L'interview du week-end

Maladie des jambes poteaux : "Poser le diagnostic permet aux femmes de déculpabiliser"

Le docteur Audrey Stansal nous éclaire sur la maladie des jambes poteaux, aussi connue sous le nom de lipœdème.

  • Par Mathilde Debry
  • Iuliia Burmistrova / istock.
  • 07 Avr 2024
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    Pourquoi docteur - Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ? 

    Dr Audrey Stansal - Je suis médecin vasculaire. J’ai été formée à Paris, en étant d’abord interne des hôpitaux de Paris puis chef de clinique à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. J’ai ensuite été durant 8 ans praticienne à temps plein dans un autre grand hôpital parisien, puis j’ai eu la chance de rejoindre l’Hôpital Américain depuis un petit peu plus d’un an maintenant.

    Pouvez-vous expliquer ce qu’est la médecine vasculaire ?

    C’est une spécialité qui traite tous les problèmes de circulation. Elle remplace l'angiologie et la phlébologie depuis quelques années.

    Maladie des jambes poteaux : "c'est une pathologie du tissu graisseux"

    Qu’est-ce que la "maladie des jambes poteaux" ?

    Cette maladie, aussi connue sous le nom de lipœdème, est une pathologie du tissu graisseux qui va se localiser de manière excessive et circonférentielle au niveau des jambes. Elle peut de ce fait engendrer de fortes douleurs.

    Qu’est-ce qui déclenche le lipoedème ?

    Le lipœdème est lié aux développements hormonaux propres aux femmes, qui peuvent se manifester pendant la puberté, la ménopause ou encore la grossesse.

    Le lipœdème évolue-t-il ?

    Oui, le lipoedème évolue progressivement s’il n’est pas traité. Au premier stade, il y a une accumulation de graisse sur les deux jambes de manière symétrique, mais le pied est épargné. Au stade deux, il y a une majoration des volumes au niveau des jambes avec un "aspect cellulite" qui apparaît. Au stade trois, on peut avoir de gros nodules graisseux qui déforment le membre. Et enfin au stade quatre, le derme finit par atteindre l'avant-pied.

    Quelle est l’incidence de cette maladie ?

    Ce n’est pas une pathologie marginale : 9 à 10 % des femmes adultes sont touchées.

    La moitié des cas sont héréditaires. 

    Cette pathologie a émergé récemment au sein de la société française. Comment s’est-elle "démocratisée" ?

    Le lipœdème a été décrit pour la première fois en 1940 par un professeur de médecine nommé Allen, mais jusqu’aux années 2000, aucun article scientifique n’est paru sur la maladie. Ce sont les réseaux sociaux et la presse médicale qui ont récemment permis de faire parler de la pathologie, qui reste encore malgré tout mal connue des médecins.

    Est-ce important de poser le diagnostic du lipœdème ?

    Oui, car cela permet aux femmes de soulager leurs douleurs et de déculpabiliser, car elles prennent conscience que leur état n’est pas forcément dû à une mauvaise alimentation.

    Est-ce qu'il y a un lien entre l'obésité et la survenance d'un lipœdème ?

    Pendant très longtemps, les médecins ont pensé que seules les femmes obèses étaient touchées par cette maladie, ce qui est totalement faux.

    Maladie des jambes poteaux : quels sont les traitements envisageables ? 

    Comment traite-t-on un lipœdème ?

    Il faut avant tout que la patiente ait un poids stable afin de ne pas accentuer le lipœdème. Il est également fortement recommandé de favoriser la compression via des collants*, même si ce n’est pas toujours bien toléré. Dans l’idéal, les malades doivent aussi suivre des séances de kinésithérapie trois voire quatre fois par semaine, ou même tous les jours si c’est possible. Par ailleurs, la pratique d’une activité sportive est très conseillée, tout comme la réalisation de bilans podologiques réguliers afin d’être sûr que le pied est en bon état. Enfin, mettre en place un accompagnement psychologique peut être bénéfique aux patientes.

    La chirurgie peut-elle être la solution miracle ? 

    La grande majorité des patientes qui se lancent dans une liposuccion localisée sont très contentes, tant sur le plan esthétique que symptomatique. Néanmoins, c’est une opération lourde avec un temps de récupération assez long, qui doit de ce fait être réservée aux femmes les plus gênées par le lipœdème.

    La douleur peut-elle revenir malgré la chirurgie ?

    Dans la majorité des cas non.

    Un mot en conclusion ?

    Aujourd’hui en France, encore trop de patientes ne sont malheureusement toujours pas traitées dans les temps et restent de nombreuses années dans l’incertitude face à leur maladie des jambes poteaux.

    *Ces collants peuvent s’acheter en pharmacie ou être fabriqués sur mesure.

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    JDF