Gériatrie

Personnes âgées et chutes : une large gamme d’innovations en gérontechnologie

Les gérontechnologies, innovations technologiques au service de la personne âgée, font désormais partie du quotidien des gériatres notamment dans le domaine des chutes. La Journée Annuelle de l’Association des Jeunes Gériatres a été l'occasion pour le Docteur Duval, jeune gériatre angevin de présenter les innovations existantes mais aussi les questionnements qu'elles peuvent susciter. 

  • Kriangsak Koopattanakij/istock
  • 25 Avr 2022
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    La Journée Annuelle de l’Association des Jeunes Gériatres s'est tenu le 8 avril dernier à Lille. Sujet incontournable de la discipline, les chutes faisaient partie des trois principaux thèmes abordés. Et quoi de plus logique pour la nouvelle génération de gériatres que de parler de nouvelles technologies ? Ainsi le Docteur Duval, gériatre au CHU d'Angers et responsable de la filière chutes de la personne âgée a consacré sa présentation, au passionnant sujet des gérontechnologies.

    Ce néologisme est défini par l'International Society for Gerontechnology comme « les systèmes techniques ou technologiques qui visent à satisfaire les besoins de la personne âgée et des aidants, de suppléer l’aide humaine mais ne pas la remplacer, de maintenir un haut niveau d’autonomie et développer des produits, services et technologies appliquées aux besoins ».

    Le gériatre fait le point sur les innovations existantes dans le domaine des chutes, notamment celles qu'il côtoie au quotidien dans son exercice hospitalier, leurs apports pratiques mais aussi les interrogations qu'elles peuvent susciter.  

    De la téléalarme au robot rééducateur en passant par le sol connecté : une large gamme d'innovations

    Que ce soit pour le diagnostic, la rééducation ou la prévention des chutes, il existe désormais de multiples technologies au service des gériatres et des patients pour optimiser la prise en charge des chutes.

    Pour commencer en termes de bilan, les tapis d'analyse spatio-temporelle de la marche, gold standard dans le domaine. Cette longue piste fine quadrillée de capteurs de pression activés au passage du patient, le tout relié à un ordinateur, permet de comprendre les processus physiopathologiques de certaines maladies ou de détecter de façon précoce des troubles de la marche. Au CHU d'Angers où exerce le Dr Duval, l'outil fait partie intégrante du bilan systématique lors des consultations chutes. Dans le domaine de la rééducation, un robot peut prendre le relais du rééducateur une fois qu'il a initié la séance, pour lui permettre une intervention individualisée au cours de la séance. A Angers, il s'appelle Zora et est autant apprécié des patients que des rééducateurs.

    Plus connue, la télé-alarme appartient elle aussi aux gérontechnologies. Mais peut être semblera-t-elle bien obsolète d'ici quelques années avec l'apparition d'autres technologies de détection des chutes. Parmi elles, le sol connecté dont certaines chambres du service de gériatrie d'Angers sont équipées. Composé d'un système de capteurs placés sous le revêtement du sol, c'est une solution invisible et non intrusive pour la détection des chutes. Une alerte automatique est envoyée en cas de chute, mais l'analyse des données de déplacements (historique de chutes, suivi d'activité nocturne « variation mobilité et éveil sommeil ») permet aussi leur prévention en détectant les personnes ou situations à risque.

    Des systèmes multimodaux pour des chutes dont les causes sont multifactorielles

    Chaque innovation décrite peut être utile mais le Dr Duval insiste « il faut s'attarder sur les systèmes multimodaux particulièrement adaptés aux problématiques de la chute car la chute est le plus souvent multifactorielle ». C'est l'association de plusieurs technologies qui permet une réelle évaluation globale et un suivi adapté des personnes âgées.

    Il cite comme exemple un couplage intéressant de capteurs multi détection et multifonction, décrit dans la littérature scientifique comme efficace dans la prévention des chutes « des capteurs posturaux comme les semelles d'analyse de marche, associés à des outils domotiques du domicile et également des équipements connectés tels que ces capteurs de glycémie ou une montre connectée ». 

    Les géronto-technologies sont intéressantes « mais il y a un mais »

    Comme le dit le Dr Duval, ces innovations sont « particulièrement intéressantes mais il y a un mais : ça expose à de nouvelles interrogations ». Tout d'abord, des interrogations éthiques vis-à-vis de la vulnérabilité et de la perte d'autonomie de la personne âgée et une confrontation entre l'intimité, la confidentialité et la sécurité du patient. En garde-fou, une charte éthique qui date de 2013 qui précise « qu'il est indispensable de proposer une information adaptée à la personne âgée et avoir un avis médical favorable sur le bénéfice risque de ce type de dispositif ».

    Autre questionnement qui émerge avec les gérontechnologies : personnes âgées et technologies font-elles bon ménage ? Ne suscitent-elles pas des craintes ou réticences ? A l'évocation de la technophobie, la peur des nouvelles techniques, le Dr Duval répond « je ne vais pas vous dire qu'elle n'existe pas ». Mais il précise que les études dans le domaine montrent plutôt une population favorable aux dispositifs proposés. Et surtout comme le rappelle le jeune gériatre, il faut « considérer les générations à venir qui seront beaucoup plus impliquées dans la technologie et à même d'utiliser ces dispositifs ».

    « N'oublions pas les fondamentaux cliniques »

    Si l'on s'inquiète de savoir si les nouvelles technologies, dites au service des personnes âgées, ne risquent pas de déshumaniser la gériatrie, le docteur Duval ne le voit pas de cet œil. Pour lui, il s'agit essentiellement de « ressources supplémentaires pour le système de soins face à l'évolution démographique ».

    La clinique doit rester centrale et il s'agit là de sa conclusion « n'oublions pas les fondamentaux cliniques ».

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    JDF