Onco-sein

Cancer du sein triple négatif : le carboplatine reste un allié incontournable

Avec un bénéfice majeur en survie sans événement, l’ajout de carboplatine en néoadjuvant de cancers du sein triple-négatif est désormais incontournable

  • Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
  • 22 Fév 2022
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    Les cancers du sein triple-négatif sont associés à un plus haut risque de récidive et un moins bon pronostic global que les autres sous-types de cancer du sein. La chimiothérapie néoadjuvante de type EC dose-dense suivi de paclitaxel hebdomadaire puis chirurgie est le standard pour les tumeurs de stade II et III.

    La réponse complète histologique (pCR) après chimiothérapie étant hautement pronostique, bien que seul un tiers des patientes accèdent à une telle réponse. Comment alors augmenter ce taux de réponse histologique ?

    L'intérêt du carboplatine ?

    Les résultats des essais GeparSixto et CALGB/alliance ont démontré l'intérêt de l’ajout du carboplatine au paclitaxel hebdomadaire en situation néoadjuvante avec augmentation du taux de pCR. Mais ce bénéfice ne se traduit pas en survie dans l’essai CALGB et cette association est responsable d’une toxicité hématologique limitante, laissant discuter le réel bénéfice clinique de l’ajout du carboplatine. 

    Les résultats actualisés à 4 ans de l'essai de phase 3, BrighTNess(1), permettent de mettre fin à cette discussion, le carboplatine augmentant le taux de réponse histologique complète mais aussi la survie sans événement.

    Fin des discussions !

    Cette étude compare, dans les cancers du sein triple-négatif de stade II et III, un schéma néoadjuvant classique de type paclitaxel hebdomadaire suivi d’AC dose-dense à ce même schéma auquel est associé soit du carboplatine soit du carboplatine + véliparib. Au total, 634 patientes sont incluses dans cet essai, 316 dans le bras carboplatine plus véliparib, 160 dans le bras carboplatine et 158 dans le bras chimiothérapie standard. 

    Les 1ers résultats(2) publiés en 2018 retrouvaient un taux de pCR supérieur dans les bras carboplatine + veliparib - paclitaxel (53%) et carboplatine - paclitaxel (58%) versus paclitaxel seul (31%). L’actualisation de ces résultats montre que cette amélioration de pCR est associée à un bénéfice en survie sans événement, avec à 4 ans un gain de plus de 10% (78% carboplatine + véliparib - paclitaxel et 79% carboplatine - paclitaxel versus 69% paclitaxel seul). Le véliparib n’apportant finalement aucun bénéfice (HR 1.12; IC à 95% : 0.72-1.72 ; p=0.62). Ces résultats sont indépendants du statut BRCA et de l’envahissement ganglionnaire.

    Cette étude confirme également le rôle pronostique du taux de réponse histologique complète avec un meilleur pronostic quel que soit le bras de traitement en cas de pCR (HR 0.26; IC à 95% : 0.18-0.38 ; P < 0.0001), et ceci indépendamment du statut BRCA.

    Les données de tolérance sont rassurantes avec une toxicité hématologique aigue plus importante mais manageable et l’absence de surrisque à moyen terme de second cancer, de leucémie aigüe ou de syndrome myélodysplasique.

    Comment analyser les discordances ?

    La différence obtenue par rapport aux précédents essais peut s’expliquer d’une part par l’absence d’utilisation du cyclophosphamide dans l’essai du geparSixto et d’autre part par la possibilité d’allonger jusqu’à 16 semaines la durée du traitement par Carboplatine-paclitaxel permettant de délivrer la quasi-totalité du traitement planifié dans l’essai BrighTNess contrairement à l’essai CALGB/alliance.

    Une analyse poolée des données long terme de ses 3 essais permettra probablement de mettre en évidence une différence en survie globale, actuellement non permis du fait d’un nombre d’événements encore insuffisant.

    Quel avenir proche ?  

    Avec un bénéfice majeur en survie sans événement, l’ajout de carboplatine en néoadjuvant de cancers du sein triple-négatif est désormais incontournable. Ces résultats sont concordants avec les résultats de l’essai Keynote 522, évaluant l’apport de l’immunothérapie dans cette même population, le traitement de référence étant l’association carboplatine-paclitaxel suivi EC. Le pembrolizumab apporte un nouveau bénéfice en survie de 7,7 % à 3 ans ! Schéma qui sera bientôt le nouveau standard.

    Les patientes de l’essai BrigHTness ne pouvaient bénéficier d’un traitement adjuvant. Au vu des récents résultats de Create-X et OlympiA qui montrent un bénéfice, en adjuvant, de la capécitabine ou de l’olaparib (pour les patientes BRCAm) en cas de non pCR, peut se poser la question de l’intérêt du carboplatine, néanmoins ces traitements allongent de façon considérable la prise en charge et l’obtention d’une réponse histologique apparait comme un facteur pronostic majeur. Il semble donc justifier de privilégier le carboplatine en situation néoadjuvante et d’adapter la stratégie adjuvante en l’absence de pCR.  

    (1) Geyer Jr C.E, W M Sikov W.M., et al. Long-term efficacy and safety of addition of carboplatin with or without veliparib to standard neoadjuvant chemotherapy in triple-negative breast cancer : 4-year follow-up data from BrighTNess, a randomized phase 3 trial.  Ann Oncol. 2022 Jan 27 ; S0923-7534(22)00018-7.

    (2) Loibl S., O’Shaughnessy J., Untch M.et al. Addition of the PARP inhibitor veliparib plus carboplatin or carboplatin alone to standard neoadjuvant chemotherapy in triple-negative breast cancer (BrighTNess) : a randomised, phase 3 trial. Lancet Oncol. 2018 ; 19: 497-509

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    JDF