Rhumatologie

Rhumatisme psoriasique : ciblage logique de l'IL-23 en cas de mauvaise réponse à un anti-TNF

Chez les patients souffrant d’un rhumatisme psoriasique ancien, actif, et avec une réponse inadéquate aux traitements de fond classiques ou à une ou 2 biothérapies dont un anti-TNF, un anti-IL23 donne une bonne réponse sur l’ensemble des lésions de ce rhumatisme inflammatoire.

  • Natalia SERDYUK/istock
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  • 16 Nov 2021
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    Dans l'analyse intégrée des 2 essais de phase III du programme risankizumab (KEEPsAKE 1 et 2), 1 407 patients souffrant de rhumatisme psoriasique actif et résistant à un traitement de fond classique ou une biothérapie ont été randomisé entre risankizumab sous-cutané, 150 mg, ou un placebo, à 0, 4 et 16 semaines. L’amélioration du critère d'évaluation primaire (ACR20) à la semaine 24, est retrouvé chez 55,5% des patients du groupe risankizumab contre 31,3% des patients du groupe placebo (p<0,001).

    Le risankizumab, un anticorps monoclonal humanisé qui cible l'interleukine 23 en se liant à la sous-unité p19 de la cytokine, est utilisé aux USA dans le traitement du psoriasis cutané et démontre donc ici une efficacité significative dans le rhumatisme psoriasique dans deux essais randomisés de phase III présentés lors de la première session plénière du congrès annuel de l'American College of Rheumatology (ACR 2021) (Abstract 0453).

    Une efficacité large

    Le traitement par le risankizumab donne également des résultats significatifs (p<0,001) sur plusieurs critères d'évaluation secondaires à la semaine 24, critères qui traduisent la globalité de la réponse sur les différentes atteintes  : ACR50 : 31,2% vs 10,6% (IC à 95% : 16,5-24,7) ; ACR70 : 14,1% vs 5% (IC à 95% : 6-12,1) ; soulagement des enthésites : 48,4% vs 34,8% (IC à 95 % : 7,6-20,2) ; soulagement des dactylites : 68,1% vs 51% (IC à 95% 7,5-26,4) ; activité minimale de la maladie : 25,2% vs 10,6% (IC à 95 % 10,6-18,5).

    Le risankizumab améliore également l'indice de surface et de gravité du psoriasis avec 53,2% vs 10% des malades qui obtiennent un PASI-90 respectivement (IC à 95% : 37,3-48,8) et enfin, il améliore les scores d'invalidité (HAQ-DI), de bien-être physique (SF-26) et de la fatigue (FACUT-Fatigue).

    Analyse combinée de 2 phases III

    Les participants aux deux essais KEEPsAKE 1 et 2, randomisés, de phase III, avaient une maladie active de la peau ou des ongles et au moins cinq synovites articulaires et articulations douloureuses. Dans les deux essais, les patients avaient déjà eu une réponse inadéquate ou une intolérance à un ou plusieurs traitements de fond conventionnels (MTX…) et, dans KEEPsAKE 2, ils pouvaient également avoir eu une réponse inadéquate à un ou plusieurs agents biologiques (TNF…).

    La moitié des patients étaient des femmes (âge moyen de 51 ans) avec un IMC moyen autour de 31. La durée du rhumatisme psoriasique jusqu’au début des études KEEPsAKE était en moyenne de 7,5 ans, le nombre d'articulations gonflées ou douloureuses était respectivement de plus de 12 et de 21, et l'évaluation globale de la maladie par le patient était de 61,9. Une enthésite était présente chez 62 à 64% des patients et une dactylite chez 27%.

    Dans l'ensemble, le risankizumab a été bien toléré, avec plus d’effets indésirables au point d’injection (0,8% versus 0,1%). Aucun nouvel effet indésirable n'a été observé. Des événements indésirables graves ont été signalés chez 3% des patients du groupe risankizumab et chez 4,4% de ceux du groupe placebo, et des infections graves ont été observées chez 1% et 1,6%, respectivement. Un patient du groupe risankizumab est décédé sans rapport direct avec le rizankisumab d’après la présentation à l’ACR.

    Profils cytokiniques différents

    Le facteur de nécrose tumorale α (TNF-α) a été la première cytokine-clé ciblée dans le traitement de polyarthrite rhumatoïde et de nombreuses autres maladies auto-immunes, dont le rhumatisme psoriasique. L'inhibition du TNF-α s'est avérée très efficace dans la polyarthrite rhumatoïde, ce qui a conduit à une re-conceptualisation de la pathogenèse des maladies auto-immunes : un processus inflammatoire complexe peut donc dépendre en grande partie d'une seule cytokine-régulatrice principale ou maîtresse. Le TNF-α représente donc probablement une voie effectrice commune qui agit plutôt assez en aval dans le processus inflammatoire.

    Le rhumatisme psoriasique est caractérisé par une « enthésite » et est étroitement associé au psoriasis cutané comme source d'interleukine-23. En outre, des lipides pro-inflammatoires tels que la prostaglandine E2 (PGE2) sont produits dans le contexte d’une mécano-inflammation dans les enthèses. L'interleukine-23 et la PGE2 induisent la production d'interleukine-17A par les cellules T17 (composées de cellules CD4+ Th17 et CD8+ Tc17 [cellules T17 cytotoxiques]), les cellules lymphoïdes innées de type 3 (ILC3) et les cellules T γ/δ.

    Au final

    Les profils cytokiniqes peuvent également « changer au fil du temps ou au cours d'un traitement anticytokinique », ce qui met en évidence la notion selon laquelle les profils de cytokines représentent des « cibles dynamiques » au cours de l'évolution des maladie auto-immunes.

    L'analyse détaillée des profils cytokiniques au moyen des technologies moléculaires modernes peut être un progrès nécessaire à l'amélioration des réponses cliniques et à l'identification de profils moléculaires (« pathotypes ») différents au sein d'une maladie cliniquement définie.

    Avant d’en arriver là, cibler l’interleukine-23 peut s’avérer pertinent en cas d’échec aux traitements de fond conventionnels et aux anti-TNF. Il y a une logique cytokinique pour cette stratégie.

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    JDF