Infectiologie

Covid-19 : 1er essai randomisé sur la colchicine chez les malades hospitalisés

Les patients Covid-19 qui ont reçu de la colchicine, indépendamment de tout autre traitement, ont une amélioration statistiquement significative du risque de détérioration clinique avec un rapport sécurité/efficacité/coût favorable.

  • Kuzmalo/istock
  • 30 Jun 2020
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    Dans GRECCO-19, un essai clinique randomisé sur 105 patients publié dans JAMA Network, le risque d’aggravation clinique (principal critère d'évaluation clinique) est nettement réduit dans le groupe colchicine par rapport au groupe contrôle (RR= 0,11 ; IC 95%, 0,01-0,96 ; P = 0,02). Il en est de même pour le délai avant la détérioration clinique.

    Aucune différence n’est observée sur le critère primaire biologique (concentration de troponine ultra-sensible), mais les patients du groupe colchicine ont une augmentation plus faible des D-dimères par rapport aux patients du groupe de contrôle.

    Un essai prospectif randomisé

    L'essai GRECCO-19 (Greek Study in the Effects of Colchicine in COVID-19 Complications Prevention) est un essai clinique prospectif, randomisé, en ouvert, sur 105 malades hospitalisés pour Covid-19. Ils ont été randomisés entre soit le traitement médical standard, soit la colchicine en sus du traitement médical standard, à la dose de 1,5 mg en dose de charge, suivie de 0,5 mg après 60 minutes et des doses d'entretien de 0,5 mg deux fois par jour, pendant une période pouvant aller jusqu'à 3 semaines.

    L'étude autorisait le traitement avec d'autres agents en cours d’expérimentation et presque tous les patients ont reçu de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine (103 [98,1%]), un tiers a reçu du lopinavir ou du ritonavir (34 [32,4%]), la moitié a reçu un traitement anticoagulant (57 [54,3%]), et aucun n'a reçu de remdesivir. Aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes dans l'utilisation de ces traitements expérimentaux.

    L’essai a dû être interrompu en raison de la régression de l’épidémie en Grèce avec 105 malades évalués au final (58,1% d’hommes et 64 ans d’âge médian [54- 76 ans]). Cinquante (47,6 %) ont été tirés au sort dans le groupe de contrôle et 55 (52,4%) dans le groupe colchicine.

    Réduction du risque d’aggravation

    Le risque d’aggravation clinique (critère primaire) est de 14,0% dans le groupe de contrôle (7 patients sur 50) et de 1,8% dans le groupe colchicine (1 patient sur 55) (RR= 0,11 ; IC 95 %, 0,01-0,96 ; P = 0,02). La durée moyenne sans événement est de 18,6 jours (± 0,83) dans le groupe contrôle contre 20,7 jours (0,31) dans le groupe colchicine (log rank P = 0,03).

    Les valeurs médianes des pics de troponine cardiaque ultra-sensible sont de 0,0112 (

    0,0043-0,0093) ng/mL dans le groupe de contrôle et de 0,008 (0,004-0,0135) ng/mL dans le groupe colchicine (P = 0,34). La médiane des niveaux maximums de CRP est de 4,5 (1,4-8,9) mg/dL contre 3,1 (0,8-9,8) mg/dL (P = 0,73), respectivement.

    Les événements indésirables sont similaires dans les deux groupes, à l'exception de la diarrhée, qui était plus fréquente dans le groupe colchicine que dans le groupe contrôle (25 patients [45,5 %] contre 9 patients [18,0 %] ; P = 0,003).

    Prévenir le syndrome hyper-inflammatoire

    Les patients souffrant de pneumonie à SARS-CoV-2 sont à risque d’évolution vers un syndrome hyper-inflammatoire touchant principalement le système respiratoire, avec évolution possible vers des lésion pulmonaire d’alvéolite et un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Les patients qui ont une atteinte myocardique inflammatoire (avec des niveaux élevés de troponine) ont un pronostic très péjoratif, avec des taux de mortalité pouvant atteindre 40%.

    Différents traitements sont en cours d’essai pour lutter contre l’apparition de ce syndrome hyper-inflammatoire, mais les candidats potentiels doivent posséder une puissante action anti-inflammatoire sans les effets indésirables des corticoïdes et des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

    Bénéfice potentiel de la colchicine

    Bien que les paramètres biochimiques témoignant de lésions myocardiques soient similaires dans les deux groupes, les patients qui ont reçu de la colchicine ont un risque d’aggravation clinique significativement moindre. La détérioration dans le groupe témoin est principalement liée au besoin de ventilation mécanique.

    D'autres résultats montrent qu'il n'y avait pas de différences entre les groupes en ce qui concerne les niveaux de CRP mais que les niveaux de D-dimères sont significativement plus faibles dans le groupe colchicine, ce qui suggère une atténuation du risque prothrombotique induite par la colchicine.

    L’étude a dû être interrompue prématurément en raison de la régression de l’épidémie en Grèce, ce qui a limité le nombre de malades inclus et les résultats doivent donc être interprétés avec prudence. D’autres essais sont en cours, y compris à un stade plus précoce.

    Un traitement peu coûteux

    En plus des agents antiviraux, de nombreux agents anti-inflammatoires, dont les anti-interleukines 1 et 6 et les inhibiteurs du récepteur du facteur de stimulation des colonies de granulocytes et de macrophages sont étudiés chez les patients Covid-19. Toutefois, nombre de ces agents doivent être administrés par voie intraveineuse, dans un hôpital, ils sont souvent très coûteux et n'ont pas toujours un profil de sécurité idéal en contexte infectieux.

    La colchicine est un très ancien médicament anti-inflammatoire, utilisé initialement pour traiter la goutte. Plus récemment, un certain nombre d'études ont montré un profil sécurité/bénéfice favorable chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires, en particulier de péricardites aiguës récidivantes, mais aussi après un infarctus du myocarde. L'action anti-inflammatoire de la colchicine est médiée par des voies physiopathologiques complètement différentes de celles des corticoïdes et des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

    Cela fait de la colchicine un bon candidat pour le « game-changing treatment » de la pandémie Covid-19, en tout cas plus que l’hydroxychloroquine, un antirhumatismal d'action retardée, qui met des semaines avant d’agir immunologiquement in vivo.

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    JDF