Pneumologie

Fibrose pulmonaire : un rôle probable de l'auto-immunité locale.

La lumière sur le rôle possible de l’auto-immunité locale dans le développement des fibroses pulmonaires permet d’améliorer la compréhension physiopathologique de ces pathologies mais cet éclairage n’est pas suffisant pour changer les pratiques en matière de prise en charge thérapeutique. D’après un entretien avec Yurdagül UZUNHAN.

  • 07 Avr 2022
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    Une étude dont les résultats sont parus en février 2022 dans l’European Respiratory Journal Open Research, montre l’existence d’auto-anticorps in situ dans le poumon au décours de fibroses pulmonaires. L’hypothèse pathogénique de l’auto-immunité dirigée vers les antigènes tissulaires du poumon, même si elle n’est pas nouvelle, reste mal étayée. Dans ce travail, les auteurs ont analysé le liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA) d’une cohorte de patients atteints de fibrose pulmonaire et ont mesuré les concentrations d’immunoglobulines de différents isotypes. Parmi les 100 patients inclus, 40 avaient une fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), 20 avaient une pneumopathie d’hypersensibilité (PHS), 20 avaient une pneumopathie interstitielle associée à une connectivite et 20 sujets étaient des témoins, dont 5 avaient une maladie respiratoire autre et 15 étaient sains. Yurdagül UZUNHAN précise que l’une des forces de ce travail est d’avoir étudié le lavage broncho-alvéolaire des patients au moment du diagnostic et avant toute thérapeutique et d’analyser les corrélations de ces données au diagnostic avec le profil évolutif des patients mais elle regrette que les thérapeutiques administrées ne soient pas connues.

    Des données intéressantes sur l’existence d’une auto-immunité locale à distinguer de l’auto-immunité systémique

    Le professeur Yurdagül UZUNHAN, pneumologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny, rappelle que l’idée qu’il y ait un rôle de l’auto-immunité locale dans les fibroses pulmonaires n’est pas nouvelle puisque cela a déjà été montré par différentes approches. Elle explique que cette hypothèse pathogénique est intéressante pour de nouvelles approches thérapeutiques adaptées. Cependant, elle rappelle que l’on connait le caractère délétère des immunosuppresseurs et des corticoïdes dans la FPI. Les résultats de ce travail montrent une augmentation des taux d’IgA dans le LBA des patients ayant une FPI et ceux ayant une PHS avec une corrélation pour ces derniers avec la probabilité de survie. Les sous-classes d’IgG1 et IgG4 sont augmentées dans le LBA des patients PHS tandis que les patients FPI ont une augmentation des IgG1. Ces éléments tendent à définir une certaine similarité entre PHS et FPI. Yurdagül UZUNHAN regrette cependant l’absence de données de cellularité des LBA et d’exposition pour l’ensemble des patients. De même, le rôle du tabagisme n’est pas du tout évoqué dans ce travail.

    Pas de corrélation de la signature auto-immune locale avec le profil évolutif des patients

    Yurdagül UZUNHAN explique que ces résultats montrent, certes, l’existence d’auto-anticorps locaux dirigés vers les antigènes tissulaires du poumon chez la moitié des patients, toutes catégories de PID confondues mais l’absence de corrélation avec les données cliniques évolutives est décevante. L’absence de ces auto-anticorps dans le sang périphérique plaiderait pour une production locale dans les compartiments pulmonaires. Yurdagül UZUNHAN précise que l’existence des auto-anticorps peut être la conséquence du processus fibrosant, lui-même induit par d’autres triggers et participer à la progression de la maladie, qui n’est pas étudiée ici.

    En conclusion, ce travail alimente l’hypothèse de mécanismes pathogéniques communs aux différentes pneumopathies interstitielles diffuses fibrosantes et souligne le rôle de l’immunité locale comme acteur potentiel de la maladie et cible éventuelle de thérapeutiques innovantes adaptées, au-delà même des immunosuppresseurs classiques.

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    JDF