHg de la pression systolique par rapport au placebo. L’effet est apparu rapidement et s’est maintenu sur toute la durée de suivi. L’adhésion thérapeutique a été bonne, sans difficultés majeures dans la co-prescription.
Côté tolérance, quelques cas d’hyperkaliémie ont été rapportés, mais à une fréquence moindre qu’avec la spironolactone. Aucun signal hépatique préoccupant ni interférence avec le cortisol n’ont été observés.
L’accueil des experts
« Pour ces patients, chaque millimètre de pression artérielle gagné compte », a insisté le professeur George Bakris (Université de Chicago), investigateur principal.
Le cardiologue madrilène Luis Ruilope a souligné la spécificité du mécanisme : « C’est la première fois que nous disposons d’une molécule qui inhibe l’aldostérone sans interférer avec le cortisol. »
Ces propos traduisent l’enthousiasme suscité par le baxdrostat : la possibilité, enfin, de cibler sélectivement l’aldostérone synthase et d’obtenir un effet clinique tangible.
Ce que KARDIA-3 apporte
KARDIA-3 marque une preuve de concept décisive. L’étude démontre qu’il est possible de réduire significativement la pression artérielle dans une population jusque-là en impasse thérapeutique, par un mécanisme entièrement nouveau. Elle suggère une meilleure tolérance que la spironolactone, même si l’hyperkaliémie demeure une complication à surveiller. Enfin, elle crédibilise définitivement l’aldostérone synthase comme une cible thérapeutique majeure.
Pour les praticiens, l’apport est double : envisager bientôt une nouvelle classe de médicaments et rappeler qu’une surveillance biologique reste impérative, même si le profil de sécurité paraît meilleur que celui de la spironolactone.
Les limites
Il faut néanmoins rester prudent. KARDIA-3 repose sur un critère intermédiaire, la baisse de la pression artérielle. Aucun élément n’est encore disponible sur la réduction des événements cardiovasculaires majeurs – AVC, infarctus, mortalité. Le suivi reste court, trop pour juger de la sécurité endocrinienne à long terme.
Le professeur Michel Azizi (HEGP, Paris) tempère l’enthousiasme : « Il est encore trop tôt pour parler de révolution. Mais c’est clairement la piste la plus solide depuis vingt ans dans l’hypertension résistante. »
Quelles perspectives ?
Le développement du baxdrostat se poursuit. D’autres essais de phase 3 sont en cours, cette fois avec des critères cliniques durs. Si les résultats sont confirmés, une demande d’enregistrement pourrait être déposée auprès de la FDA et de l’EMA dès 2026.
En pratique, la stratégie actuelle ne change pas : la spironolactone reste l’option validée, avec une surveillance rapprochée, notamment de la kaliémie. Mais un horizon nouveau se dessine, celui d’une alternative plus sélective et mieux tolérée, qui pourrait s’imposer dans les recommandations futures.
Un quart d’heure d’avance !
KARDIA-3 restera comme l’un des temps forts de l’ESC 2025. Pour la première fois depuis PATHWAY-2, une avancée thérapeutique tangible apparaît dans l’hypertension artérielle résistante. Le baxdrostat ne signe pas encore une révolution, mais il change déjà la donne : il prouve qu’un mécanisme longtemps jugé inaccessible peut être ciblé avec efficacité et sans signal majeur de toxicité.
Le chemin reste long, mais la dynamique est lancée. Si les prochaines études confirment la réduction des événements cardiovasculaires, le baxdrostat pourrait inaugurer une nouvelle ère dans la prise en charge de ces patients en impasse.
En attendant, KARDIA-3 donne à la cardiologie ce que l’innovation doit toujours offrir : un quart d’heure d’avance. Et dans l’hypertension résistante, chaque quart d’heure compte.
Bibliographie
Bakris G, et al. KARDIA-3 trial results. Oral presentation, ESC Congress 2025, Madrid.
Bakris GL, Agarwal R, Pitt B, et al. Targeting aldosterone synthase in resistant hypertension. Hypertension. 2024;83:987-995.
Ruilope LM, et al. Aldosterone synthase inhibition: promise and pitfalls. J Hypertens. 2025;43(2):210-218.
Azizi M. Clinical perspectives in resistant hypertension: what next after PATHWAY-2? Eur Heart J. 2025;46(8):742-744.
Williams B, et al. PATHWAY-2 Investigators. Spironolactone versus placebo in resistant hypertension. Lancet. 2015;386:2059-68.











