Inceste

Hashtag #Metooinceste : peut-on justifier le crime avec "le syndrome d'aliénation parentale" ?

Le syndrome d’aliénation parentale (abrégé en SAP) est une notion psychiatrique controversée, et régulièrement évoquée dans les procès pour inceste. 

  • Par Mathilde Debry
  • takasuu / istock.
  • 21 Jan 2021
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    Suite à la sortie du livre choc La familia grande (Camille Kouchner), les témoignages sur des cas d'inceste se multiplient sur les réseaux sociaux sous le nouvel hashtag #Metooinceste, apparu samedi 16 janvier. Quand il n’y a pas prescription, les procès pour inceste voient souvent émerger "le syndrome d’aliénation parentale" dans les plaidoiries.


    Une "campagne de dénigrement de l'enfant contre le parent"

    Le syndrome d’aliénation parentale (abrégé en SAP) est une notion médicale controversée introduite par le psychiatre Richard A. Gardner au début des années 1980. "C'est un trouble qui survient principalement dans le cadre de litiges concernant la garde des enfants", décrit Richard A. Gardner dans sa publication intitulée "Parental Alienation Syndrome (PAS): Sixteen Years Later". Sa principale manifestation est "la campagne de dénigrement de l'enfant contre le parent, une campagne qui n'a aucune justification. Le trouble résulte de la combinaison des endoctrinements du parent aliénant et de la contribution de l'enfant à la diffamation du parent aliéné", poursuit le psychiatre.

    Utilisé par de nombreux avocats pour défendre leur client accusé de pédophilie, la recevabilité du syndrome d’aliénation parentale a été rejetée par la Cour d'appel d'Angleterre et du pays de Galles au Royaume-Uni, tandis que le ministère de la Justice du Canada a avancé des recommandations contre son usage. Non répertorié dans le DSM5, le terme de syndrome d'aliénation parentale a néanmoins été utilisé dans plusieurs conflits devant les tribunaux de la famille aux États-Unis, où il n'est pas toujours retenu en raison du manque de preuves scientifiques étayant son existence. En France, une notice sur le site du ministère de la Justice mettant en garde contre son utilisation a été publiée à la demande de la sénatrice Laurence Rossignol.


    "Cette théorie sert de bouclier aux pères incestueux"

    "Pourtant, cet argument pseudo scientifique est toujours largement utilisé dans nos tribunaux", déplore le réalisateur Patric Jean, auteur du livre La loi des pères (Éditions du Rocher), très critique envers le psychiatre Richard A. Gardner. "Cette théorie, qui a l’air vaguement scientifique, sert de bouclier aux pères incestueux, voire à mettre en accusation les mères et les personnels de santé qui signalent des abus sexuels. Au final, la mère étant considérée comme folle, on confie la garde de l'enfant abusé au parent coupable".

    Le syndrome d’aliénation parentale est inventé au XIXème siècle par des médecins français, qui parlent à l’époque "d’accusation hétéro génitale". Notre société commence alors tout juste à pénaliser les crimes sexuels sur mineurs. "Ces médecins ont soutenu qu’il ne fallait surtout pas écouter les enfants qui se plaignaient d’agression sexuelle, car ils inventaient cela sous la pression de leur mère, dans le but se défaire d’un mari gênant, ou pour se venger d’un voisin, d’un maire, d’un curé…", contextualise Patric Jean.

    Au milieu des années 1980, "l’accusation hétéro génitale" est reprise par les Américains sous le terme de "syndrome d’aliénation parentale". "Ils sont passés de la légitimation de la pédocriminialité au déni", poursuit Patric Jean. Selon un rapport commandé par le ministère de la Justice en France, les enfants mentent sur leurs agressions sexuelles dans moins de 1% des dossiers.

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    JDF