Oncologie

Carcinome épidermoïde de l'oesophage avancé : l'immunothérapie montre son efficacité en 2ème ligne

La prise en charge thérapeutique du cancer de l’œsophage au stade avancé n’est pas bien définie au-delà de la première ligne. Les nouvelles immunothérapies offrent une nouvelle alternative thérapeutique, en plus de la chimiothérapie, pour ces patients. Des études sont en cours.

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  • 25 Février 2020
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    Après progression sous une chimiothérapie de première ligne, l'immunothérapie par inhibiteur de checkpoint immunitaire anti-PD1 (nivolumab ou pembrolizumab) est supérieure à la chimiothérapie dans les carcinomes épidermoïdes de l'œsophage avancés.

    Quelle 2ème ligne de traitement ?

    Chez les patients ayant un carcinome épidermoïde de l'œsophage avancé, il n'existe aucun traitement validé au-delà de la première ligne à base de sel de platine. Le nivolumab (anticorps anti-PD1) avait montré une activité anti-tumorale intéressante chez les patients réfractaires aux chimiothérapies standards dans l'essai de phase II ATTRACTION-1. Les résultats de deux essais randomisés de phase III comparant un anticorps anti-PD1 à une chimiothérapie cytotoxique en deuxième ligne ont été communiqués tout récemment.

    La première étude internationale, ATTRACTION-3, a comparé le nivolumab à une chimiothérapie par taxane (paclitaxel ou docétaxel) après échec ou intolérance d'une chimiothérapie à base de fluoropyrimidine et platine chez 419 patients ayant un carcinome épidermoïde de l'œsophage avancé. Cette étude, présentée au congrès de l'ESMO 2019, a été ensuite rapidement publiée dans le Lancet Oncology. Elle montre une amélioration de la survie globale en faveur du nivolumab, ainsi qu'un profil de tolérance et une qualité de vie meilleurs avec l'immunothérapie.  

    La deuxième étude, également internationale, KEYNOTE-181, a évalué le pembrolizumab versus une chimiothérapie à base de taxane (paclitaxel ou docetaxel) ou irinotecan en monothérapie (au choix de l’investigateur) chez 628 patients avec cancer avancé de l'oesophage, dont 401 carcinomes épidermoïdes. Les résultats ont été présentés au congrès de lASCO 2019 mais ne sont toujours pas publiés à ce jour. Ils montrent un bénéfice en termes de survie globale et de réponse objective dans le sous-groupe des patients avec carcinome épidermoïde.

    L'immunothérapie supérieure à la chimiothérapie

    L'essai ATTRACTION-3 était positif pour son objectif principal, la survie globale chez l'ensemble des patients (indépendamment du niveau d'expression de PDL-1), avec une médiane de 10,9 mois dans le bras nivolumab versus 8,4 mois dans le bras chimiothérapie (HR=0,77, p=0,019) après un suivi médian de 17,9 mois (figure 1). Le bénéfice était observé dans tous les sous-groupes et notamment quelque soit le niveau d'expression de PDL-1.

    Le taux de réponse objective était similaire dans les deux bras (33% vs 34%) mais, chez les répondeurs, la durée de réponse était plus longue avec le nivolumab (médiane : 6,9 mois vs. 3,9 mois). La survie sans progression n'était pas statistiquement différente entre les 2 bras. Les toxicités de grade 3 et 4 étaient plus fréquentes dans le bras chimiothérapie (63% vs 18%) et la qualité de vie était améliorée de manière significative dans le bras nivolumab par rapport au bras chimiothérapie.

    Les résultats de l'essai KEYNOTE-81 vont dans le même sens pour ce qui concerne les carcinomes épidermoïdes. Cet essai a inclus 628 patients avec un cancer avancé de l'oesophage, carcinome épidermoïde ou adénocarcinome, dont 401 carcinomes épidermoïdes. L'objectif principal était triple: démontrer une amélioration de la survie globale avec le pembolizumab chez 1) les patients avec tumeur surexprimant PD-L1 en immunohistochimie avec un CPS (combined positive score) ≥10,  2) les patients avec carcinome épidermoïde et 3) dans la population globale en intention de traiter (ITT).

    L’étude est positive pour deux des co-objectifs principaux avec un avantage significatif du pembrolizumab en survie globale en cas de CPS ≥ 10 (n=222) (médiane de 9, 3 mois vs 6,7 mois; HH 0,67; IC95%: 0,50-0,89; p<0,00529) et pour les carcinomes épidermoïdes (8,2 mois vs 7,1 mois; HR 0,75; IC95%: 0,61-0,93; p< 0,0035) (figure 2), tandis qu'il n'y avait pas de différence significative chez l'ensemble de la population en  ITT (7,1 mois vs 7,1 mois). Il existait également un bénéfice en termes de réponse objective chez les patients avec carcinome épidermoïde (16,7% vs 7,4%; p=0,0022), tout comme chez les patients avec CPS ≥10 et chez l'ensemble de la population. Là encore, le profil de tolérance était plus favorable côté immunothérapie, avec un taux de toxicité de grade 3-4 de 17% vs 39% avec la chimiothérapie cytotoxique.

    Un bénéfice limité aux carcinomes épidermoïdes de l'œsophage

    Après progression sous une chimiothérapie de première ligne à base de sel de platine, aucune étude n'avait démontré à ce jour l'intérêt d'un quelconque traitement dans les cancers de l'oesophage avancés. Les résultats de ces deux études imposent clairement les anticorps anti-PD1 comme un nouveau standard dans cette situation. cependant, ces résultats ne sont pas applicables à toutes les histologies mais ne concerne que les carcinomes épidermoïdes, seul type histologique autorisé dans l'essai ATTRACTION-3 et seul type histologique concerné par le bénéfice du pembrolizumab dans l'essai KEYNOTE-181.

    Dans ce dernier, il est même intéressant de constater que le bénéfice en survie globale observé dans le sous-groupe de tumeurs avec CPS≥10 ne concernait, en définitive, que les carcinomes épidermoïdes également (10,1 mois vs 6,7 mois; HR 0,61; IC95%: 0,44-0,85) (n=168) et pas les adénocarcinomes (6,6 mois vs 6,9 mois).

    Des essais en cours en première ligne

    Suite à ces résultats positifs, le développement du nivolumab et du pembrolizumab continue désormais en première ligne, avec un essai de phase III (ChekMate 648) évaluant le nivolumab associé à l'ipilimumab (anti-CTLA4) versus le nivolumab associé à une chimiothérapie par 5-FU + cisplatine versus une chimiothérapie seule par  5-FU + cisplatine en première ligne de traitement des carcinomes épidermoïdes de l'oesophage et un autre essai (Keynote-590) évaluant le pembrolizumab seule ou associé à une chimiothérapie par 5-FU plus cisplatine  également en première ligne mais quelque soit l'histologie et avec une analyse selon le niveau d'expression de PD-L1.

    En pratique

    Le pembrolizumab a d’ores et déjà obtenu l'AMM aux Etats-Unis en juillet 2019 en 2ème ligne thérapeutique des cancers de l'oesophage (quel que soit l'histologie) surexprimant PD-L1 en immunohistochimie (CPS≥10). Nul doute que le nivolumab devrait suivre ce chemin chez nos collègues d'Outre-Atlantique. Il faut cependant souligner que la très grande majorité (96%) des patients inclus dans l'essai ATTRACTION-3 était asiatique.

    Pourra-t-on extrapoler ces résultats à une population caucasienne? Comme d'habitude, les enregistrements se font de toutes façon attendre plus longtemps en Europe où il n'y a pas d'AMM à ce jour dans cette indication. Et si c'était le cas, dans quelle mesure et conditions financières pourra-t-on en disposer en France?  Nul ne le sait.

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