Étude
Effet nocebo : comment la peur d'avoir mal peut aggraver la douleur
Une nouvelle étude révèle que l’effet nocebo est plus puissant que l’effet placebo sur la perception de la douleur.

- Par Sophie Raffin
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- Fokusiert/istock
L’effet placebo, un phénomène qui consiste à voir les symptômes d’un patient s’améliorer après qu’il ait pris un traitement qu’il pense efficace, est bien connu. “L’effet nocebo” l’est moins. C’est tout simplement l’inverse : le patient qui redoute un résultat négatif, se sent moins bien après le soin. Et il semblerait qu’en matière de douleur, ce dernier soit particulièrement puissant.
En effet, une étude publiée dans la revue eLife montre que les expectations négatives peuvent aggraver la douleur perçue plus fortement et plus longtemps que les attentes positives ne parviennent à la faire diminuer.
Les craintes font grimper le ressenti de la douleur jusqu’à 11 points
Pour évaluer et comparer les effets du placebo et du nocebo, l'équipe a réuni 104 volontaires en bonne santé. Lors d’une première séance, les participants étaient exposés à de courtes rafales de douleur par la chaleur après avoir été amenés à s'attendre soit à un soulagement de la douleur (placebo), soit à une augmentation de la douleur (nocebo), soit à aucun changement (contrôle).
"Ces attentes ont été créées à l'aide d'une combinaison de suggestions verbales et d'un faux traitement de soulagement de la douleur – un dispositif de stimulation du nerf qui semblait réel, mais n’apportait aucun soulagement réel", explique le communiqué. Après la séance, les volontaires étaient invités à évaluer l'intensité de leur douleur sur une échelle comprise entre 0 (pas douloureux du tout) et 100 (insupportablement douloureux). Lors de la session suivante, le stimulus de la douleur a été maintenu identique. Ce qui a permis à l'équipe de tester si les attentes formées le premier jour continuaient de façonner la perception de la douleur.Résultat : les placebos et nocebos influençaient de manière significative la perception de la douleur. Toutefois, l'effet nocebo était plus fort. En effet, les participants de ce groupe évaluaient leur souffrance en moyenne 11,3 points plus élevés que la condition de contrôle. Dans la condition placebo, ils ont donné 4,2 points de moins à leur douleur que le contrôle. Ce schéma a persisté lors de la deuxième session réalisée une semaine plus tard (nocebo : +8,9 points, placebo : -4,6 points).
Douleur : les attentes négatives auraient plus de poids
"Cela suggère que les gens sont plus susceptibles de s'attendre et de ressentir des résultats pires que de meilleurs résultats", remarque Katharina Schmidt de l’université de Duisburg-Essen (Allemagne) et co-auteure de l’étude. "Cela reflète une stratégie "mieux vaut prévenir que guérir". Les humains ont peut-être évolué pour être plus à l'écoute des menaces potentielles, ce qui fait que les attentes négatives ont plus de poids."Prise en charge des patients : faire attention à l’effet nocebo
Les traits individuels semblent également jouer un rôle dans la prévalence de l’effet nocebo : les personnes qui ont tendance à ressentir des sensations corporelles normales comme plus fortes et plus inconfortables ont montré des effets placebo plus faibles. De plus, les volontaires qui ont jugé leur intervenant très compétent étaient plus sensibles aux effets du nocebo - "peut-être parce qu'ils trouvaient les suggestions négatives plus crédibles", avancent les chercheurs.
Pour l’équipe, cette découverte pourrait avoir un impact important sur la prise en charge des patients. "Bien que nous nous concentrions souvent sur le renforcement des attentes positives chez les patients, nous montrons qu'il peut être tout aussi important – sinon plus – d'éviter de créer involontairement des attentes négatives, qui semblent être plus facilement déclenchées", explique Ulrike Bingel qui a aussi travaillé sur l’étude.
"Les effets de Nocebo peuvent être évités en utilisant des stratégies simples et efficaces pour améliorer la communication entre les patients et les praticiens, ajoute l’experte. Le cadrage positif, l'évitement de l'accent inutile sur les effets secondaires et la construction d'une relation de confiance peuvent tous réduire le risque de déclencher des réponses nocebo. À une époque où la rentabilité des soins de santé est essentielle, la prévention des effets du nocebo devrait être une stratégie clé pour améliorer les résultats du traitement."