Rhumatologie
Covid-19 et rhumatismes inflammatoires : pas plus fréquente mais pronostic contrasté
Dans une revue systématique de la littérature et une étude de cohorte, l'incidence de la Covid-19 serait faible chez les patients souffrant de rhumatismes inflammatoires, en dépit de traitements immunomodulateurs. Il existe cependant des discordances entre 2 études quant au pronostic de l’infection sur ce terrain à risque.
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Au début de la pandémie de Covid-19, on ne savait pas très bien comment les personnes atteintes de rhumatismes inflammatoires et de maladies systémiques auto-immunes, sous traitement corticoïde et immunosuppresseur, étaient affectées par une infection Covid-19. Certaines études préliminaires avaient même suggéré que ces médicaments pouvaient avoir un effet protecteur vis-à-vis d’un éventuel orage cytokinique.
Une revue systématique de la littérature montrerait une incidence faible de l'infection par Covid-19 chez les personnes souffrant de maladies rhumatismales avec une évolution bénigne de la maladie chez la plupart des personnes infectées. Les détails de cette étude ont été présentés l'ACR Convergence, le congrès annuel de l’American College of Rheumatology (Abstract #0008).
Par contre, dans une étude observationnelle sur 716 maladies rhumatologiques auto-immunes présentée également à l'ACR, il apparait que ces malades pourraient être à risque d'effets indésirables graves tels qu’une défaillance d'un organe en cas d'infection par la Covid-19 (Abstract #0430).
Analyse de la littérature
L’analyse systématique des études qui ont fait état des résultats d’une infection Covid-19 a porté sur 6 095 patients atteints de rhumatismes inflammatoires sous biothérapies provenant de huit cohortes observationnelles, dont 28% étaient atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) et 7% de rhumatisme psoriasique (PSA). Sur les 6 095 malades, seuls 123, soit 2%, sont positifs ou très suspects de Covid-19.
Parmi tous ces malades, 68% des patients Covid-19 prenaient des médicaments biologiques, 31% des anti-TNF et 6% des inhibiteurs de JAK. Parmi les patients infectés par le coronavirus, 91, soit 73 %, ont été hospitalisés. Treize patients hospitalisés ont dû être admis dans une unité de soins intensifs et quatre patients sont décédés
Une large étude de cohorte
L’étude de cohorte a été réalisée sur des patients appariés du réseau de recherche TriNETX, qui représente plus de 52 millions de personnes issues de 35 organismes de soins. Un total de 716 patients atteints de rhumatismes inflammatoires et infectés avec la Covid-19 ont été comparés à un nombre équivalent de patients appariés et atteints de COVID-19 mais sans maladie rhumatismale. La maladie sous-jacente était une polyarthrite rhumatoïde dans 45% des cas, un lupus érythémateux systémique (18%), un syndrome de Sjögren (10%), une connectivite mixte (5%), une vascularite systémique (9%), un rhumatisme psoriasique (6%) et un petit nombre de patients souffrant de myopathie inflammatoire, de sclérodermie ou de spondylarthrite ankylosante. Parmi les patients, 40% prenaient de la prednisone, 20% de l'hydroxychloroquine et 12% des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale.
Les taux d'hospitalisation sont de 24,4% chez les patients rhumatismaux contre 19,8% chez les témoins, pour une différence de risque de 4,6% (IC de 95 % 0,3-8,9) et un RR de 1,23 (IC de 95% 1,01-1,50, P=0,04). L'admission aux soins intensifs est de 6,8% chez les patients rhumatismaux contre 3,9% chez les témoins, pour une différence de risque de 2,9% (IC à 95% 0,6-5,3) et un RR de 1,75 (IC à 95% 1,11-2,75, P=0,01). Les taux de mortalité sont numériquement plus élevés chez les patients souffrant de rhumatismes (5% vs 4,3%), bien que cela n’atteigne pas la significativité.
Des malades à protéger
Les infections à Covid-19 ne semblent pas réellement plus fréquentes, mais leur pronostic n’est pas si bénin que cela a été avancé récemment, en particulier chez les malades fragiles et chez ceux atteints de maladies systémiques auto-immunes. Le petit nombre de patients recevant des biothérapies et des traitements ciblées ne permet bien sûr pas de tirer des conclusions définitives sur la poursuite ou la suspension de ces traitements
Une préoccupation importante est le risque de thrombose et d’embolie, car les maladies rhumatismales peuvent contribuer par elles-mêmes au risque d'événements thromboemboliques qui est élevé en cas de Covid-19, en particulier en cas de corticothérapie et de syndrome des antiphospholipides. Un projet majeur est l'examen des facteurs de risque d'infection grave à la Covid-19 chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires afin d’identifier les malades à surveiller de plus près et à éventuellement développer des stratégies pour atténuer leur risque.








