Ethique
Suicide assisté : un rapport évalue le processus mis en place dans l’Oregon
Dans le cadre du suicide médicalement assisté, un rapport évalue le suivi sur 20 ans d’une des plus anciennes lois mises en place aux USA : l’Oregon’s Death with Dignity Act
- DepositNovic/epictura
L’Oregon’s Death with Dignity Act est la loi qui encadre le suicide assisté dans l’état de l'Oregon aux USA. Il s’agit du programme de suicide assisté par les médecins le plus ancien aux Etats-Unis et un rapport est publié dans le JAMA Oncology par le Dr Charles Blanke qui est président de SWOG, un réseau mondial de chercheurs basé à Portland qui conçoit et mène des essais sur le cancer, évalue l'utilisation et l'efficacité de la loi de l’Orégon, loi qui est entrée en vigueur en 1997.
Le suicide médicalement assisté ne représente qu'une petite fraction des décès des résidents dans cet état, soit 38,6 décès pour 10000 décès, mais il semble offrir des avantages aux patients proches de leur fin de vie.
Une analyse des données de cohérence à la loi
Le rapport a utilisé des données publiques recueillies grâce à la loi mise en place en 1997 afin d’autoriser le suicide assisté et vérifier la conformité légale du processus. Il s’agit d’un suicide qui est prescrit par le médecin après validation par au moins 2 médecins d’une espérance de vie de moins de 6 mois et qui est réalisé par le malade, éventuellement à la maison. Des possibilités de soins palliatifs doivent leur être proposées et ils ont un délai obligatoire de réflexion de 15 jours au cours duquel plusieurs intervenants leurs proposent d’annuler la procédure.
Ces données permettent d’évaluer le nombre de décès dus à des médicaments létaux auto-administrés par rapport au nombre de prescriptions écrites. Les auteurs ont examiné les rapports de l'Oregon Health Authority de 1998 à 2015, rapports qui recueillent essentiellement des informations sur la conformité et la prescription.
Un suicide dans 2/3 des cas où il est prescrit
Dans cette analyse des données accessibles au public, environ les deux tiers des patients se sont vu prescrire des médicaments létaux en vertu de la Loi sur la mort et la dignité de l'Oregon : un total de 1 545 ordonnances ont été rédigées et 991 patients (64%) âgés de 71 ans en moyenne sont décédés en utilisant un médicament létal légalement prescrit.
La plupart des patients (953 soit 96,6%) étaient blancs et 92,2% étaient en soins palliatifs. Certaines personnes (118) avaient une assurance. La plupart (94%) sont décédés à la maison.
Augmentation régulière des suicides assistés
Le nombre de prescriptions rédigées augmente chaque année de 24 en 1998 à 218 en 2015. La plupart des 991 patients qui ont utilisé des médicaments létaux avaient un cancer (77 pour cent), les autres avaient une sclérose latérale amyotrophique (8%), une insuffisance respiratoire (4,5%) ou une affection cardiaque (2,6%).
Les raisons les plus courantes pour le choix du suicide assisté sont que les activités de la vie quotidienne ne sont plus agréables (89,7%), ainsi que des pertes d'autonomie (91,6%) et de dignité (78,7%). Un contrôle inadéquat de la douleur n’a été retrouvé que dans 25,2% des cas.
En pratique
Le suicide assisté est un domaine de recherche prospective « presque comme les autres » d’après les auteurs, en tout cas il est certainement nécessaire que ce type de procédure soit soigneusement contrôlée et évaluée. Le recueil de plus d'informations sur les malades qui l’envisagent est cependant indispensable (combien ont eu un diagnostic de dépression sous-jacente, pourcentage de tumeurs primaires ou récidivante et le temps écoulé depuis le diagnostic…) pour guider la recherche sur la prise en charge du cancer. En effet, sur les 991 personnes qui ont réellement fait un suicide assisté, seules 52 (5,3%) avaient été envoyées en psychiatrie au préalable. Le principal message est que cette procédure ne concerne qu’une infime fraction des décès et de malades qui semblent réellement en fin de vie. Cependant, le nombre augmente régulièrement et certaines données manquent pour avérer réellement que tut a été fait pour éviter d’en arriver au suicide.
Un des principaux biais de cette étude, et une différence majeure avec la France, est que la prise en charge des soins est limitée ou absente pour certaines personnes (seules 118 avaient une assurance), ce qui encourage les cancéreux qui ont des cancers avancés à ne pas ruiner leur conjoint et leur famille (certains sont obligés de vendre leur maison pour se traiter) pour des traitements coûteux qui ne les guériront pas forcément et ne leur assureront qu’un nombre relatif de mois mois de survie en plus.
Un élément réconfortant est que la très grande majorité des suicides assisté a pu se dérouler au domicile des malades (après retour du centre de soin palliatif). C’est un élément de réflexion.








