Pneumologie

Respiration sifflante des enfants en âge préscolaire : état des lieux et orientations futures

Une étude sur la corticothérapie orale, efficace pour les dyspnées aiguës sifflantes de l'enfant d'âge préscolaire aide à trouver le bon équilibre bénéfice /risque.  Une task force de l’ERS permet d’actualiser les définitions, les stratégies de prise en charge et d’identifier les zones d’ombre sur la respiration sifflante des enfants en âge préscolaire. D’après un entretien avec Rola ABOU TAAM.

  • 22 Aoû 2024
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    Une étude, dont les résultats sont parus en juin 2024 dans le Lancet Respiratory Medicine a fait le point sur la corticothérapie orale chez les enfants présentant une dyspnée sifflante. Il s’agit d’une revue systématique avec méta-analyse pour laquelle les auteurs ont recherché les essais cliniques randomisés dans plusieurs bases de données, entre 1994 et 2020, au cours desquels les corticoïdes oraux ont été comparés à un placebo chez des enfants âgés de 12 à 70 mois, présentant une respiration sifflante. Un second travail, paru en juin 2024 dans l’European Respiratory Journal, représenté par une Task Force de l’ERS a fait le point sur les troubles de la respiration sifflante de l’enfant en âge préscolaire avec une actualisation des définitions, les orientations thérapeutiques à mettre en place, l’état des connaissances et les travaux de recherche fondamentale et clinique à proposer.

     

    Point sur la corticothérapie chez l’enfant avec une dyspnée sifflante

    Le docteur Rola ABOU TAAM, pneumo-pédiatre à l’hôpital Necker-Enfants Malades, à Paris, a apprécié ce volumineux travail de méta-analyse qui remet en lumière toutes les références importantes sur ce sujet. Elle félicité la pratique française, qui correspond déjà aux conclusions de ce travail. Elle rappelle que l’on ne propose pas de corticothérapie orale au premier épisode de sifflement, surtout lorsque les symptômes ne sont pas majeurs, la première hypothèse restant alors la bronchiolite virale. Rola ABOU TAAM souligne que les auteurs de cette méta-analyse diagnostiquent un enfant comme asthmatique lorsqu’il a eu plusieurs épisodes de sifflements. Elle précise également que les effets indésirables de la corticothérapie orale sont plus fréquents chez l’enfant plus jeune et qu’il faut limiter la corticothérapie orale aux cas les plus sévères ou ayant des antécédents familiaux d’asthme sévère. En effet, les effets indésirables comme les troubles de la croissance, l’insuffisance surrénalienne, la fragilité osseuse, les atteintes ophtalmologiques ou vasculaires doivent pousser à trouver le bon équilibre bénéfice/risque. Rola ABOUTAAM rappelle qu’aux USA, les recommandations incitent à prescrire une corticothérapie orale à tous les enfants hospitalisés pour une  dyspnée sifflante alors que les recommandation du GINA incitent à la prescrire chez tous les enfants qui sifflent, même lorsque les symptômes sont légers, ce qui selon elle, ne doit pas être fait avant de s’être posé la question du bon diagnostic, de la fréquence de répétition des crises et de la nécessité d’adresser l’enfant à un spécialiste.

     

    Task Force de l’ERS

    Rola ABOU TAAM souligne l’intérêt de la Task Force de l’ERS qui réalise une synthèse de la littérature scientifique sur la dyspnée sifflante de l’enfant en âge préscolaire. Elle insiste sur la définition de la dyspnée sifflante et sur le fait qu’elle doit quelle doit idéalement être objectivée en consultation ou par vidéo, pour éviter les surdiagnostics. Concernant la fréquence et la sévérité des crises, c’est la fréquence qui fait la sévérité et il est nécessaire de toujours garder à l’esprit les facteurs déclenchants et les facteurs de risque, notamment environnementaux, comme le tabagisme passif.  Rola ABOU TAAM est d’accord avec les auteurs pour dire que la manière la plus pragmatique de définir les phénotypes est de définir les traits traitables, qui reflètent la physiopathologie sous-jacente. Un accent est mis sur les biomarqueurs, dont certains comme la fraction inhalée de NO  sont plus utilisables en recherche qu’en pratique clinique, d’autant qu’il est difficile de la mesurer avant l’âge de 4 ans. La réalisation de la NFS est importante afin d’évaluer l’éosinophilie ainsi que la pratique d’EFR, dès que possible (vers l’âge de 3-4 ans en centre spécialisé). Rola ABOU TAAM relève également qu’un point a été fait sur la physiopathologie en termes d’inflammation, de marqueurs de remodelage, de rôle des infections virales et bactériennes… Enfin, une revue de la prise en charge thérapeutique montre que pour le traitement de fond les anti-leucotriènes sont moins efficaces que les corticoïdes inhalés, ceux-ci restent donc le traitement de fond de première ligne. Le rôle des macrolides est à la marge et à réserver aux spécialistes. Les lysats bactériens par voie orale, encore à l’étude,   permettraient d’orienter favorablement la réponse inflammatoire des nourrissons qui seraient traités si les études en cours permettent d’aboutir à une autorisation de mise sur le marché.  La place importante de l’éducation thérapeutique a également été abordée, mettant en lumière les études montrant que les parents se déclarent  souvent insuffisamment informés concernant la prise en charge au long cours, la prise en charges des épisodes aigus. Cette éducation thérapeutique permet d’améliorer la qualité de vie des parents et leur niveau de connaissance, l’observance des traitements. Les auteurs concluent aussi que l’impact de ces interventions sur le contrôle des symptômes et le devenir des nourrissons siffleurs mérite d’être plus étudié.

     

    En conclusion, ces deux articles fournissent des références bibliographiques intéressantes et ont permis d’identifier des zones d’ombres physiopathologiques de la dyspnée sifflante du jeune enfant, ce qui ouvre des pistes d’orientations pour la recherche fondamentale et clinique, tant en termes de compréhension de la physiopathologie que de prise en charge thérapeutique des nourrissons et jeunes enfants siffleurs.

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