Infectiologie
Maladie de Lyme : il faut protéger les patients en errance diagnostique
De nombreux syndromes douloureux chroniques font craindre une maladie de Lyme alors qu’ils sont dans la très grande majorité des cas liés à d’autres maladies. 24 sociétés savantes de médecins alertent contre le risque de mésusage des médicaments et rappellent les enjeux du débat actuel.
- anakopa/istock
Douleurs chroniques, fatigue persistante, troubles de l’humeur, épuisement professionnel… ces symptômes non-spécifiques peuvent être associés à de nombreuses autres maladies que la maladie de Lyme.
Pourtant, ils sont régulièrement mis en avant pour évoquer cette infection alors qu’il n’y a le plus souvent aucune histoire clinique évocatrice, ni aucun test scientifiquement validé positif ou que l’infection éventuelle a été correctement traitée. Pire, ces symptômes ont été pris en compte dans des recommandations insuffisamment explicites de la HAS dans le cadre d’un « syndrome post-Lyme » ou « SPTT (symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique) », très imprécis. Les associations scientifiques de médecins ont refusé de signer de signer ces recommandation pour éviter de cautionner une interprétation trop libérale de ce concept car le risque d’erreur diagnostique et de mésusage des antibiotiques leur semblait trop important.
Face à une errance diagnostique certaine des malades et à la souffrance des patients, des solutions ont été par contre proposées, comme des centres de référence et des parcours de soins à même de prendre en charge ces malades. 24 sociétés savantes réclament aux tutelles de Santé une clarification de leur position, dans l’intérêt de ces malades en errance diagnostique.
Nouvel assaut des polémistes
Ces dernières semaines, la polémique portant sur la prise en charge des patients qui craignent d’être atteints de la maladie de Lyme s’est intensifiée. La publication des recommandations des 24 sociétés savantes représentant les spécialités médicales les plus concernées (et totalement cohérentes avec les recommandations officielles étrangères), puis l’annonce par le Directeur Général de la Santé des 5 centres de référence de prise en charge des maladies vectorielles à tiques sélectionnés par les autorités de tutelle, semblent avoir radicalisé les positions.
Pourtant, on pouvait légitimement espérer que la sélection de ces 5 centres de référence (sur 10 centres candidats), choisis pour leur qualité scientifique, leur expertise de la maladie et leur volonté de s’inscrire dans une démarche de démocratie sanitaire, aurait dû apaiser la situation.
Des risques sur la prise en charge des malades
Cette situation est aujourd’hui malheureusement source de confusion pour certains malades et les praticiens non-spécialistes de la maladie car, si de nombreux patients craignant d’être atteints de maladie de Lyme souffrent de symptômes chroniques pénibles, voire invalidants (douleurs, fatigue, troubles de l’humeur ou de la concentration, épuisement professionnel), ceux-ci sont peu spécifiques et peuvent être associés à de nombreuses maladies dont le retard à la prise en charge peut avoir parfois des conséquences dramatiques (sclérose en plaque, lymphome…).
Une démarche proposée scientifique
Face à cette situation, une approche médicale responsable a été proposée dans ces circuits de soins basée sur une écoute bienveillante pour essayer de comprendre l’origine de ces symptômes (circonstance d’apparition, antécédents médicaux…), une démarche diagnostique responsable (tests validés, bilans adaptés…) et prenant en compte les traitements antérieurs et leur efficacité.
A l’issue de cette évaluation, le diagnostic retenu sera le plus souvent différent de la maladie de Lyme comme l’ont indiqué plusieurs études scientifiques et pas seulement françaises (c’est même la très grande majorité des cas).
Bénéfice de cette stratégie pour les malades
Pour les patients qui craignent d’avoir une maladie de Lyme et pour qui le diagnostic est écarté dans ces circuits de soins validés, cette démarche médicale est doublement profitable :
Elle permet de les réorienter vers une prise en charge adaptée à leur vraie maladie (fibromyalgie ou sclérose en plaque ou lymphome ou maladie endocrinienne ou osseuse…),
Elle leur évite de subir la répétition de « cures » d’antibiotiques multiples et prolongées, ainsi que d’autres approches thérapeutiques non scientifiquement validées, et ceci pendant des mois voire des années, dont la quasi-totalité des études scientifiquement menées ont montré qu’elles n’ont aucun intérêt pour soulager les patients, et qu’elles sont associées à des complications potentiellement graves.
Le manifeste des 24 sociétés savantes :
- C’est pour défendre les patients que nous avons refusé de cautionner les recommandations publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS), dont le manque de clarté induit des interprétations diverses et laisse la porte grande ouverte à des pratiques délétères.
Un an après leur publication, ceci n’est pas un procès d’intention, mais un constat quotidien.
- C’est pour défendre les patients et améliorer leur prise en charge que nous avons développé, au cours des dernières années, des structures et des parcours patients permettant une prise en charge collaborative pour ceux qui craignent d’être atteints d’une forme chronique de la maladie de Lyme.
- C’est pour défendre les patients et éviter que certains praticiens peu scrupuleux les laissent croire à un diagnostic erroné que nous demandons qu’il soit interdit de proposer des tests et des traitements non validés, qui engagent les patients dans des dépenses inutiles et contre productives.
- C’est pour défendre les patients et répondre à une demande du Directeur Général de la Santé que nous avons rédigé de nouvelles recommandations, consensuelles au sein des disciplines médicales, claires, qui s’appuient sur les données de la science.
Les 24 sociétés scientifiques qui se mobilisent
Aujourd’hui, dans l’intérêt des patients, nous demandons à nos tutelles une clarification de leur position pour nous aider à protéger les patients.
Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), Collège de la Médecine Générale (CMG), Société Française de Dermatologie (SFD), Société Française de Rhumatologie (SFR), Fédération Française de Neurologie (FFN), Société Française de Neurologie (SFN), Société Nationale Française de Médecine Interne (SNFMI), Société Française de Microbiologie (SFM), Collège National des Professionnels en Psychiatrie - Collège National pour la Qualité des Soins en Psychiatrie (CNPP-CNQSP), Association Française de Psychiatrie Biologique et de Neuro-psychopharmacologie (AFPBN), Société de Psychologie Médicale et de Psychiatrie de Liaison de Langue Française (SPMPLLF), Société Française de Médecine du Travail (SFMT), Société Française de Cardiologie (SFC), Société Française de Pédiatrie (SFP), Groupe de Pathologies Infectieuses Pédiatriques (GPIP), Société Française de Rhumatologie et Médecine Interne Pédiatrique (SOFREMIP), Société Française d’Ophtalmologie (SFO), Société Française de Mycologie Médicale (SFMM), Société Française de parasitologie (SFP), Centre National de Référence des Borrelia, Collège des universitaires de Maladies Infectieuses et Tropicales (CMIT), Conseil National Professionnel des Maladies Infectieuses et Tropicales (CNP MIT), Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD), Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
Ces 24 sociétés scientifiques soulignent que la « Fédération Française contre les Maladies Vectorielles à Tiques » (FFMVT), opposée à cette démarche médicale, ne représente qu’une très faible minorité de médecins (moins de 100, pour environ 300 000 médecins en exercice en France), mais qu’elle tente de s’imposer comme unique défenseur des patients.











