Psychiatrie

Maladies auto-immunes chez la mère : risque de troubles psychiatriques chez l’enfant

Une maladie auto-immune chez la mère, diagnostiquée avant l'accouchement, serait associée à une augmentation de 16% du risque global de troubles mentaux chez ses enfants. Ces résultats suggèrent que ces enfants pourraient bénéficier d'une surveillance à long terme des troubles mentaux.

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  • 06 Mai 2022
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    Sur la base de petites études, l’hyperactivité immunitaire chez la mère pendant la grossesse est classiquement associée à un risque accru de plusieurs troubles mentaux chez ses enfants, mais on sait peu de choses sur la façon dont les maladies auto-immunes dont la mère souffre pendant la grossesse sont associées à la santé mentale de leurs enfants jusqu’à l’âge adulte.

    Dans cette étude prospective de cohorte nationale danoise portant sur 2 254 234 enfants nés d'une seule grossesse et suivis pendant 38 ans, 50 863 nés d’une mère souffrant d’une maladie auto-immune diagnostiquée avant la grossesse, les maladies auto-immunes maternelles prénatales sont associées à des risques accrus d'un large éventail de troubles mentaux chez les enfants. Le diabète de type 1 et la polyarthrite rhumatoïde de la mère pendant la grossesse seraient associés à des troubles mentaux chez les enfants, évoluant jusqu'au début de l'âge adulte. Ces résultats sont issus d’une étude publiée dans JAMA Network Open.

    Un risque accru de troubles mentaux

    Les enfants exposés à la maladie auto-immune chez leur mère ont globalement un risque accru de troubles mentaux par rapport aux enfants non exposés (HR, 1,16 ; IC à 95%, 1,13-1,19 ; incidence, 9,38 vs 7,91 pour 1000 personnes-années). Ces risques accrus de troubles mentaux chez les enfants sont observés à différents âges de leur croissance pour le diabète de type 1 (1-5 ans : HR, 1,35 [IC à 95%, 1,17-1,57] ; 6-18 ans : HR, 1,24 ; IC à 95%, 1,15-1,33] ; >18 ans : HR, 1,19 ; IC à 95%, 1,09-1,30]) et la polyarthrite rhumatoïde (1-5 ans : HR, 1,42 ; IC à 95%, 1,16-1,74] ; 6-18 ans : HR, 1,19 ; IC à 95%, 1,05-1,36] ; >18 ans : HR, 1,28 ; IC à 95%, 1,02-1,60]).

    En ce qui concerne chacun des troubles mentaux spécifiquement, un risque accru après l'exposition à une quelconque maladie auto-immune maternelle est observé pour un trouble mental organique, comme un délire (HR, 1,54 ; IC à 95%, 1,21-1,94), la schizophrénie (HR, 1,35 ; IC à 95%, 1,21-1,51), un trouble obsessionnel et compulsif (HR, 1. 42 ; IC à 95%, 1,24-1,63), des troubles de l'humeur (HR, 1,12 ; IC à 95%,  1,04-1,21) et une série de troubles du développement neurologique (par exemple, troubles du spectre autistique [HR, 1,21 ; IC à 95%, 1,08-1,36] et un trouble déficit de l'attention/hyperactivité [HR, 1,19 ; IC à 95%, 1,12-1,26]).

    Un lien auto-immunité chez la mère et troubles mentaux chez l’enfant

    Des études animales avaient suggéré que l’hyperactivité immunitaire maternelle pouvaient induire des altérations morphologiques du cerveau, une activité anormale des neurotransmetteurs et des déficits comportementaux chez la progéniture. Ces altérations étaient en faveur d’un rôle de l'exposition intra-utérine aux agressions immunologiques dans l’origine de ces troubles mentaux.

    Des études observationnelles ont également suggéré une association entre certaines maladies auto-immunes maternelles (par exemple, le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde) et certains troubles mentaux (par exemple, le trouble du spectre autistique, le trouble déficit de l'attention/hyperactivité [TDAH]) chez les enfants.

    Dans cette étude de cohorte prospective nationale menée au Danemark, avec un suivi de 38 ans, l'exposition prénatale aux maladies auto-immunes de la mère est associée à un risque accru de troubles mentaux chez leurs enfants. Le diabète de type 1 et la polyarthrite rhumatoïde de la mère pendant la grossesse sont associés à des troubles mentaux chez les enfants jusqu'au début de l'âge adulte.

    Quel est le lien ?

    Différents mécanismes potentiellement responsables de cette augmentation du risque de troubles mentaux chez les enfants de mères souffrant de maladie auto-immune ont été proposés.

    Les maladies auto-immunes et les troubles mentaux sont souvent des troubles en lien avec l’hérédité et pourraient donc avoir des facteurs de risque génétiques communs. Une hypothèse alternative pourrait être que les mères qui ont une auto-immunité perturbée avant l'accouchement pourraient transférer des auto-anticorps au fœtus pendant la grossesse et ces anticorps transférés pourraient activer le système immunitaire de l'enfant et altérer le développement normal de son cerveau. Dans cette étude, les enfants nés de mères atteintes de maladies auto-immunes diagnostiquées avant l'accouchement ont un risque plus élevé de troubles mentaux ce qui est en faveur de cette hypothèse de la transmission maternelle.

    D’autres études ont suggéré que les femmes atteintes d'une maladie auto-immune ont également un risque accru de complications obstétricales (par exemple, les naissances prématurées), qui, à leur tour, pourraient être associées à un risque accru de troubles mentaux chez l'enfant. Cependant, dans les sous-analyses limitées aux naissances à terme, le risque de troubles mentaux reste élevé, ce qui suggère que ce risque ne peut pas être expliqué complètement par ces facteurs obstétricaux.

    En pratique

    En utilisant une cohorte danoise basée sur un registre de plus de 2 millions d’enfants uniques nés vivants avec un suivi de 38 ans, des chercheurs danois établissent l’association entre un large éventail de maladies auto-immunes maternelles (diagnostiquées avant la naissance) et les risques de troubles mentaux chez leurs enfants, pendant l'enfance et jusqu’au début de l'âge adulte.

    Il manque des données sur les exacerbations éventuelles de la maladie auto-immune au cours de ces grossesses, mais ces résultats viennent s'ajouter à d’autres données qui montrent que l'activation du système immunitaire chez la mère pendant la grossesse pourrait entraîner des problèmes de troubles mentaux ou du comportement chez leurs enfants, en particulier chez les mères souffrant de maladie auto-immune. Il pourrait même y avoir des changements dans le cerveau de ces enfants, comme cela a été observé dans des études animales.

    Les enfants exposées à la maladie auto-immune de leur mère pendant la grossesse pourraient donc bénéficier d'une surveillance à long terme des troubles mentaux et d’une prise en charge précoce.

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    JDF