Pneumologie

Tuberculose : réactivation paradoxale avec l’immunothérapie anti-cancéreuse

Une réactivation de la tuberculose a été observée chez des patients ayant bénéficié d’une immunothérapie anticancéreuse. Ces observations paradoxales ont fait l’objet de travaux dans le but de comprendre les mécanismes impliqués et de prendre ce risque en compte avant la prise en charge des patients concernés. D’après un entretien avec Agnès HAMZAOUI.

  • 15 Déc 2022
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    Une étude, dont les résultats sont  parus en novembre 2022 dans l’European Repsiratory Journal, a fait le point sur la réactivation de la tuberculose observée chez les patients traitées par immunothérapie anticancéreuse. Il s’agit d’une revue de la littérature, au cours de laquelle les auteurs ont analysé les mécanismes des inhibiteurs de check-point et leur rôle dans la tuberculose. Ils évoquent des modèles murins qui ont montré la réactivation d’une tuberculose grave entrainant le décès. Ces résultats paradoxaux ont suscité une réflexion sur les mécanismes en cause et sur les travaux à réaliser ultérieurement pour comprendre et limiter ce phénomène.

     

    Un phénomène contre-intuitif

    Le professeur Agnès HAMZAOUI, chef du service de pneumologie du Centre Hospitalier d’Ariana, explique que l’on a observé une réapparition de nombreux cas de tuberculose chez des patients en fin de traitement anti-cancéreux, et cela non seulement au cours des cancers bronchiques mais aussi dans le cas de cancers touchant d’autres organes. Elle précise que cela parait contre-intuitif puisqu’en inhibant le check point, on réactive l’immunité pour obtenir une activité anti-cancéreuse, ce qui permettrait d’imaginer également une lutte contre la tuberculose. Or, des publications de séries ont déjà montré la recrudescence de cas de tuberculose chez ce type de patients, après leur traitement anticancéreux. Plusieurs hypothèses on été évoquées pour expliquer le phénomène qui fait passer d’une forme de tuberculose latente à une forme de tuberculose maladie, d’autant que l’effet délétère du traitement anti-cancéreux a également été observé avec d’autres mycobactéries atypiques.

     

    Plusieurs hypothèses sur les mécanismes impliqués

    Agnès HAMZAOUI, évoque plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène. La première hypothèse serait que l’immunité n’est pas du « tout ou rien » et qu’en fonction de l’intensité des signaux, les blocages seront différents. Le rôle des cellules TH1dans la tuberculose est bien connu, mais ces cellules peuvent être modulées différemment avec un inhibiteur de check- point, en fonction de la quantité d’interféron gamma qui, si elle augmente, devient délétère. En cas de tuberculose, si les tissus avoisinants ont déjà entamé une destruction, on autorise des phénomènes encore plus agressifs en levant les freins. La deuxième hypothèse serait un épuisement des cellules T régulatrices qui expriment les check-point et qui limiterait l’excès de freination. La troisième hypothèse serait qu’il existe différents check-points au niveau des cellules dont certains, moins explorés, auraient des effets différents. Les doses utilisées pour le traitement du cancer auraient donc un effet délétère par déséquilibre immunitaire et inhibition des cellules régulatrices. Agnès HAMZAOUI estime qu’il y a peut-être encore d’autres phénomènes en causes et qu’il serait nécessaire de réaliser des études à différents doses de traitement et avec une action sur différents check-point, qui pourraient permettre une action antituberculeuse.

     

    En conclusion, à l’heure actuelle l’immunothérapie anticancéreuse réactiverait des tuberculoses latentes. L’idée serait donc de vérifier en amont que les patients sont porteurs ou non d’une tuberculose, et le cas échéant propose une chimioprophylaxie. A suivre…

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    JDF