Gériatrie

Dépression masquée du sujet âgé : quand plaintes somatiques riment avec troubles psychiques

La dépression du sujet âgé a globalement une présentation atypique qui rend difficile son diagnostic nous avait précédemment expliqué le Pr Bonin-Guillaume dans la première fiche « Entretien pratique en gériatrie ».

 

  • dragana991/istock
  • 19 Jun 2023
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    La série se poursuit aujourd'hui avec une seconde fiche dédiée à la dépression masquée. Comment ne pas passer à côté de cette pathologie où des plaintes somatiques masquent en réalité des troubles psychiques ? La gériatre de l'AP-HM spécialiste de la question nous livre quelques conseils pratiques.

    Comment se présente une dépression masquée chez le sujet âgé ?

    Ce sont des patients qui vont avoir au premier plan des plaintes somatiques comme des lombalgies, de la constipation, des palpitations, une dyspnée, des vertiges, etc… C’est-à-dire des symptômes assez communs à cet âge, sauf que leur prise en charge est régulièrement mise en échec.

    Par ailleurs, ces patients ont fréquemment des comorbidités qui conduisent à des explorations parfois très poussées sans réel facteur somatique identifié. Donc au premier plan vous avez des symptômes physiques, la face visible de l’iceberg et à l'arrière-plan une souffrance psychique.

    La dépression masquée est-elle plus fréquente chez le sujet âgé qu'en population générale ?

    Il n’existe pas de données permettant de de répondre à cette question. Mais ce que l'on sait, c'est que les conséquences d'une dépression masquée chez le sujet âgé sont plus rapidement visibles et graves à travers une perte d’autonomie qui peut devenir irréversible.

    Les plaintes somatiques sont fréquentes chez les sujets âgés, et peuvent avoir de multiples origines en dehors de la dépression masquée. Quels signes peuvent donc alerter pour évoquer plus spécifiquement cette pathologie ?

    Il s’agit souvent de plaintes récurrentes présentées au médecin et qui ont peu ou pas répondu à toutes les propositions de traitement et de prise en charge. Par exemple, une douleur qui réagira très peu aux antalgiques usuels adaptés.

    Comme les éléments de tristesse sont masqués, c’est souvent à travers des propos comme « si je n'avais pas des vertiges, des palpitations... je pourrais faire des courses, sortir, aller voir mes petits-enfants... » que l'on peut évoquer une dépression masquée. Des propos que je traduis souvent par « tout va très bien…, sauf que… » sont donc évocateurs.

    Les dépressions masquées sont globalement difficiles à repérer : on sait que le délai moyen de diagnostic est très/trop long, plus de deux ans de consultations parfois multiples et sans réponses. Quelle est la place pour le gériatre dans ce contexte ?

    Très souvent ces patients sont initialement hospitalisés dans des services de médecine d’organe pour un symptôme ciblé ou bien en gériatrie pour des raisons beaucoup plus vagues comme une altération de l'état général, une perte d'appétit ou une perte d'autonomie. Et c'est souvent dans un deuxième temps, en reprenant un peu l'histoire, qu'on doit se questionner sur une dépression masquée.

    Il est alors très important d'expliquer au patient que le symptôme est un élément d’une dépression qui doit être considérée et traitée comme tel ! Et si le diagnostic est fait en médecine générale, le gériatre peut être une aide en consultation ou en hôpital de jour pour débuter une prise en charge, parce que ça n'est pas toujours facile, on peut être démunis.

    Il est très important de remporter l’adhésion du patient sous peine d’échec. Et pourtant le traitement antidépresseur est efficace, si bien conduit.

    Une dernière clé à livrer aux médecins généralistes qui nous lisent pour les aider à démasquer ces dépressions masquées ?

    Y penser !

     

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    JDF