Pneumologie

La chicha : une fausse image attractive propre

L’usage de la chicha a fait l’objet d’une revue sur les effets négatifs de cette pratique. Sa toxicité a été démontrée et la chicha représente un danger pour les populations jeunes, avec une question de législation non encore résolue. D’après un entretien avec Anne-Marie RUPPERT.

  • 23 Sep 2021
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    Une étude, dont les résultats sont parus en août 2021, dans l’European Respiratory Revue, a fait le point sur la consommation, les risques et la législation de la chicha. Une revue très complète de la littérature a été réalisée par ses auteurs en faisant le point sur les différents aspects de cette pratique, alors que les conséquences de cette pratique en augmentation sont encore peu connues. Les risques pneumologiques, comme la BPCO ou le cancer bronchique, ainsi que les risques cardio-vasculaires ont été évaluées dans ce travail.

    Toxicité de la chicha : un enjeu majeur

    Le docteur Anne-Marie RUPPERT, pneumologue à l’hôpital Tenon à Paris, souligne que l’usage de la chicha représente un enjeu majeur, alors que la consommation de cigarettes diminue dans les populations jeunes. La chicha fait partie d’autres formes de tabagisme en voie de développement et est en passe de devenir un phénomène social. Elle précise que les auteurs de ce travail ont réalisé une revue très complète sur les différents aspects de la chicha, alors que, jusque-là, peu de données étaient disponibles. En Europe, un jeune sur 10 serait consommateur de chicha, avec une prédominance masculine. Son attractivité est liée aux réseaux sociaux et aux parfums variés et sucrés aromatisant le tabac à chicha. Anne-Marie RUPPERT précise que la chicha est utilisée de façon intermittente et que plus on l’utilise, plus on devient fumeur. La chicha donne l’impression d’être moins dangereuse que la cigarette mais sa toxicité est en réalité majeure. Le tabac utilisé est une concentration de différents composés tels que le monoxyde de carbone, les hydrocarbures, les aldéhydes ou encore les métaux lourds. Ces composants sont connus pour être associés au développement de la BPCO, du cancer bronchique et des maladies cardio-vasculaires.  Anne-Marie RUPPERT rappelle que ceci a un impact sur le VEMS, augmente le risque de bronchite et de BPCO, majore la toux, etc… Le risque de développer une BPCO serait multiplié par 10, d’infarctus du myocarde par 3 et le risque néoplasique par 4,5, comparativement aux non-fumeurs. Mais les consommateurs de chicha sont majoritairement fumeurs… D’autre part, l’addiction à la nicotine nécessite une prise en charge comparable à celle des fumeurs de nicotine, même si aucune étude sur le sevrage de la chicha n’est à ce jour disponible.

    La législation reste un point clé

    Anne-Marie RUPPERT explique qu’il n’existe pas de régulation de la consommation de chicha. Elle rappelle qu’en France, le tabac à chicha est acquis illégalement et que les consommateurs ont peu de connaissance des risques. De plus, la consommation se déroule en intérieur, dans les « bars à chicha », ce qui n’est pas plus légal. Elle voit, par cet usage, un moyen de l’industrie du tabac de garder des populations addictes alors que la consommation de cigarettes diminue.  De plus, les produits présents dans la fumée sont issus de la combustion et les gros consommateurs de chicha sont victimes d’intoxications au monoxyde de carbone. Anne-Marie RUPPERT incite donc à la plus grande vigilance face à cette pratique.

    En conclusion, la chicha donne une fausse bonne image de moindre toxicité comparativement à la cigarette. Le rôle de prévention des professionnels de santé est donc fondamental, en passant déjà par interrogatoire plus précis des patients fumeurs sur leur consommation…

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    JDF