Gastroentérologie
Microbiote intestinal : les médicaments laissent des traces durables
Même des années après leur utilisation, les traitements peuvent continuer à façonner le microbiote intestinal humain.

- Par Geneviève Andrianaly
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- ilkaydede/iStock
Mal de tête, lombalgie, rage de dents… En cas de douleurs, la prise de médicaments est, pour certains, automatique. Pour les personnes atteintes de maladies, celle-ci est nécessaire. Pourtant, leur utilisation est un facteur connu qui contribue à la variabilité interindividuelle du microbiote intestinal. "Cependant, les médicaments sont souvent utilisés de manière répétée et pendant de longues périodes, une notion qui n'est pas encore prise en compte dans les recherches sur le microbiome", selon des chercheurs de l’université de Tartu (Estonie).
Dans une nouvelle étude, ces derniers ont voulu évaluer les effets à long terme de l’usage des traitements sur le microbiote intestinal. Pour les travaux, l’équipe a analysé des échantillons de selles et les dossiers d'ordonnances de 2.509 personnes de la Biobanque estonienne. Parmi les médicaments pris en compte, on retrouve les antibiotiques, les antidépresseurs, les bêtabloquants, les inhibiteurs de la pompe à protons et les benzodiazépines.
Antibiotiques, bêtabloquants, benzodiazépines… Les médicaments ont tous laissé des "empreintes" microbiennes
Les résultats ont montré que l'utilisation passée de médicaments était associée à des modifications du microbiote intestinal. Dans le détail, les effets des antibiotiques, des psycholeptiques, des antidépresseurs, des inhibiteurs de la pompe à protons et des bêta-bloquants sont détectables non seulement au moment du prélèvement, mais également plusieurs années après leur utilisation. "Cet effet peut être 'additif' : plus un médicament est utilisé, plus son impact sur le microbiome est important", peut-on lire dans l’étude publiée sur mSystems.
D’après les auteurs, les benzodiazépines, couramment prescrites contre l'anxiété, ont eu des effets sur le microbiote comparables à ceux des antibiotiques à large spectre. "Les données montrent également que des médicaments de la même classe, potentiellement utilisés pour la même affection, comme le diazépam et l'alprazolam, peuvent différer dans leur degré de perturbation du microbiote."
Un effet de causalité mis en avant
Lors d’une deuxième analyse, menée grâce aux échantillons de 328 adultes, il a été confirmé que l'instauration ou l'arrêt de certains médicaments provoquait des modifications microbiennes prévisibles, suggérant des effets de causalité. "Malgré la petite taille de l'échantillon de la deuxième analyse, nous avons pu vérifier les effets à long terme des inhibiteurs de la pompe à protons, des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et des antibiotiques, tels que les pénicillines en association et les macrolides. (…) Nous espérons que cela encouragera les chercheurs et les cliniciens à prendre en compte l’historique des médicaments lors de l’interprétation des données du microbiote", ont conclu les scientifiques.