Rhumatologie
Maladie de Rendu-Osler : un inhibiteur d’AKT comme 1er traitement ciblé
Dans la maladie de Rendu-Osler, ou télangiectasie hémorragique héréditaire (HHT), un essai de phase 1b montre qu’un inhibiteur oral sélectif d’AKT, l’engasertib, réduit la fréquence et la durée des épistaxis avec un profil de tolérance proche du placebo.
- Evgeniya Sheydt/istock
La maladie de Rendu-Osler, ou télangiectasie hémorragique héréditaire (HHT), est une vasculopathie autosomique dominante liée à des anomalies de la voie ALK1. Cette anomalie est responsable de télangiectasies et de malformations artérioveineuses viscérales, avec épistaxis répétées au premier plan et anémie ferriprive fréquente. Les traitements actuels (acide tranexamique, gestes locaux, bevacizumab, thalidomide ou pomalidomide) restent tous hors AMM, d’efficacité variable et sont grevés d’effets indésirables importants.
Sur le plan mécanistique, les variants pathogènes d’ALK1 entraînent une suractivation de la voie PI3K–AKT, qui favorise la formation de télangiectasies et de malformations artérioveineuses. Sur ce rationnel thérapeutique solide, l’engasertib (VAD044), un inhibiteur allostérique sélectif d’AKT1/2, a été développé spécifiquement pour normaliser cette hyperactivation sans la bloquer complètement. Dans cet essai de phase 1b, multicentrique, 75 adultes avec HHT ont été randomisés 1:1:1 pour recevoir engasertib 30 mg, engasertib 40 mg ou placebo, en une prise orale quotidienne pendant 12 semaines.
Selon les résultats publiés dans le New England Journal of Medicine, le signal d’efficacité est encourageant : la fréquence des épistaxis diminue en moyenne de 26,5 % sous 30 mg et 27,8 % sous 40 mg, contre 18,0 % sous placebo ; la durée des épisodes baisse de 29,9 % et 41,4 %, contre 23,8 % sous placebo, suggérant un effet spécifique, plus marqué à 40 mg.
Amélioration globale des saignements et tolérance en ligne avec le mécanisme d’action
Au-delà de la fréquence et de la durée des épistaxis, les investigateurs rapportent une amélioration dose-dépendante de plusieurs paramètres cliniques : diminution de l’intensité du flux, augmentation du nombre de jours sans saignement et meilleure évaluation globale par les patients du changement (PGI-C). Ces améliorations se maintiennent et s’accentuent dans l’extension ouverte sur 12 mois, ce qui suggère une persistance de l’effet tant que le traitement est poursuivi.
Sur le plan de la tolérance, le profil de l’engasertib est globalement proche de celui du placebo, à l’exception d’effets « on-target » attendus d’une inhibition d’AKT : rash cutané léger à modéré (21 % avec 30 mg, 42 % avec 40 mg, 8 % sous placebo), hyperglycémie modérée chez 12 % des patients à 40 mg, quelques diarrhées le plus souvent mineures. Ces effets sont réversibles et, dans la majorité des cas, compatibles avec la poursuite du traitement.
Le taux d’événements indésirables graves est similaire dans les trois groupes, sans signal de toxicité sévère cardiovasculaire, thromboembolique, hépatique ou hématologique, ce qui contraste avec le profil de bevacizumab (hypertension, protéinurie) ou des immunomodulateurs comme le pomalidomide (rash, troubles digestifs, neutropénie et risque thrombotique).
Un essai de proof-of-concept et un changement de paradigme en vue
Les données proviennent d’un essai de phase 1b, multicentrique, randomisé, en double aveugle, conçu avant tout pour documenter la sécurité de l’engasertib. Les patients, tous porteurs de la maladie de Rendu-Osler avec épistaxis cliniquement significatives, ont été suivis 12 semaines en double aveugle, puis certains ont poursuivi le traitement dans une extension ouverte de 12 mois. Les épistaxis étaient recueillies de façon prospective via une application eDiary dédiée à la maladie de Rendu-Osler, permettant de quantifier fréquence, durée et intensité. L’essai n’était pas dimensionné pour tester formellement une hypothèse d’efficacité, et aucune analyse statistique comparative n’a été planifiée comme critère principal. De plus, l’extension ouverte est limitée à deux pays et les patients noirs restent sous-représentés, ce qui restreint la généralisabilité aux populations plus diverses.
Selon les auteurs, l’engasertib ne doit donc pas encore être utilisé en dehors d’essais cliniques, mais ce travail change déjà le paradigme : il s’agit du premier développement ciblé avec un médicament spécifique de la maladie de Rendu-Osler, avec un mécanisme en prise directe sur la physiopathologie et un profil de tolérance a priori plus favorable que les antiangiogéniques oncologiques réutilisés. Si les futurs essais de phase 2–3, plus puissants et plus longs, confirment une réduction significative des saignements (incluant besoin de fer intraveineux, transfusions et hospitalisations) et une amélioration de la qualité de vie, l’engasertib pourrait devenir une option orale de première ligne pour les formes modérées à sévères.








