Pneumologie

La dysfonction diaphragmatique : un facteur de mauvais pronostic dans les pneumopathies interstitielles diffuses.

La dysfonction diaphragmatique est un phénomène peu étudié au cours des pneumopathies interstitielles diffuses et notamment dans le cadre des connectivites. Elle représente pourtant un facteur de mauvais pronostic. D’après un entretien avec Jules MILESI, pneumologue dans le Service de maladies rares et transplantation pulmonaire à Hôpital Nord Marseille et auteur de ce travail.

  • 27 Novembre 2025
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    Une étude, dont les résultats sont parus en août 2025, dans Respiratory Medicine and Research, a cherché à évaluer la dysfonction diaphragmatique au cours des fibroses interstitielles diffuses, liées aux connectivites et son rôle pronostic. Il s’agit d’une étude française, monocentrique, rétrospective au cours de laquelle 37 patients ont été inclus entre mai 2018 et septembre 2023. Tous les patients étaient atteints de pneumopathies interstitielles consécutives à une connectivite et tous ont subi une évaluation du diaphragme par ENMG, ainsi qu’une évaluation clinique. La survie a ensuite été analysée, et ajustée en fonction de l’âge et du sexe.

     

    Qu’est ce qui dans votre pratique, a motivé l’initiation de ce travail ?

    L’exploration des muscles respiratoires et en particulier celle du diaphragme peut s’avérer d’une part difficile d’accès, et d’autre part hétérogène dans la méthode d’évaluation en fonction du lieu d’exercice des pneumologues. De plus, la dyspnée chez les patients atteints de PID liées aux connectivites est une problématique fréquente et peut avoir des étiologies multiples :  progression de la pathologie sur le plan pulmonaire, déconditionnement cardio-respiratoire, amyotrophie liée à une corticothérapie prolongée ou encore progression de la pathologie au niveau extra-pulmonaire impliquant les muscles respiratoires et en particulier le diaphragme (soit par atteinte nerveuse, soir par atteinte musculaire). Il y a peu de données dans la littérature pouvant orienter le pneumologue vers une dysfonction diaphragmatique chez ces patients malgré les différences de prise en charge thérapeutique potentielles. Notre but était donc d’essayer de caractériser la fonction diaphragmatique chez les patients atteints de PID de connectivites dans un premier temps, d’étudier le pronostic de cette atteinte et enfin de trouver des facteurs prédictifs de cette atteinte.

     

    La taille de la cohorte a-t-elle limité les résultats ?

    Bien évidemment notre échantillon de seulement 37 patients (dont 13 dysfonctions diaphragmatiques à l’ENMG) ainsi que le caractère monocentrique et  rétrospectif de notre étude limitent l’interprétation des résultats. Cependant, ce faible échantillon sur plus de 5 ans de recueil dans un centre de référence de PID liée aux connectivites peut également être pris comme un résultat en tant que tel, dévoilant possiblement une faible prévalence de l’atteinte diaphragmatique au sein des connectivites.

     

    Quels sont les principaux résultats à mettre en lumière ?

    Concernant les étiologies responsables d’atteinte diaphragmatique, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, ce ne sont pas les myosites qui sont le plus impliquées (1/11 dans notre cohorte) mais les sclérodermies (4/4). Aussi, l’atteinte diaphragmatique semble être un élément aggravant la survie du patient et les facteurs prédictifs de dysfonction diaphragmatique dans notre étude sont le sexe masculin, l’âge, le pattern de PINS (qui est protecteur) et une CPT basse. Bien évidemment ces résultats sont à interpréter avec précaution et nécessitent des études de plus grandes ampleurs.

     

    Quel est l’intérêt pratique de ces résultats ? Comment peut-on agir sur la dysfonction diaphragmatique ?

    L’intérêt est double : d’une part de montrer que l’EMG est une méthode capable de diagnostiquer les dysfonctions diaphragmatiques et également de sensibiliser les pneumologues sur la gravité de cette atteinte et les connectivites pourvoyeuses de dysfonction diaphragmatique. La prise en charge thérapeutique est une très bonne question, celle-ci va dépendre du mécanisme de l’atteinte du diaphragme qui est également possiblement multifactorielle : progression pulmonaire de la pathologie avec atteinte fibrosante et contrainte mécanique (anti-fibrosant), progression extra-pulmonaire (musculaire ou nerveuse nécessitant une majoration des immunosuppresseurs), déconditionnement ou myopathie cortisonique (réhabilitation et sevrage de la corticothérapie), …

     

    En conclusion, ce travail est un point de départ et des travaux multicentriques de plus grande ampleur sont nécessaires, comportant des examens tels que l’ENMG, la mesure de la capacité vitale debout/couché, échographie ou IRM diaphragmatique, … Ces éléments permettraient d’obtenir plus d’informations sur la dysfonction diaphragmatique et améliorer sa prise en charge.

     

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