Pédiatrie
Douleur de l’adolescent et opioïdes : les dangers des prescriptions dans la famille
Dans une large cohorte norvégienne, des prescriptions d’opioïdes chez les parents sont associées à un risque accru d’initiation et surtout d’usage persistant chez leurs enfants devenus adolescents ou jeunes adultes. L’effet est indépendant de l’antécédent parental de douleur musculo-squelettique et persiste après ajustements, plaidant pour des stratégies de prise en charge centrées sur la famille afin de prévenir une exposition évitable aux opioïdes.
- Feodora Chiosea/istock
La douleur chronique est fréquente à l’adolescence et l’usage d’opioïdes, pourtant non recommandés en première intention pour les douleurs non malignes, reste observé en pratique. Cette étude visait à tester l’hypothèse d’un gradient de risque lié aux prescriptions parentales, possible reflet d’une exposition partagée (normes de soins, accès, comportements) et de vulnérabilités communes.
Parmi 21 470 adolescents et jeunes adultes (13–29 ans) appariés à au moins un parent dans Young-HUNT/HUNT, et suivis jusqu’à 7 ans, 24,4 % ont reçu au moins une prescription d’opioïdes et 1,3 % auraient un usage persistant (≥3 trimestres sur 4 la même année) selon les résultats publiés dans PLOS Medicine.
Le signal principal porte sur la persistance : lorsque la mère avait au moins 2 prescriptions sur 5 ans, le HR d’un usage persistant chez l’enfant atteindrait 2,60 (IC à 95 % 1,86–3,65) versus aucune prescription maternelle ; le HR est de 2,37 (1,56–3,60) pour une exposition paternelle équivalente. Pour toute prescription, l’augmentation de risque est plus modeste mais significative du côté maternel (HR 1,30 [1,15–1,47]) et proche du seuil pour le père (HR 1,19 [1,01–1,41]).
Le poids du modèle familial
L’association n’est pas modifiée par l’existence d’une douleur musculo-squelettique chronique parentale : chez les mères, le HR pour « toute prescription » est de 1,30 (1,15–1,47) en cas de douleur et de 1,31 (1,06–1,62) en son absence ; chez les pères, de 1,19 (1,01–1,41) avec douleur contre 1,21 (0,98–1,50) sans douleur. Les résultats demeurent significatifs après ajustement pour l’âge et les IMC parentaux, le niveau d’éducation, l’âge de l’enfant.
Pris ensemble, ces chiffres décrivent un double signal : un effet d’entraînement sur l’initiation et, plus marqué, sur la persistance, cible prioritaire des politiques de réduction des risques.
Un effet robuste, peu modulé par la douleur parentale
Il s’agit d’une cohorte prospective norvégienne (Young-HUNT/HUNT, 2006–2008 et 2017–2019) liée au Norwegian Prescription Database. L’exposition parentale était catégorisée (0, 1, ≥2 prescriptions sur 5 ans) autour de la date d’inclusion de l’enfant ; les issues étaient l’initiation et l’usage persistant. Le recours à des registres exhaustifs et l’appariement parent-enfant renforcent la validité externe pour des systèmes de soins comparables et limitent les biais de sélection. Les auteurs reconnaissent toutefois des limites : résidu de confusion possible par facteurs non mesurés, et ambiguïté temporelle pour une fraction des expositions parentales mesurées après l’inclusion de l’enfant.
Selon les auteurs, ces résultats invitent les cliniciens à intégrer l’histoire médicamenteuse parentale lors de la décision de prescriptions d’antalgiques forts chez les 13–29 ans, à privilégier des parcours non opioïdes (éducation, réévaluation diagnostique, traitements non opioïdes, réééducation et thérapies psychologiques), et à déployer des interventions familiales : information ciblée, contractualisation d’objectifs de douleur/fonction, et stratégies de déprescription lorsque pertinent.
Au total, le signal familial doit devenir un réflexe clinique : dépister, informer, proposer des alternatives et n’envisager l’association aux opioïdes qu’après évaluation stricte du rapport bénéfice–risque chez les jeunes.











