Témoignage patient

Douze février, grande brûlée : “Je ne pouvais même plus tenir une fourchette dans ma bouche”

Grande brûlée à 16 ans, Julie Bourges alias Douze Février sur les réseaux sociaux, nous raconte son combat à travers cette épreuve.

  • Par Julie Copin avec Alexandra Wargny Drieghe
  • FLAVIAN COUVREUR
  • 03 Mar 2023
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    Le 12 février, il y a quasiment 10 ans jour pour jour, c’était le carnaval organisé par mon lycée. Avec ma meilleure amie on avait confectionné un costume de mouton qu’on avait fait complètement à la main. On avait collé du scotch double face sur du jean et des boules de coton…”, se remémore Julie, aujourd’hui âgée de 26 ans. Un costume fait main qui rend la pièce hyper inflammable, élément dont la jeune fille n’avait pas conscience à l’époque.

    On s’en est rendu compte à la fin de cette journée où, avant de remonter chez moi, j’ai fumé cette dernière cigarette, celle qui a tout fait basculer. La cendre incandescente de celle-ci est tombée sur mon costume qui s’est alors enflammé à une vitesse folle.

    Brûlée au 3ème degré sur 40 % du corps à cause d’une cigarette

    J’étais prisonnière de mon costume et donc des flammes, ça a duré dans ma tête une fraction de secondes, dans la vraie vie peut-être quelques longues minutes. S’en est suivi l’arrivée des pompiers, de mes parents… On m’a mis une perfusion qu’on appelle le “stop-feu”, on m’a obligé à prendre une douche pour faire diminuer ma température, et je me suis réveillée trois mois plus tard après cet accident.”

    Marquée par les flammes sur 40 % de son corps, ce très grave accident bouscule la vie de la jeune lycéenne, “de plein d’aspects différents”. “Le premier, je dirais que c’est peut-être l’apparence physique parce que je n’avais aucune idée de ce à quoi pouvait ressembler un grand brûlé avant de le voir sur mon corps. J’ai donc découvert les brûlures, ce que pouvaient être des greffes de peau, je me suis vue chauve, vraiment très amaigrie, donc rien de ce que je connaissais de la jeune fille que j’étais avant cet accident ne se reflétait encore dans le miroir.

    “C’est comme un deuil où il faut laisser aller la personne qu’on était pour accepter la personne qu’on est devenue”

    Ensuite, ma vie a été bousculée d’un aspect moteur parce que j’ai dû tout réapprendre.” Les trois mois de coma artificiel ont participé à l'affaiblissement du corps de Julie qui, à son réveil, ne savait plus parler correctement, se nourrir, ou encore se déplacer. “On parle vraiment d’un stade de ma vie où je suis passée d’une gymnaste qui s’entraîne 12 heures par semaine à une période où je ne pouvais même plus tenir une fourchette dans ma bouche ou serrer une balle dans ma main.” Séances de rééducation et de kinésithérapie rythment alors les journées de la survivante. “J’ai eu la chance de faire ma rééducation à l’hôpital, ce qui a pas mal facilité le processus. Mais ça a mis beaucoup de temps.

    Au-delà des aspects physiques et moteurs, Julie doit également faire face au regard des personnes sur sa nouvelle apparence de grande brûlée, puisque ce drame a laissé son corps recouvert de nombreuses cicatrices. “Le plus dur pour moi dans tout ça, c’est le fait d’avoir cette nouvelle image physique où plus rien ne se ressemble… Le fait de m’être connue avant a été très compliqué. C’est comme un deuil où il faut laisser aller la personne qu’on était pour accepter la personne qu’on est devenue.

    Grande brûlée, “ce qui m’a sauvé aussi, c'est peut-être juste l’amour de la vie”

    Mais ce qui m’a profondément marqué, c’est ma famille et les accompagnants. On parle très souvent de la victime, à quel point elle peut souffrir de son accident ou d’une maladie, mais pour les accompagnants, c’est encore tout autre chose ! Il y a une part de culpabilité qui est énorme. Voir cette douleur et cette incompréhension dans les yeux de mes proches m’a beaucoup marquée.

    Pour s’en sortir, la jeune femme a suivi de nombreuses thérapies. “C’est d’ailleurs de tout cela dont je parle dans mon ouvrage. La première a été le sport. Il m’a sauvée grâce au mental compétitif où on apprend à tomber et à se relever immédiatement. La deuxième chose est la mémoire musculaire : j’ai eu une rééducation qui s’est passée beaucoup plus rapidement que quelqu’un qui n’est pas sportif. Et au-delà du côté sportif, c’est ma famille ! Quand on est entouré dans la maladie, dans les drames de la vie, c’est plus simple quand on peut se dire qu’on est aimé et qu’on ne peut pas lâcher prise. J’étais aussi entourée par mes amis au lycée qui m’attendaient. Et ce qui m’a sauvé aussi, c'est peut-être juste l’amour de la vie. J’ai toujours été une bonne vivante, j’ai toujours aimé vivre, tester mes limites, partager, danser… donc ça fait aussi partie de ma thérapie !

    Quasiment dix ans jour pour jour après son accident, Julie Bourges publie Chaque jour compte aux éditions Marabout. “C’est le meilleur résumé de ces dix dernières années, de comment j’ai pu relever la tête. C’est un peu cette main tendue que j’aurais aimé avoir à l’hôpital. Ce livre, je l’ai créé sur 365 jours, c’est un accompagnement où tous les jours on retrouve un élément qui peut nous faire du bien, que ce soit par une citation, par de l’écriture autobiographique, à travers mon histoire, des conseils d’introspection, des dessins, de l’art neurographique… c’est tout ce que je souhaitais transmettre pour se rappeler que la vie en vaut la peine !

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    JDF