Gériatrie

Covid-19 : deux antiviraux spécifiques pour les personnes à risque

Deux inhibiteurs de la protéase 3C-like, l’ensitrelvir et le nirmatrelvir-ritonavir, accélèrent nettement la clairance oropharyngée du SARS-CoV-2 lors de la Covid-19 précoce. L’ensitrelvir, pris en une prise quotidienne et sans ritonavir, apparaît comme une alternative globalement bien tolérée.

  • Inside Creative House/istock
  • 12 Octobre 2025
  • A A

    Le rationnel de l’étude publiée dans The Lancet Infectious Diseases est double : la prévention des formes graves reste prioritaire chez les sujets vulnérables, tandis que la baisse de sévérité rend les critères « durs » rares et peu informatifs. Dans une plateforme randomisée ouverte menée en Thaïlande et au Laos chez des adultes à faible risque, symptomatiques depuis moins de 4 jours, l’ensitrelvir et le nirmatrelvir-ritonavir pendant 5 jours ont été comparés à l’absence de traitement.

    Entre mars 2023 et avril 2024, 604 patients ont été randomisés de façon concomitante (ensitrelvir n=202, nirmatrelvir-ritonavir n=207, contrôle n=195). Le critère principal, la vitesse de clairance virale oropharyngée modélisée (J0–J5), montre une demi-vie médiane de 5,9 h [IQR 4,0–8,6] sous ensitrelvir, 5,2 h [3,8–6,6] sous nirmatrelvir/ritonavir, contre 11,6 h [8,1–14,5] sans traitement.

    L’ensitrelvir accélère la clairance de 82% (ICr 61–104) vs l’absence de traitement et est 16 % plus lent (5–25) que le nirmatrelvir-ritonavir. En méta-analyse individuelle des bras « petites molécules » de la plateforme (n=1157), ces deux antiviraux fournissent les effets antiviraux in vivo les plus marqués.

    Accélérer la clairance virale oro-pharyngée

    Aucun écart clinique majeur n’est observé sur l’évolution des symptômes, attendus peu fréquents dans cette population à faible risque. Les rebonds virologiques restent rares et comparables : 7 % (15/207) sous nirmatrelvir-ritonavir versus 5 % (10/202) sous ensitrelvir (p=0,45). La tolérance distingue les 2 options : plus d’un quart des patients sous nirmatrelvir-ritonavir rapportent une dysgueusie gênante ; cet effet n’est pas retrouvé avec l’ensitrelvir.

    Sur le plan pratique, l’ensitrelvir offre une prise quotidienne et l’absence de nécessité de « boosting » par le ritonavir, avec une inhibition de la CYP3A4, moindre que le ritonavir mais exposant à des contre-indications communes chez les sujets polymédicamentés. La question de la disponibilité et du coût, déterminante pour l’accès en ambulatoire, demeure centrale pour les deux molécules, avec aujourd’hui un enregistrement de l’ensitrelvir limité à quelques pays.

    Mesurer ce qui compte aujourd’hui

    L’essai, ouvert, de phase 2, adaptatif, randomisé en blocs, a inclus des adultes de 18–60 ans, peu à risque, avec prélèvements oropharyngés répétés (4 le J0, puis 2/j de J1 à J7, puis J10 et J14) et modélisation bayésienne hiérarchique des densités virales log10 pour estimer un taux individuel de clairance. Cette stratégie privilégie un biomarqueur de réponse antivirale validé en début de pandémie, transposant l’évaluation d’efficacité à des effectifs réalistes alors que les hospitalisations et décès sont devenus rares. Les limites sont explicites : absence d’évaluation directe de la prévention des formes graves, population restreinte géographiquement et en âge/risque, faible puissance pour les rebonds et les événements cliniques, impossibilité d’inférer le bénéfice chez les très âgés ou immunodéprimés. Néanmoins, la cohérence de la méta-analyse interne renforce l’estimation comparative des effets antiviraux.

    Selon les auteurs, les données supportent l’utilisation de l’ensitrelvir comme alternative lorsque le nirmatrelvir/ritonavir est contre-indiqué (interactions, tolérance) ou difficile d’accès, notamment grâce à un schéma en une prise par jour. Chez les patients fragiles, la transposition clinique devra être confirmée par des études ciblées sur les critères sévères, l’optimisation des fenêtres de traitement, et l’exploration de combinaisons/stratégies séquentielles, y compris face à de nouveaux variants et aux autres virus respiratoires. À court terme, intégrer une évaluation systématique des interactions (CYP3A4) et des parcours d’accès en ville conditionne l’impact réel de ces antiviraux. Dans un contexte de maladie devenue plus bénigne en population générale mais encore à risque chez les fragiles, une approche pharmacométrique centrée sur la cinétique virale permet de comparer des antiviraux sans recourir à des effectifs démesurés.

     

     

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.