Infectiologie
Covid-19 : probable bénéfice majeur des anticoagulants à la phase inflammatoire
Un traitement anticoagulant efficace améliore très vraisemblablement les chances de survie des malades hospitalisés pour Covid-19, selon une large étude observationnelle réalisée à New York. Une étude cohérente avec une étude chinoise.
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Au plus fort de l’épidémie, sur 2773 patients hospitalisés pour une forme hypoxémiante de pneumonie Covid-19 au Mount Sinai hospital, à New York, la survie médiane des malades est passée de 14 jours à 21 jours avec le simple ajout d’un traitement anticoagulant.
Les résultats semblent particulièrement intéressants chez les malades les plus sévères, ceux avec un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) nécessitant une ventilation mécanique : chez eux la mortalité hospitalière a chuté de moitié, de 62,7% à 29,1%, et la survie médiane a plus que doublé, passant de 9 jours à 21 jours. Cette association entre le traitement anticoagulant et l'amélioration de la survie reste significative après ajustement en fonction de la ventilation mécanique. L’étude est publiée en pré-print accepté dans le Journal of the American College of Cardiology (JACC).
Un sur-risque de thrombose
Les malades traités par anticoagulants sont bien sûr les plus sévères et donc ils ont plus souvent une ventilation mécanique (29,8% contre 8,1%). De même, leur risque d'avoir des valeurs de LDH, de ferritine, de CRP et de D-dimères élevées est significativement plus importante.
Dans ce contexte, les résultats bruts sont que la mortalité hospitalière est de 22,5% avec anticoagulant et de 22,8% sans anticoagulation (survie médiane de 14 jours contre 21 jours).En analyse multivariée, une durée d'anticoagulation plus prolongée est associée à un risque ajusté de mortalité hospitalière inférieur de 14% (rapport des risques = 0,86 par jour, IC à 95%, 0,82 - 0,89 ; p < 0,001).
Pas de sur-risque hémorragique
Les événements hémorragiques ne sont pas significativement différents entre le groupe des patients sous anticoagulant et celui sans anticoagulant (3% versus 1,9% ; p = 0,2), mais ils sont plus fréquents chez les 375 patients intubés (donc les plus sévères) par rapport au groupe des patients non-intubés (7,5% versus 1,35%).
Comme il ne s'agit pas d'une étude contrôlée randomisée, il n’est pas possible d’affirmer une relation de cause à effet et les résultats peuvent être modifié par un biais temporel. L'anticoagulation en milieu hospitalier a été débutée à une médiane de 2 jours qui a varié de 0 à 5 jours, un différentiel pris en compte dans le modèle multivarié.
Etude observationnelle
Dans cette étude, les médecins ont analysé la mortalité et les hémorragies chez 2773 patients hospitalisés au Mount Sinai hospital avec une Covid-19 avérée. Parmi ceux-ci, 786 (28%) ont reçu un traitement anticoagulant par de l’héparine sous-cutanée (HBPM ou héparine fractionnée) ou un anticoagulant direct comme l’apixaban et le dabigatran, et ce pendant une durée médiane de 3 jours (2 à 7 jours).
Les hémorragies majeures ont été définies comme une hémoglobine inférieure 7 g/dL ou une transfusion sanguine d’au moins deux unités de globules rouges dans les 48 heures ou un diagnostic d’hémorragie majeure avéré, notamment une hémorragie intracrânienne.
Intérêt des anticoagulants
Ces résultats vont dans le même sens que ceux d’une autre étude observationnelle chinoise et qui avait été publiée dans le Journal of Thombosis and Haemostasis. Elle a inclus 449 malades Covid-19 grave, traités par héparine (principalement des HBPM) pendant au moins 7 jours.
La mortalité à 28 jours est similaire entre les utilisateurs et les non-utilisateurs d'héparine (30,3% contre 29,7%), mais elle est plus faible chez les utilisateurs d'héparine qui ont un "sepsis-induced coagulopathy" (SIC) score d'au moins 4 (40% contre 64,2% ; P = 0,02) ou un D-dimère supérieur à six fois la limite supérieure de la normale (32,8% contre 52,4% ; p = 0,01).
En analyse multivariée, les D-dimères, le temps de prothrombine et l'âge sont corrélés positivement avec la mortalité à 28 jours, et la numération plaquettaire est négativement corrélée avec la mortalité à 28 jours.
La dose est importante
Fin mars, l’International Society on Thrombosis and Haemostasis avait recommandé que tous les malades hospitalisés pour Covid-19, même ceux qui ne sont pas en réanimation, reçoivent une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à dose prophylactique, sauf en cas de contre-indications. En avril, un consensus international a relevé un risque d'hémorragie élevé chez ces patients, mais basé uniquement sur des séries de petite taille.
Mais, au fil de l’épidémie, de nombreux médecins se sont aperçu que le risque de thrombose était majeur au cours de cette maladie infectieuse pulmonaire (jusqu’à 30% des cas), en particulier lors du virage inflammatoire et lors du SDRA, période où le syndrome inflammatoire est intense (CRP, fibrinogène) et où les D-dimères s’élèvent. La plupart des médecins conseillent donc d’augmenter à ce moment les doses du traitement anticoagulant jusqu’à une dose anticoagulante efficace, ce qui améliore nettement la survie des malades sévères (endothélite avec activité procoagulante élevée).
On attend la réponse à cette question dans plusieurs études randomisées dans les semaines à venir.











