Addictologie
Baclofène : "Les prescripteurs doivent être très attentifs aux effets secondaires"
L’ANSM a renouvelé la RTU du baclofène dans la dépendance à l’alcool. Les conditions de prescription sont facilitées.
- SERGE POUZET/SIPA
Le baclofène confirme son efficacité dans le traitement de la dépendance à l’alcool. Les résultats, présentés ce vendredi, de l’étude Bacloville, menée sur 320 patients suivis en ville par des médecins généralistes, confirment les données préliminaires publiées récemment. Le médicament a permis une réduction de la consommation en deçà des seuils de l’OMS, voire un sevrage complet, pour 57 % des patients traités.
Dans le même temps et dans l’attente d’une autorisation de mise sur le marché, l’ANSM a renouvelé la RTU du baclofène,qui arrivait à échéance en mars. Les conditions de prescription, très strictes à l’origine, ont été assouplies. Xavier Aknine, médecin généraliste, référent du pôle MG à Fédération Addiction, revient sur cette évolution et sur ces derniers résultats.
Y a-t-il des profils de patients sur lesquels le baclofène semble plus efficace ?
Xavier Aknine : Non, on aurait pu l’imaginer, mais on ne peut pas prévoir la réponse dès le départ. Certains patients n’ont besoin que de neuf ou dix comprimés par jour, mais cela ne signifie pas qu’ils auront un meilleur résultat que les patients qui ont besoin de doses plus élevées.
On sait que la posologie est fonction de la quantité d’alcool consommée antérieurement. Même s’il n’y a pas de règle arithmétique, il y a un certain parallélisme. Par contre, il n’y a pas de signe qui puisse préfigurer la réponse, c’est vraiment du cas par cas, y compris au départ, quand on a l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de réponse. On peut avoir finalement une agréable surprise quand on monte la posologie à 15-16 comprimés. C’est le temps qui nous le dit.
Mais les données sont-elles suffisantes concernant la sûreté de ce médicament et ses effets secondaires ?
Xavier Aknine : Dans l’étude Bacloville, il y a eu très peu de décès, et qui ne sont pas forcément imputables au baclofène. Il y avait des gros buveurs inclus dans l’étude et on sait qu’il s’agit d’une population qui se met en danger et qui a un surrisque de mortalité. Certains peuvent aussi avoir des antécédents cardiovasculaires, d’autres étaient déjà au stade de cirrhose… Quand on fait une étude avec des patients alcooliques, vous avez forcément une surmortalité.
Les autres effets secondaires ont été listés, sans surprise : somnolence, vertiges, nausées et effets indésirables psychiatriques. Il faut notamment faire attention aux patients bipolaires et se méfier du risque de virage maniaque. Il faut bien évaluer l’état de la personne ; si l’on repère les éléments d’un trouble bipolaire, il faut le traiter préalablement avant de prescrire du baclofène. Quelques fois, ces troubles apparaissent en cours de chemin. A partir du moment où la personne s’alcoolise moins, des troubles psychiatriques ou de la personnalité peuvent émerger. Alors, il faut ajuster la prise en charge, soit en complétant la thérapeutique, soit en demandant un suivi psychiatrique conjoint. On attend les données de sécurité de la CNAM.
Ecoutez l'intégralité de l'interview du Dr Xavier Aknine :
Les conditions de prescription ont été simplifiées dans la RTU… Dans quel sens, et pourquoi était-ce nécessaire ?
Xavier Aknine : Le cadre a été assoupli. L’ANSM a supprimé la nécessité de remplir le portail avec tout un tas de données qui étaient demandées au médecin généraliste prescripteur. Il fallait aller sur le site Internet de la RTU, remplir le portail, c’était assez fastidieux et au final, très peu de médecins le faisaient. Moins de 6 % des généralistes utilisaient le cadre alors que beaucoup continuaient de prescrire du baclofène en dehors de la RTU.
Les remontées de terrain sur les prescriptions étant satisfaisantes, le cadre a été supprimé mais il est demandé aux prescripteurs d’être très attentifs aux effets secondaires et de faire remonter les informations de pharmacovigilance.











