Rhumatologie

Épaule : pas d’intérêt des spacers dans les ruptures de la coiffe non réparables

Dans les ruptures de la coiffe des rotateurs de l'épaule non réparables chirurgicalement, des dispositifs visant à rétablir un espace sous-acromial ont obtenus une AMM sans études très poussées. Leur évaluation dans une étude randomisée en double aveugle, indépendante, ne plaide pas en faveur de leur utilisation

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  • 16 Mai 2022
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    Les ruptures des tendons de la coiffe des rotateurs de l'épaule sont une cause fréquente de douleur et d'invalidité du membre supérieur. Près de la moitié des personnes souffrant d’une rupture de la coiffe des rotateurs sont traitées par chirurgie réparatrice. Une réparation chirurgicale du tendon déchiré est souvent effectuée, mais environ un tiers des ruptures ne peuvent être réparées et de nouvelles techniques ont été introduites pour améliorer la chirurgie, notamment des spacer (écarteur) à ballonnet placés en sous-acromial, en complément de la chirurgie, qui visent à maintenir l'écart entre l'acromion et l'humérus, et à réduire potentiellement la friction.

    Dans un essai adaptatif en double aveugle, les résultats de l’étude START:REACTS favorisent plutôt le groupe débridement seul : le spacer InSpace testé dans cette étude en sus du débridement chirurgical habituel ne peut donc être recommandé pour le traitement des ruptures de la coiffe des rotateurs non accessibles à la chirurgie réparatrice. L'étude est publiée dans The Lancet.

    Essai randomisé en double aveugle

    Une équipe de recherche britannique a mené un essai contrôlé randomisé, en double aveugle, séquentiel par groupe, et adaptatif, dans 24 hôpitaux du Royaume-Uni, comparant le débridement arthroscopique de l'espace sous-acromial avec ténotomie du biceps (groupe débridement seul) avec la même procédure mais incluant l'insertion d’un spacer, le ballon InSpace (groupe débridement avec dispositif). Les participants avaient tous une rupture de la coiffe des rotateurs non réparable chirurgicalement, et qui n'avait pas été soulagée par un traitement conservateur. Ils avaient tous des symptômes justifiant une intervention chirurgicale.

    Au final, 117 participants ont été tirés au sort entre, 61 participants dans le groupe débridement seul et 56 dans le groupe débridement avec dispositif, avec une répartition équivalente des sexes. Concernant le critère primaire, l'Oxford Shoulder Score moyen à 12 mois, il est de 34,3 (SD 11-1) dans le groupe débridement seul et de 30,3 (10-9) dans le groupe débridement avec spacer (différence moyenne ajustée pour la conception adaptative -4-2 [IV à 95%-8,2 à -0,26] ; p=0.037) en faveur du contrôle.

    Il n'y a pas eu de différence dans les événements indésirables entre les deux groupes.

    Une technique qui déçoit

    Les ruptures peuvent devenir irréparables lorsque le tendon se cicatrise et se rétracte ou que le muscle s'atrophie, de sorte que le tissu déchiré ne peut plus être réparé à son point d'attache d'origine ; ces types de déchirures sont généralement de grande taille et plus fréquents chez les personnes âgées.

    Les personnes qui ont des ruptures non-réparables souffrent de douleurs et de handicaps plus graves, de résultats plus mauvais après une intervention chirurgicale et ont généralement moins d'options de traitement pour les soulager que les personnes ayant eu une réparation chirurgicale.

    Par conséquent, de nouvelles techniques chirurgicales ont été introduites pour améliorer les soins, notamment l’adjonction d’un « spacer », un écarteur, à ballonnet sous-acromial, dont le spacer InSpace (Stryker, États-Unis).

    Le dispositif InSpace est un ballon biodégradable rempli de sérum physiologique qui est inséré chirurgicalement dans l'espace entre l'humérus et l'acromion. En maintenant l'espace entre l'acromion et l'humérus, et en réduisant potentiellement la friction, le dispositif vise à améliorer la dynamique de l'épaule affectée et à faciliter la rééducation.

    Haut niveau de preuve

    Il s'agit apparemment du premier essai randomisé publié sur le spacer et de la première étude à démontrer clairement l'absence de bénéfice de ce type de dispositif. Il s'agissait d'une étude multicentrique dont les critères d’inclusion correspondent aux indications acceptées pour le spacer. Une forte proportion des personnes contactées ont consenti à participer à l'essai ; par conséquent, les résultats sont susceptibles d'être généralisables à la majorité des personnes qui recevraient le spacer.

    Les malades et les évaluateurs étaient en aveugle quant à l'attribution des groupes de randomisation, la randomisation peropératoire assure la dissimulation de la randomisation afin de garantir un faible risque de biais. Les règles d'arrêt précoce ont été établies préalablement à l'aide de simulations d'essai et l'étude s'est arrêtée à la première analyse intermédiaire planifiée. Dans ce contexte, il est peu probable que le spacer InSpace apporte un bénéfice.

    En pratique

    Les ruptures de la coiffe des rotateurs sont une cause fréquente de douleur et d'invalidité. Bien que de nombreuses ruptures puissent être réparées, certaines ne le peuvent pas. Les déchirures non réparables de la coiffe des rotateurs sont un problème difficile à traiter. Il existe toute une gamme d'interventions chirurgicales, depuis les procédures mineures arthroscopiques jusqu'à des interventions chirurgicales plus importantes de remplacement prothétique de l'articulation (prothèses inversées).

    Les spacers représentaient une option chirurgicale, pouvant être insérés dans le cadre d'une procédure arthroscopique relativement simple, et ils sont utilisé depuis une dizaine d'années en Europe et leur utilisation a été récemment autorisée aux États-Unis. L’essai START:REACTS fournit des des arguments avec un haut niveau de preuve de haute qualité que le dispositif InSpace n'est pas un traitement efficace et qu'il pourrait être nocif (chez les femmes). D’autres études de ce niveau de qualité sont indispensables avec d’autres spacers, mais leur intérêt reste à préciser.

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    JDF