Neurologie

Parkinson : un dysfonctionnement cognitif annonciateur de la maladie

Les résultats de l’analyse de la cohorte de Rotterdam suggèrent qu’un dysfonctionnement cognitif précoce peut être un signe prodromique de la maladie de Parkinson.

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  • 26 Septembre 2017
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    Dans une large étude de cohorte en vie réelle axée sur le sujet âgé, une analyse basée sur 7386 participants de l'étude de Rotterdam, qui ont été suivis pendant une médiane de 8,3 ans, un mauvais fonctionnement cognitif à l’inclusion, en particulier lorsqu’il est associé à un trouble moteur léger, est associé l'apparition secondaire d’une maladie de Parkinson.

    L'association reste forte au-delà des 8 premières années de suivi, ce qui permet d’éliminer un diagnostic manqué de maladie de Parkinson, mais s’estompe en l’absence de signe moteur. Ces résultats sont publiés dans le JAMA Neurology.

    Une large étude en vie réelle chez le sujet âgé

    L'étude de Rotterdam est une cohorte observationnelle déjà ancienne qui est axée sur le développement des maladies chez les personnes âgées. Les chercheurs de l'étude de Rotterdam ont inclus des personnes âgées de 45 ans ou plus, sans syndrome parkinsonien ou démence, et ils ont effectué des évaluations neuropsychologiques et motrices régulières. Dans la présente étude, les chercheurs ont étudié 3 7386 participants, inclus entre 2002 et 2008 et suivis sur une médiane de 8 ans.

    Sur l'ensemble de l’étude et du suivi, 1,1% (79 de 7386) des participants ont été diagnostiqués comme ayant une maladie de Parkinson, dont 72% (57 de 79) ont été considérés comme ayant une maladie de Parkinson probable.

    La plupart des patients (90%) ont été diagnostiqués lors d'évaluations face-face avec un gériatre, un neurologue ou un médecin expert. Parmi les patients atteints de maladie de Parkinson incidente, 24 (30,4%) ont également développé une démence (10 avant et 14 après l'apparition du syndrome parkinsonien).

    L'atteinte cognitive globale à l’inclusion a été évaluée sur une batterie de 4 tests (test de mots colorés de Stroop, substitution par lettres, maîtrise de la parole et apprentissage des mots), mais le score de connaissance global a été retiré de l'analyse.

    Certains troubles cognitifs et moteurs sont prodromiques

    L'atteinte cognitive globale à l’inclusion, évaluée sur une batterie de 4 tests, a été considérée comme un facteur de risque important pour le développement ultérieur du risque de maladie de Parkinson avérée ou probable (HR = 1,79 ; IC 95%, 1,37-2,33 et HR = 1,52 ; IC à 95%, 1,10-2,08, respectivement).

    L'association reste forte au-delà des 8 premières années de suivi, cependant, lorsque les participants ayant des signes moteurs légers à l’inclusion sont retirés de l'analyse, l'association n’est plus significative.

    Dans l'ensemble, l'altération cognitive seule représente un taux de vraisemblance de 1,76 (IC 95%, 1,23-2,51) pour le développement de maladie de Parkinson, tandis que l'atteinte cognitive avec des résultats moteurs légers est de 2,66 (IC 95%, 1,64-4,32).

    En pratique

    Un mauvais fonctionnement cognitif est une caractéristique commune chez tous les patients atteints de maladie de Parkinson. Cependant, il n’existe que peu de données sur l’analyse du fonctionnement cognitif avant le diagnostic de maladie de Parkinson, une étape au cours de laquelle les patients pourraient pourtant répondre à des interventions spécifiques qui viseraient à modifier le cours évolutif de la maladie. Trois études antérieures ont donné des résultats discordants, mais les critères d’inclusion, la méthodologie et les tests d’évaluations n’étaient pas les mêmes.
    Dans une étude cas-témoin antérieure à partir de la même population, les chercheurs avaient observé que des changements cognitifs légers (spécifiquement lors des fonctions exécutives), combinés à des résultats moteurs légers (définis comme l’existence d’un seul signe parkinsonien ou un ralentissement au test Purdue Pegboard), augmentaient le risque de maladie de Parkinson.

    Cette nouvelle analyse sur une population plus large de la Rotterdam study est très intéressante car elle est à la fois vaste et basée sur une étude de la population générale. Certes, les tests utilisés auraient pu être plus poussés selon les recommandations actuelles, et en particulier inclure une évaluation visio-spatiale (altérée dans la maladie de Parkinson) et des tests sur le langage (respecté dans la maladie de Parkinson). Ceci a pu aboutir à manquer certains diagnostics. A l’inverse, les auteurs ont également inclus les syndromes parkinsoniens ce qui altère l’homogénéité des patients étudiés.

    Indépendamment de ces quelques critiques, ces résultats ont de nombreuses implications. La première est que cette étude réaffirme la présence d'une déficience cognitive très tôt dans l’histoire naturelle de la maladie de Parkinson. Ceci souligne la nécessité d'essais thérapeutiques ciblant ce symptôme à un stade bien plus précoce. Deuxièmement, bien que seuls certains patients atteints de dysfonctionnement cognitif progressent vers la maladie de Parkinson, l'étude fournit également des pistes pour individualiser les personnes les plus à risque. La progression vers la maladie de Parkinson est plus probable en cas de diminution de plusieurs tests cognitifs individuels, mais seuls les changements dans la maîtrise sémantique prédisent une maladie de Parkinson probable. La maîtrise sémantique a été précédemment jugée spécifique de la progression de l'insuffisance cognitive dans la maladie de Parkinson, et cette étude confirme l'importance de ce test cognitif.
    Enfin, la présence d'un trouble cognitif si tôt au cours de la maladie pose la question de la pathogénie sous-jacente de la maladie de Parkinson et remet en cause le modèle actuel de propagation vagale.

    Au final, une hétérogénéité clinique significative existe chez les patients souffrant de maladie de Parkinson. Cette variabilité peut représenter différents modes de progression mais, comme dans d'autres maladies neuro-dégénératives, c’est cette période prodromique qu’il convient d’étudier pour espérer altérer le cours évolutif de la maladie.

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