Pneumologie

Aspergillus fait son lit dans le mucus inflammatoire.

Aspergillus fumigatus est un agent fongique, pathogène opportuniste, important des voies respiratoires dans les maladies pulmonaires chroniques. La composition du mucus et la cohabitation avec différents microorganismes, notamment Pseudomonas aeruginosa a un impact sur le développement des aspergilloses. D’après un entretien avec Laurence DELHAES.

  • 11 Décembre 2025
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    Une étude, dont les résultats sont parus en septembre 2025 dans l’ERJ Open Research, et son éditorial, a cherché à montrer comment la composition du mucus et la compétition avec Pseudomonas aeruginosa modulent la croissance d’Aspergillus Fumigatus en cas de co-infection. Pour cela, les auteurs de ce travail ont prélevé du mucus à partir de cellules épithéliales bronchiques humaines primaires provenant de patients porteurs ou non de la mucoviscidose, les ont stimulées avec des interleukines ou co-infectées par le Pseudomonas Aeruginosa. De plus, ils ont également regardé l’évolution d’Aspergillus fumigatus en présence de cellules épithéliales bronchiques provenant de personnes atteintes de mucoviscidose avant et après le traitement par elexacaftor/tezacaftor/ivacaftor (dernière génération de modulateurs CFTR). L'infection par Aspergillus Fumigatus a ensuite été analysée en fonction de chaque type d’échantillon de cellules épithéliales bronchiques et de mucus.

     

    Une approche plus holistique des maladies respiratoires

    Le professeur Laurence DELHAES, chef du service de parasitologie et mycologie du Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux et responsable du CNR des aspergilloses chroniques, souligne la qualité et l’intérêt de ce travail, qui vient confirmer d’autres données publiées sur l’effet direct des modulateurs CFTR sur la viabilité et la croissance des spores d’Aspergillus Fumigatus. La modulation de la croissance d’Aspergillus Fumigatus par Pseudomonas Aeruginosa est également connue mais ce travail vient compléter les données existantes et confirme l’intérêt d’une approche plus holistique (globale) des malades respiratoires. Elle rappelle que, lors de la respiration, des microorganismes sont inhalés et évoluent dans le milieu bronchique. Lorsque le tapis muco-ciliaire fonctionne normalement, cela n’a aucune conséquence, mais en cas de maladie respiratoire chronique comme, comme par exemple : la mucoviscidose ou la BPCO, le mucus plus épais et plus inflammatoire va favoriser le développement d’infections souvent polymicrobiennes, notamment dans la mucoviscidose. Laurence DELHAES explique que les micro-organismes peuvent agir comme une « association de malfaiteurs », générant des signaux permettant aux micro-organismes de communiquer entre eux, voire de se mettre en compétition. Elle rappelle les travaux effectués à San Diego sur le microbiote respiratoire qui ont mis en évidence des réseaux de micro-organismes soit cohabitant car ayant un/des intérêts à s’associer entre eux soit s’excluant les uns des autres car étant en compétition. Le Pseudomonas Aeruginosa tient un rôle clé dans ce type de phénomène ; il est capable de limiter la croissance d’Aspergillus fumigatus pour que lui puisse se développer.

     

    Ne pas se contenter de la partie visible de l’iceberg

    Laurence DELHAES explique que le fait de traiter la partie visible de l’iceberg, c’est-à-dire ce que l’on observe en cultures et qu’on identifie peut avoir des limites. En effet, il y a certains patients qui ne répondent pas ou peu au traitement antimicrobien mis en place en fonction de microbes isolés en culture, probablement en lien avec le fait les microbes que l’on ne voit pas ne sont pas pris en compte dans le choix thérapeutique et donc pas/peu traités. Sur le long terme, l’intérêt porté à l’étude du microbiote respiratoire est que l’interprétation des résultats sera réalisée avec plus de finesse et il en ira de même pour la prise en charge. Elle précise que cette réflexion est surtout en cours pour la mucoviscidose, en lien avec les modulateurs du CFTR qui modifient la flore. Toutefois, des essais sont en cours pour la BPCO et l’asthme. Laurence DELHAES précise que l’on sait qu’il existe un compartiment pulmonaire polymicrobien et inflammatoire, comportant des interactions entre micro-organismes (comme par exemple les coinfections Aspergillus/Pseudomonas aeruginosa) et qu’il est nécessaire de regarder l’ensemble de ce compartiment. Elle ajoute que dans ce contexte, Santé Publique France a développé un vaste réseau de CNR (centres nationaux de référence) et vient d’inclure depuis 2023 un CNR sur les aspergilloses chroniques, ce qui est précieux pour les recherches en ce sens.

     

    En conclusion, en cas de maladie respiratoire chronique, il faut savoir penser co-infection, pour ne pas traiter qu’une bactérie isolée mais prendre en compte l’ensemble des micro-organismes, leurs interactions, et y associer la réponse inflammatoire.

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