Pneumologie

Définir une BPCO sans spirométrie, est-ce bien raisonnable ?

Une nouvelle dé finition de la BPCO incluant les symptômes et l’imagerie par tomodensitométrie pourrait remettre en question certains diagnostics et identifier précocement certains patients. Mais l’intérêt de traiter plus tôt n’est pas démontré. D’après un entretien avec Oliver LE ROUZIC.

  • 04 Septembre 2025
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    Une étude, dont les résultats sont parus en juin 2025 dans le JAMA, a cherché à évaluer si un schéma diagnostique multidimensionnel de la BPCO, intégrant les symptômes respiratoires et les anomalies observées à l’imagerie tomodensitométrique, permettrait d’identifier d’autres patients atteints de BPCO. Pour cela, les auteurs ont inclus des sujets issus de la cohorte COPDGene, fumeurs et anciens fumeurs, suivis pendant 10 ans, et des sujets issus d’une cohorte canadienne, incluant également des patients non-fumeurs. Au total, 9416 patients ont été inclus. Le diagnostic de BPCO a été défini par la présence du critère majeur, à savoir une obstruction des voies respiratoires objectivée par un rapport VEMS/CV  post-bronchodilatateur < 0,70, ainsi qu'au moins un des cinq critères mineurs suivants : emphysème ou épaississement de la paroi bronchique au scanner, dyspnée, altération de la qualité de vie ou bronchite chronique. Une catégorie diagnostique mineure a été définie en l’absence du critère majeur mais avec au moins trois des cinq critères mineurs, dont obligatoirement l’emphysème et l’épaississement de la paroi bronchique, notamment chez les patients présentant des symptômes respiratoires pouvant être attribués à d’autres causes .Les critères d’évaluation principaux étaient la mortalité toutes causes confondues, la mortalité respiratoire spécifique, la fréquence des exacerbations et la variation annuelle du VEMS.

     

    Des patients reclassifiés par une nouvelle définition

    Le professeur Olivier LE ROUZIC, pneumologue au Centre Hospitalier Universitaire de Lille, explique que cette étude soulève une large question sur une maladie que l’on sait très hétérogène et progressive. Il rappelle qu’avant d’avoir un trouble ventilatoire obstructif, identifié par la spirométrie, les patients porteurs de BCPO ont une atteinte des petites voies aériennes. La question est donc de savoir si une identification plus précoce de la maladie pourrait permettre de prendre les patients  en charge plus tôt pour éviter les formes sévères. De nombreux travaux sur la « pré-BPCO » ont déjà été réalisés mais dans ce travail, les auteurs vont plus loin pusiqu’il s’agit de modifier la définition de la BPCO, afin d’identifier les patients qui n’ont pas encore de trouble ventilatoire obstructif. Avec cette nouvelle classification, 15% des patients issu de la COPD Gene ont été reclassifiés comme BPCO. Ces patients sont plus jeunes, majoritairement des femmes, souvent obèses et présentant une mortalité élevée toutes causes confondues et également pour raisons respiratoires. Le taux d’exacerbation est doublé et le déclin du VMES est plus important. Dans la cohorte canadienne, 7% des patients ont été reclassifiés (patients non-fumeurs) et présentaient seulement un nombre plus élevé d’exacerbations. Quelques patients ont été reclassifiés comme non BPCO (7%). Ils présentaient un trouble ventilatoire obstructif sans symptôme. Olivier LE ROUZIC précise donc que cet algorithme a permis d’identifier des patients BPCO qui ne rentraient pas dans la définition actuelle.

     

    Une reclassification mais pas forcément de traitement

    Olivier LE ROUZIC précise que ce travail présente quelques limites. Il permet de repérer précocement des patients mais quelques questions se posent. Dans un premier temps, il souligne que les patients asthmatiques n’étaient pas inclus. De plus, un taux de mortalité plus élevé toutes causes confondues, ne signifie pas forcément que les patients avaient une BPCO. Pour Oliver LE ROUZIC, cette conclusion est trop raccourcie. Le risque en classant des patients BPCO est de les surtraiter. Il n’est pas démontré que les patients qui n’ont pas de trouble ventilatoire obstructif aient un bénéfice  à prendre des traitements inhalés. Avec cette tendance à classifier des patients en pré-BPCO, il faut distinguer les actions de prévention qui sont utiles comme le sevrage tabagique, l’activité physique et une nutrition équilibrée des traitements médicamenteux qui ne le sont pas forcément. Olivier LE ROUZIC trouve également discutable que des patients aient été reclassifiés non BPCO mais atteints d’un trouble ventilatoire obstructif sans symptôme. En effet, ces patients n’auraient jamais dû être diagnostiqués BPCO puisque la définition du GOLD précise que la BPCO est une maladie hétérogène qui provoque des symptômes respiratoires chroniques associés à une obstruction bronchique.

     

    En conclusion, ce travail risque d’ajouter de la confusion, d’autant qu’il n y a aucune démonstration que les traitement actuels vont apporter un bénéfice aux patients précocement dépistés. Toutefois, les marqueurs visibles au scanner, associés à des symptômes respiratoires doivent être suivis pour en comprendre leur cause (BPCO, asthme, origine cardiaque…)

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