Pneumologie

E-cigarette : des croyances plus que des connaissances

L'usage de la e-cigarette n'est pas la panacée dans le sevrage tabagique et le manque de preuves est encore bien présent. Malgré tout, il faut utiliser tous les moyens à disposition pour un sevrage tabagique, ainsi que ne pas hésiter à multiplier les tentatives. D’après un entretien avec Anne-Marie RUPPERT.

  • 24 Mar 2022
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    Une étude, dont les résultats sont parus en février 2022 dans Tobacco Control, a fait le point sur l’utilisation et l’efficacité de la e-cigarette dans le sevrage tabagique. Il s’agit d’une étude de cohorte américaine, réalisée entre 2017 et 2019. Pour cela, plus de 4900 sujets ont été inclus. Il s’agissait exclusivement de sujets fumeurs récemment sevrés.  En 2017, 12,6% ont utilisé la cigarette électronique pour cesser de fumer. Les autres patients ont utilisé d’autres moyens, notamment pharmaceutiques. Les taux de rechute ont été comparés dans chacun des groupes. Les taux de nicotine utilisés dans la cigarette électronique ont également été évalués, puisqu’aux USA, il n’existe pas de limitation de la concentration nicotinique dans les e-cigarettes. Seulement, 2,2% des sujets ont utilisé des e-cigarettes à niveau de nicotine élevé.

     

    Des résultats frustrants

    Le docteur Anne-Marie RUPPERT, pneumologue et tabacologue à l’hôpital Tenon, à Paris, rappelle qu’il n’existe aucun niveau de preuve élevé concernant les effets et l’efficacité de la e-cigarette, notamment ne matière de sevrage tabagique. Elle explique que cette étude ne permet pas de trancher ni de favoriser la e-cigarette par rapport à d’autres moyens ou substituts pour le sevrage tabagique, car les auteurs ont comparé des groupes qui n’étaient pas comparables puisque les patients utilisant la cigarette électronique, les substituts nicotiniques ou l’absence de mécanisme d’aide au sevrage ne sont pas les mêmes. La faible utilisation de la cigarette électronique ne peut pas montrer d’efficacité spectaculaire. Cette faible utilisation pourrait, en partie être expliquée par l’avènement de la JUUL, qui l’a remplacée, mais qui est orientée vers un marché très jeune. Les fumeurs n’utilisent pas la JUUL pour le sevrage. Pour Anne-Marie RUPPERT, cette étude n’apporte aucune information supplémentaire. La méthodologie statistique complexe de ce travail n’apporte que des résultats frustrants et n’amène aucun scoop. Anne-Marie RUPPERT s’étonne que la cigarette électronique ne soit pas plus utilisée pour le sevrage tabagique.

     

    Multiplier les tentatives et les moyens pour obtenir le sevrage

    Anne-Marie RUPPERT rappelle que le Haut Conseil de Santé Publique ne recommande la cigarette électronique dans la démarche d’arrêt du tabac. Elle insiste sur le fait que la e-cigarette peut être utile chez les gros fumeurs, ayant une BPCO, une pathologie cardio-vasculaire ou des troubles psychiatriques. Elle explique qu’il est nécessaire de proposer aux patients le traitement qui leur convient le mieux, comme par exemple des substituts nicotiniques associés à la cigarette électronique. L’absence de preuves d’efficacité et le manque de données sur la e-cigarette ont instauré une démarche de précautions extrême qui fait que les médecins ne peuvent pas recommander la cigarette électronique mais selon Anne-Marie RUPPERT, il faut utiliser tous les moyens à disposition, y compris la e-cigarette, et surtout ne pas hésiter à multiplier les tentatives de sevrage.

    En conclusion, le manque de données et surtout de preuves concernant la e-cigarette est encore bien présent et limite son utilisation dans le sevrage tabagique. Néanmoins, tous les moyens à disposition permettant d’arrêter de fumer doivent être envisagés et utilisés, surtout chez les gros fumeurs ayant déjà développé des pathologies liées au tabac.

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    JDF