Neurologie
Sténose carotidienne asymptomatique : revasculariser ou intensifier le traitement médical ?
Chez des patients avec sténose carotidienne ≥70 % sans symptômes récents, CREST-2 montre un bénéfice modeste du stenting sur un critère composite de AVC/décès péri-procédural ou AVC ipsilatéral à 4 ans, sans avantage significatif de l’endartériectomie. Dans un contexte de prévention médicale intensive déjà très efficace, la place de la revascularisation devient étroite et largement conditionnée à la sélection des patients et à l’expertise des centres.
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La prise en charge des sténoses carotidiennes asymptomatiques de haut grade reste discutée, malgré les essais d’il y a 30 ans, en faveur de l’endartériectomie. E effet, les progrès du traitement médical préventif de l’AVC ont été remarquables. CREST-2 a été conçu à l’ère de la prévention vasculaire moderne pour tester si l’ajout d’une revascularisation (stenting transfémoral ou endartériectomie) à un traitement médical intensif réduisait davantage le risque d’AVC qu’un traitement médical seul.
Selon les résultats présentés au congrès de la Society of Vascular and Interventional Neurology et publiés dans le New England Journal of Medicine, dans le groupe stenting (1 245 patients), l’incidence à 4 ans du critère principal (AVC ou décès dans les 44 jours, ou AVC ischémique ipsilatéral au-delà) est de 2,8 % contre 6,0 % sous traitement médical seul, soit une différence absolue de 3,2 points (p=0,02) correspondant à un NNT de 31. En revanche, dans le volet endartériectomie (1 240 patients), le critère principal atteint 3,7 % versus 5,3 % sous traitement médical seul, sans différence significative (p=0,24). Ainsi, seul le stenting apporte un gain statistiquement significatif, dans un contexte de risque absolu déjà très faible.
Sténose asymptomatique : un bénéfice limité du stenting et absent pour l’endartériectomie
L’analyse des événements précoces souligne le prix initial de la revascularisation. Dans le volet stenting, aucun AVC ou décès n’est observé dans le bras médical entre J0 et J44, contre 7 AVC et 1 décès dans le bras stenting. Dans le volet endartériectomie, on recense 3 AVC sous traitement médical et 9 AVC après chirurgie sur la même période. Au total, les taux d’AVC invalidant restent bas dans tous les groupes, et une proportion importante des événements survenant sous traitement médical intensif sont des AVC non invalidants, pouvant secondairement justifier une revascularisation en situation symptomatique.
Les résultats sont cohérents dans les principaux sous-groupes, et la durabilité des deux techniques de revascularisation apparaît satisfaisante avec de faibles taux d’AVC post-procéduraux tardifs. Néanmoins, l’éditorial associé souligne que, rapporté à 100 patients traités par stenting, un seul par an évitera un AVC au prix d’environ un AVC ou décès lié à la procédure, la majorité des patients n’en tirant aucun bénéfice clinique tangible.
CREST-2 : deux essais rigoureux, mais une généralisation à manier avec prudence
CREST-2 s’appuie sur deux essais parallèles, randomisés, menés dans 155 centres de cinq pays, incluant des patients avec sténose asymptomatique ≥70 % et bénéficiant tous d’un traitement médical intensif structuré (contrôle de la pression artérielle, LDL-cholestérol <70 mg/dl, prise en charge du diabète et des facteurs de risque avec suivi dédié). Les procédures de stenting et d’endartériectomie étaient réalisées par des opérateurs expérimentés et certifiés, ce qui limite la transposabilité de ces résultats aux centres à plus faible volume.
Les taux d’événements restent bas, et la significativité du bénéfice du stenting repose sur un nombre d’AVC relativement réduit : quelques événements supplémentaires auraient suffi à faire perdre la significativité statistique. De plus, l’essai n’intégrait pas les toutes dernières avancées de la prévention médicale (cibles tensionnelles plus basses, PCSK9, nouvelles thérapies cardio-métaboliques), susceptibles de diminuer encore le risque résiduel.
Selon l’éditorial associé, ces données confortent l’idée qu’un traitement médical intensif doit être le standard initial chez les patients porteurs d’une sténose carotidienne asymptomatique de haut grade, la revascularisation étant réservée à des situations particulières : apparition de symptômes (AIT, AVC non invalidant), progression documentée de la sténose, contre-indication au traitement médical ou préférence éclairée du patient. L’endartériectomie ne semble plus justifier une utilisation systématique en asymptomatique ; le stenting peut être discuté au cas par cas, dans des centres à forte expertise, en tenant compte du faible bénéfice absolu et du risque procédural. Les recherches à venir devront identifier, notamment via l’IRM de la plaque plaque, le sous-groupe restreint de patients réellement susceptibles de tirer profit d’une revascularisation prophylactique (hémorragie intraplaque, vulnérabilité).











