Pneumologie

Le tabac chauffé : il n’est pas moins toxique !

Le tabac chauffé, vendu comme moins toxique que la cigarette, serait en réalité une consommation associée à la présence d'un trouble ventilatoire obstructif. Il ferait même perdre le bénéfice du sevrage tabagique.  Une consommation heureusement marginale en France. D’après un entretien  avec Yiannis PSONKA.

  • 04 Avr 2024
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    Une étude japonaise, dont les résultats sont parus en février 2024, dans le BMJ Open Respiratory Research, a cherché à évaluer la toxicité du tabac chauffé, et notamment son rôle sur l’obstruction des voies aériennes. L’utilisation du tabac chauffé est très développée au Japon avec une consommation régulière chez 11,8% de la population. Il avait déjà été démontré que ces produits étaient moins nocifs, par plusieurs études, mais dont le bais principal était quelles étaient financées par les cigarettiers. Les auteurs de cette étude ont donc souhaité démontré l’impact du tabac chauffé sur l’obstruction bronchique, qui est le marqueur de toxicité le plus important. Ils ont donc étudié une population de patients atteints d’un cancer bronchique et devant bénéficier d’une chirurgie pulmonaire et ont réalisé des EFR en préopératoire, ainsi que notifié la consommation de tabac et son type. Ils ont ensuite utilisé différentes valeurs statistiques pour définir l’obstruction bronchique qui était définie comme étant à la limite inférieure de la normale avec un Tiffeneau inférieur à 70%. Ils ont également examiné les autres variables que sont l’âge et le sexe.

     

     

    Quid du tabac chauffé

     

    Le docteur Yiannis PSONKA, pneumologue et tabacologue à l’Institut Cœur Poumons, du Centre Hospitalier Universitaire de Lille, explique que cette étude fait le point sur la problématique du tabac chauffé, qui est un mode de consommation du tabac, très développé par les industries du tabac dans les années 2010, en vue de compenser la baisse de la consommation de tabac et l’utilisation accrue de la e-cigarette. Il rappelle que le tabac chauffé avait déjà été mis sur le marché dans les années 80, mais sans franc succès. Les industriels ont axé leur argumentaire sur la réduction du risque par rapport au tabagisme classique, tout en retrouvant les sensations. Pour mémoire, les cartouches de tabac sont chauffées à 250 ou 300 degrés, alors que les cigarettes classiques entrainent la combustion du tabac à 800 degrés. L’absence de combustion provoque moins de composés toxiques mais elle n’est paradoxalement pas associée à moins de toxicité. Les développeurs marketing l’ont vendu comme moins dangereux et se sont adressés à une catégorie socio-professionnelle plutôt aisée. Yiannis PSONKA précise, qu’en Franc la fréquence d’utilisation du tabac chauffé reste très basse, voire marginale, puisqu’elle est de 2,6% en expérimentation et 0,1% en utilisation régulière.

     

     

    Le tabac chauffé fait perdre le bénéfice du sevrage tabagique

     

    Yiannis PSONKA précise que ls résultats de cette étude ont retrouvé l’utilisation régulière du tabac chauffé chez 4,6% de la population étudiée ce qui reste fréquent, et cette consommation est plus importante chez les femmes japonaises, comme pour le tabac classique. L’obstruction bronchique a été observée de manière très fréquente chez les fumeurs de tabac chauffé et surtout chez ceux qui avaient arrêté le tabac classique puis consommé du tabac chauffé. Ces résultats suggèrent donc que le tabac chauffé fait perdre le bénéfice du sevrage tabagique. Yiannis PSONKA souligne que les auteurs de ce travail ont pris en compte les facteurs de confusion représentés par le caractère ponctuel de la mesure et la transversalité de l’étude, sur une population particulière, en pré-chirurgie oncologique. Toutefois, l’association reste statistiquement significative et ce dérivé du tabac est à risque de toxicité respiratoire. Il est donc, éthiquement, à déconseiller.

     

     

    En conclusion, même si, en France, la consommation de tabac chauffé reste un phénomène marginal, il est important, pour les tabacologues et les pneumologues, d’avoir connaissance de son existence et de son mécanisme,  d’être au clair sur sa toxicité et d’en rechercher l’utilisation, afin de ne pas être pris au dépourvu.

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    JDF