Oncologie

Cholangiocarcinome IDH1 muté : l’ivosidenib une nouvelle option thérapeutique

Les mutations spécifiques des cholangiocarcinomes en font des cibles particulières pour les thérapies ciblées. L’ivosidenib apparait comme une molécule prometteuse

  • Istock/MariaAverburg
  • 28 Septembre 2020
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    La prise en charge des patients avec un cholangiocarcinome localement avancé ou métastatique repose sur la combinaison gemcitabine plus cisplatine en 1ère ligne puis sur du FOLFOX en 2ème ligne. Les cholangiocarcinomes ou cancers des voies biliaires sont des tumeurs hétérogènes de par leur localisation (intra-, extra-hépatique, vésicule biliaire) et les anomalies moléculaires potentiellement retrouvées.

    Les cholangiocarcinomes, notamment intra-hépatiques, se caractérisent par de fréquentes anomalies moléculaires pour lesquelles des thérapies ciblées existent ou sont en cours de développement. Des anomalies moléculaires potentiellement ciblables sont beaucoup plus rarement identifiées en cas de cholangiocarcinome extra-hépatique ou de cancer de la vésicule biliaire.

    Inhibiteurs de FGFR et IDH1

    Plusieurs études de phase 2 ont évalué des inhibiteurs de FGFR chez les patients avec un cholangiocarcinome et un gène de fusion FGFR ; les études de phase 3 sont en cours. L’étude de phase 2 randomisée AMEBICA (PRODIGE 38) ayant comparé le FOLFIRINOX à la combinaison gemcitabine plus cisplatine en 1ère ligne est négative avec des résultats inférieurs en SSP et SG dans le bras FOLFIRINOX.

    Parmi les autres anomalies moléculaires potentiellement ciblables, des mutations de IDH1 sont retrouvées dans 10% à 15% des cholangiocarcinomes intra-hépatiques. L’ivosidenib est un inhibiteur de tyrosine kinase ciblant IDH1. Il a démontré son efficacité chez les patients avec une leucémie aiguë myéloïde. Des résultats prometteurs ont été rapportés chez les patients avec un cholangiocarcinome prétraité dans une étude de phase 1.

    Une phase 3 chez les patients avec un cholangiocarcinome avancé et prétraité

    Dans ClarIDHy, étude de phase 3 randomisée, les auteurs ont évalué l’ivosidenib chez des patients avec un cholangiocarcinome avancé prétraité (une ou deux lignes) et une mutation de IDH1.

    Les patients ont été randomisés selon un ratio 2:1 entre un bras ivosidenib (I) et un bras placebo (P). L’ivosidenib était administré à la dose de 500 mg une fois par jour, en continu, cycle de 28 jours. L’objectif principal était la survie sans progression (SSP) en relecture centralisée.

    De Février 2017 à Janvier 2019, 185 patients ont été inclus (bras I n=124 et bras P n=61). Les caractéristiques des patients étaient comparables dans les deux bras. L’âge médian était d’un peu plus de 60 ans et 63% des patients étaient de sexe féminin. 46% des patients avaient reçu deux lignes de traitement et 54% une ligne. 91% des patients avaient un cholangiocarcinome intra-hépatique et la grande majorité (92%) une maladie métastatique. A la date de point, 57% des patients du bras placebo (35/61) avaient reçu l’ivosidenib après progression sous placebo.

    Survie sans progression intéressante  

    Après une médiane de suivi de 6,9 mois, la SSP médiane était de 2,7 mois dans le bras I et de 1,4 mois dans le bras P (HR=0,37 ; IC 95% : 0,25-0,54 ; p<0,0001). Dans le bras I, les taux de SSP à 6 et 12 mois étaient de 32% et 22%, respectivement. Le bénéfice de l’ivosidenib était retrouvé dans tous les sous-groupes. La survie globale (SG) médiane était de 10,8 mois dans le bras I et de 9,7 mois dans le bras P (HR=0,69 ; IC 95% : 0,44-1,10 ; p=0,06). Les taux de SG à 6 et 12 mois étaient de 67% et 48% dans le bras I, et de 59% et 38% dans le bras P, respectivement. La SG estimée des patients du bras placebo (sans le crossover) était de 6,0 mois (HR=0,46 ; IC 95% : 0,28-0,75 ; p=0,0008). Les taux de réponse objective et de contrôle de la maladie étaient de 3% et de 51% dans le bras I, respectivement.

    Profil de tolérance positif

    La durée médiane de traitement était de 2,6 mois dans le bras I et de 1,6 mois dans le bras P. L’effet secondaire de grade 3-4 le plus fréquent était la survenue d’une ascite (7% dans bras P et 9% dans bras I). Dans le bras I, les effets secondaires de grade 1-2 les plus fréquents (>20%) étaient : nausées 33%, diarrhée 31%, fatigue 23%, et toux 21%. 30% des patients du bras I eurent un effet secondaire sérieux mais celui-ci ne fut rattaché au traitement que chez 3 patients (2%). Aucun décès lié au traitement ne fut rapporté. Une réduction de dose en raison d’effet(s) secondaire(s) fut rapportée chez 3% (n=4) des patients du bras I.

    L’altération de la qualité de vie (selon l’échelle EORTC QLQ-C30), évaluée entre l’inclusion et le début du 2ème cycle, était moindre dans le bras I que dans le bras P (-3 vs -13 ; p=0,0059).

    En conclusion

    Les cholangiocarcinomes intra-hépatiques apparaissent de plus en plus comme un sous-groupe particulier de cholangiocarcinome avec de multiples anomalies moléculaires potentiellement ciblables : gène de fusion FGFR, mutation IDH1, amplification HER2, phénotype MSI… Une analyse moléculaire par NGS de tous les cholangiocarcinomes intra-hépatiques nouvellement diagnostiqués est désormais hautement recommandée.

    Cette étude de phase 3 est positive pour son objectif principal avec une augmentation significative de la SSP. Il existe également un bénéfice pour les autres objectifs secondaires (taux de contrôle tumoral, SG, qualité de vie).. Ces données ne modifient pour l’instant pas les stratégies thérapeutiques actuelles (gemcitabine + cisplatine en 1ère ligne, FOLFOX en 2ème ligne). En cas d’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, l’ivosidenib devrait pouvoir être prescrit en 2ème ou 3èmeligne.

    Des essais de phase 3 en cours évaluent en 1ère ligne des inhibiteurs de tyrosine kinase FGFR versus gemcitabine plus cisplatine. L’ivosidenib n’a pas encore obtenu d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication

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