Pneumologie
Bronchectasies associées aux maladies inflammatoires chroniques des intestins, pas si rares mais sous-diagnostiquées !
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) peuvent être associées à des atteintes respiratoires mais celles-ci ne sont pas toujours recherchées ni diagnostiquées. L’intérêt d’un interrogatoire précis des patients sur leurs éventuels symptômes respiratoires et leurs facteurs de risque prend une grande place.

Une étude, dont les résultats sont parus en avril 2025 dans CHEST, a cherché à évaluer la prévalence, les facteurs de risque et les caractéristiques cliniques des atteintes respiratoires associées aux MICI. Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique ayant inclus 1637 patients, issus d’un centre tertiaire, entre 2022 et 2023. Les données des scanners thoraciques (n=254) ont été observées, ainsi que celles des scanners abdominaux pour observer les bases pulmonaires, afin d’évaluer la présence ou non de dilatation des bronches.
Le Docteur Victor VALENTIN , pneumologue au centre de référence des maladies pulmonaires rares, à Lille, a répondu à nos questions.
Etes-vous d'accord avec l'idée que les bronchectasies associées aux MICI sont plus fréquentes qu'il n'y parait?
L’atteinte respiratoire des MICI est essentiellement connue par des séries rétrospectives et des cas cliniques. Ces atteintes respiratoires peuvent être multiples et toucher les voies aériennes proximales ou distales, se présenter sous forme de PID, des nodules pulmonaires parfois excavés… Ces atteintes peuvent parfois mettre en jeu le pronostic vital ou être responsables d’une altération de la qualité de vie. Cette étude s’intéresse spécifiquement aux DDB qui sont une des manifestations respiratoires des MICI. L’objectif est de décrire la prévalence, les facteurs de risques et les caractéristiques cliniques des DDB associées aux MICI.
Il faut définir ce que l’on entend par « ce qu’il n’y parait ». Si l’on entend par là que certains patients avec DDB sont asymptomatiques, oui, c’est une possibilité. Si l’on entend par là que certains patients symptomatiques sont sous-diagnostiqués car sous-explorés, c’est aussi possible. Une question pertinente serait aussi de connaitre l’histoire naturelle de ces DDB associées aux MICI, notamment chez les patients asymptomatiques.
La méthodologie de l’étude vous paraît-elle solide ?
L’idéal pour répondre à la question de la prévalence des DDB dans les MICI serait d’avoir une étude prospective avec un scanner thoracique, un examen clinique pneumologique détaillé, des EFR et un bilan étiologique des dilatations de bronches précis dans cette population d’intérêt.
Ici, il s’agit d’une étude rétrospective avec des limites importantes que les auteurs reconnaissent. La première limite est la disponibilité du scanner thoracique pour uniquement 254/1637 patients, ce qui fait 16% du total des patients. Le diagnostic de DDB étant surtout un diagnostic scanographique, il existe donc un risque important de biais de classement. Les auteurs cherchent à remédier à ce biais en analysant les coupes thoraciques basses des scanners abdominaux disponibles pour 1048 patients et identifient 19 cas supplémentaires de dilatations des bronches associées aux MICI. Ces coupes thoraciques basses qui identifient uniquement les DDB dans les bases pulmonaires ne permettent cependant pas d’affirmer ou d’éliminer formellement la présence de bronchectasies. Les auteurs utilisent donc des analyses d’imputation multiples pour faire face aux valeurs manquantes.
Les résultats ont-ils un intérêt pratique, notamment en terme de dépistage systématique?
Oui, l’intérêt est de souligner la présence d’atteintes extra-respiratoires dans les MICI dont les atteintes pulmonaires pouvant se présenter sous la forme de DDB et donc la nécessité d’interroger les patients sur la présence de symptômes respiratoires. Les auteurs citent le consensus de l’ECCO, l’organisation européenne sur la maladie de Crohn et les colites qui rapporte l’absence de preuves suffisantes pour réaliser un dépistage systématique des atteintes pulmonaires des MICI. Ces maladies digestives ne sont pas si rares et le nombre de scanner thoracique à réaliser serait important. Les critères exigés par l’HAS pour la mise en place d’un dépistage ne sont ici pas remplis notamment la preuve que le dépistage diminue la mortalité. Néanmoins, l’intérêt pratique devant un diagnostic de dilatations de bronches est important avec des mesures à proposer : vaccinations, la kinésithérapie respiratoire de drainage bronchique… Les facteurs de risque de DDB sont à retenir. On retrouve l’association décrite entre les antécédents de chirurgie et la présence de DDB-MICI, comme si l’inflammation changeait de site (de l’intestin réséqué au poumon). Ensuite, le fait d’avoir une RCH expose plus au risque d’atteinte trachéo-bronchique que la MC. Enfin, la présence d’autres atteintes extra-intestinales est plus fréquente en cas de DDB-MICI.
Voyez-vous des limites à ce travail ?
Ma principale critique négative a été exprimée ci-dessus. On pourrait aussi regretter l’absence de descriptions d’autres atteintes respiratoires (bronchiolite ? atteinte trachéale ? signes de bronchopathie sans DDB ?...). Il faut néanmoins souligner qu’il s’agit d’un travail important d’un centre tertiaire prenant en charge des MICI, comportant un grand nombre de patients.
En conclusion, les atteintes respiratoires au cours des MICI ont été peu étudiées et sont pourtant multiples. Des études prospectives permettraient d’approfondir les connaissances sur le sujet et de préciser les critères imposant la réalisation d’un scanner thoracique…