Infectiologie

Covid-19 : intérêt potentiel d’un inhibiteur du récepteur de l’IL1 contre le SDRA

Les résultats d'une étude observationnelle sur 29 patients Covid-19 avec un syndrome de détresse respiratoire aiguë associé à une hyper-inflammation montrent que l'anakinra à forte dose pourrait être prometteur

  • 10 Mai 2020
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    C’est la première étude pilote sur l’intérêt potentiel de l'anakinra, un inhibiteur du récepteur de l’IL1 utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde, pour traiter les malades Covid-19 souffrant d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA).

    Elle montre que l'anakinra à forte dose est sans danger et est associée à une amélioration de la fonction respiratoire et à une réduction des signes de la tempête cytokinique chez 72% des malades (21 sur 29). Il s’agit des résultats d'une étude pilote sur 29 malades suivis 21 jours et réalisée dans un hôpital de Milan. L’étude est publiée dans la revue Lancet Rheumatology.

    Forte réduction du syndrome inflammatoire

    A 21 jours, l'anakinra à dose forte (5 mg/kg deux fois par jour par voie intraveineuse), est associé à une réduction de la C-réactive protéine et à une amélioration progressive de la fonction respiratoire chez 21 des 29 malades (72%). La survie serait de 90 % (26 sur 29 malades). Cinq des 29 patients (17 %) ont eu besoin d'une ventilation mécanique.

    Les auteurs comparent ces résultats avec un groupe de 16 malades ayant reçu le traitement standard avant le début de la série actuelle (comparaison historique). La plupart de ces 16 patients comparateurs ont eu des augmentations persistantes ou récurrentes de la C-réactive protéine. La fonction respiratoire s'est améliorée pour la moitié des malades (8 patients, 50%), et 56% (9 sur 16) ont survécu. Un patient a eu une ventilation mécanique (6%).

    Une série pilote

    L'étude n’est pas un essai contrôlé randomisé, qui est la référence pour établir l'efficacité d'un traitement, et ne peut donc pas prétendre, avec sa comparaison historique, à l’établissement d’une quelconque relation de cause à effet. Cependant, ils sont encourageant en attendant les résultats des essais randomisés en cours.

    Les malades ont une pneumonie modérée à sévère avec hyper-inflammation (définie par une CRP ≥ 100 mg/L, une ferritine ≥ 900 ng/mL, ou les deux) et ils sont pris en charge avec une ventilation non invasive en dehors de l'USI (CPAP). L’anakinra est donné en sus du traitement usuel qui associe les soins de supports et un traitement de 200 mg d'hydroxychloroquine, deux fois par jour par voie orale, et de 400 mg de lopinavir avec 100 mg de ritonavir deux fois par jour par voie orale.

    Inhibiteur du récepteur de l’IL-1

    L'anakinra à forte dose a globalement peu d'effets secondaires. Parmi les effets indésirables, quatre patients (14%) du groupe ayant reçu une forte dose d'anakinra ont eu un épisode de bactériémie, contre deux patients (13%) du groupe ayant reçu le traitement standard. L'arrêt de l'anakinra n'a pas été suivi de rechutes inflammatoires.

    Les causes de décès chez les malades recevant une forte dose d'anakinra par voie intraveineuse sont une embolie pulmonaire, une insuffisance respiratoire et une défaillance multi-organes (1 patient par cause de décès). Les causes de décès dans le groupe comparatif sont une insuffisance respiratoire (3 patients), une défaillance multi-organes (3 patients) et une embolie pulmonaire (1 patient).

    Cytokine, hyperinflammation et SDRA

    La plupart des malades Covid-19 n’ont que des symptômes légers, mais chez les patients gravement atteints, le système immunitaire réagit parfois de manière excessive, déclenchant une « tempête cytokinique ».

    Les cytokines contribuent à l'hyperinflammation, ce qui entraîne un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) et réduit le taux d'oxygène dans le sang. Le SDRA est la principale cause de décès liés à cette maladie à coronavirus. Parmi les patients admis aux unités de soins intensifs avec la Covid-19 et le SDRA, le taux de mortalité estimé varie entre 28% et 78%.

    La respiration des patients est suppléée jusqu'à la disparition de l'inflammation dans les alvéoles, mais le nombre de malades pouvant nécessiter une ventilation peut dépasser le nombre d'unités de soins intensifs équipées de ventilateurs mécaniques. Des traitements sont donc nécessaires pour améliorer le pronostic des patients gravement malades traités en dehors des unités de soins intensifs.

    Un repositionnement d’une molécule connue

    L’anakinra est déjà approuvé par l'Agence européenne des médicaments pour traiter les maladies auto-immunes et les syndromes auto-inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Still, maladie périodique…). Il agit en bloquant le récepteur de la cytokine pro-inflammatoire IL-1.

    Les auteurs de l'étude relèvent que, par rapport à d'autres agents bloquant les cytokines, l'anakinra a un dossier de sécurité très solide et une courte demi-vie, ce qui rend ce médicament particulièrement intéressant pour des patients gravement malades et à risque d’infection.

    Une étude pilote

    Cette étude est la première à suggérer qu'une dose élevée d'anakinra, un antagoniste du récepteur de l’IL-1, pourrait bloquer la réaction excessive du système immunitaire lors de la Covid-19.

    Compte tenu de la logique biologique de l'anakinra, du profil pharmacocinétique et de la tolérance de ce médicament, et d'un nombre croissant d'expériences positives en matière de prévention de l'hyper-inflammation (tempête cytokinique), ces données sont prometteuses mais justifient la réalisation d’essais contrôlés randomisés avant la généralisation de ce type de traitement.

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