Pneumologie

Antidépresseurs chez les sujet âgés atteints de BPCO : l’indication reste à démontrer

Les antidépresseurs sont souvent prescrits chez les sujets âgés atteints de BPCO car la dépression en est une comorbidité fréquente. Toutefois, la balance bénéfices-risques reste à évaluer chez le sujet âgé, en raison des effets secondaires potentiellement graves de ces médicaments. D’autres possibilités de traitement existent. D’après un entretien avec Gilles JEBRAK.

  • 19 Oct 2023
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    Une étude, et un éditorial, publiés dans Thorax, en septembre 2023, a fait le point sur la balance bénéfice-risque de la prescription des antidépresseurs de nouvelles générations (inhibiteurs de la recapture de sérotonine ou de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) chez le sujet âgé atteint de BPCO. Il s’agit d’une étude rétrospective, issue d’une base de données anglaise très importante, The Health Improvement Network (THIN). Les auteurs se sont intéressés aux effets secondaires des antidépresseurs chez le sujet âgé atteints de BPCO, en étudiant les risques d’exacerbations de BPCO et de pneumonies suite à la prescription de ces médicaments, compte-tenu de la gravité potentielle de ces effets secondaires. Ils ont extrait de la cohorte THIN les 31 253 patients ayant des codes diagnostiques de BPCO avec prescription d’un antidépresseur à au moins une reprise. Puis ils ont recherché une relation temporelle entre la première prescription de l’antidépresseur et la survenue d’une pneumonie et/ou d’une exacerbation dans les 90 jours suivants, période considérée comme à risque d’effets secondaires. Le résultat est impressionnant, puisque les auteurs retrouvent une augmentation du risque de 79 % et de 16 % respectivement de pneumonies et d’exacerbations de BPCO dans cette période. De plus, la diminution des risques avec l’arrêt du traitement confirme ce lien.

     

    Une étude à charge

    Le docteur Gilles JEBRAK, pneumologue à l’hôpital Bichat-Claude Bernard, à Paris, explique que la dépression est une comorbidité particulièrement préoccupante chez les personnes ayant une BPCO aussi bien du fait de sa fréquence (elle concerne 20 à 40% des BPCO) que de ces conséquences en particulier sur la qualité de vie et l’observance thérapeutique, déjà souvent problématique chez ces patients. Il existe un cercle vicieux qui relie exacerbations de BPCO et dépression, les unes aggravant l’autre et vice versa. Ces éléments soulignent l’importance du traitement de la dépression en cas de BPCO et interrogent sur les bénéfices des antidépresseurs chez ces patients.

    Bien sûr, au plan théorique, les effets secondaires des antidépresseurs peuvent être préoccupants en cas de BPCO en favorisant les infections respiratoires : nausées et vomissements avec risque d’inhalations, impact sur le système immunitaire, réduction de la clairance bronchiques des cellules en apoptose, sécheresse buccale, troubles de la vigilance… A l’inverse, l’action anticholinergique bronchodilatatrice est espérée quand les médicaments sont utilisés par voie inhalée chez les patients BPCO. Pour Gilles JEBRAK, cette étude souligne la prudence qu’il faut observer lors de la prescription de psychotropes chez les BPCO devant cette étude d’une grande puissance statistique du fait de l’importance de la cohorte anglaise. Mais cette étude a ces faiblesses : son caractère rétrospectif, l’ignorance du contexte de l’indication des antidépresseurs, celle de la sévérité des BPCO, du dosage et de l’observance des antidépresseurs, du tabagisme,… C’est une étude à charge qui ne prend pas en compte l’intérêt des traitements sur la dépression des patients, voire leur fonction respiratoire (par exemple s’ils améliorent l’observance du traitement de la BPCO), ou leur survie, puisqu’on ignore la sévérité des pneumonies et des exacerbations imputées aux antidépresseurs.

     

    Le traitement n’est pas que dans le médicament

    Gilles JEBRAK estime que cette étude est intéressante : c’est un signal d’alarme sur la prescription des antidépresseurs chez le sujet âgé atteints de BPCO. Les médecins, y compris les psychiatres sont souvent réticents à initier ces médicaments chez ces patients fragiles, surtout s’ils ont une insuffisance respiratoire. Il souligne l’intérêt des autres éléments du traitement des dépressifs qui passent par l’écoute, la psychothérapie et aussi la réadaptation respiratoire qui a démontré son action positive sur les comorbidités psychiatriques. Dans le doute, il faut privilégier ces traitements avant de recourir aux psychotropes.

     

    En conclusion, il faut bien peser l’indication des antidépresseurs chez les sujets âgés atteints de BPCO. Mais on ne peut pas renoncer à leurs bienfaits potentiels sur cette simple étude. Nous avons besoin d’un essai de bonne qualité méthodologique des antidépresseurs versus placebo qui étudierait l’impact de ces médicaments sur la qualité de vie, la fonction respiratoire, les exacerbations, les complications infectieuses, voire la survie des BPCO dépressifs.

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    JDF